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Tribunal pénal fédéral: le procès d’un Libérien accusé de crimes de guerre a repris

Depuis le 3 décembre, les juges suisses se penchent sur le cas d’Alieu Kosiah, ancien commandant libérien poursuivi pour le meurtre de 18 civils et 2 soldats désarmés.

04 déc. 2020, 17:59
Le procès d'un Libérien accusé de crimes de guerre a repris vendredi devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone (archives).

Le procès d’un Libérien accusé de crimes de guerre a repris vendredi devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. Cet ancien commandant répond pour des actes commis entre 1993 et 1995, durant le premier conflit civil au Libéria.

Après les questions préjudicielles, la Cour des affaires pénales a entrepris d’interroger le prévenu sur sa situation personnelle et sur l’ULIMO (United Liberation Movement of Liberia for Democracy). Alieu Kosiah commandait une unité de ce mouvement entre 1993 et 1995, période durant laquelle les faits reprochés se seraient produits. Le procès se poursuivra la semaine prochaine.

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Questionné par le président Jean-Luc Bacher, cet homme grand et athlétique, vêtu d’un veston bleu foncé et d’une chemise blanche ouverte, a répondu de manière très détaillée en liberian english émaillé de quelques mots français. Se référant à l’abondante documentation couvrant sa table, il a expliqué qu’il avait suivi la «high school» mais ne l’avait pas achevée suite à sa mobilisation dans l’armée libérienne (AFL).

«Je serais mort»

Le prévenu est arrivé en Suisse en 1998 après l’élection de Charles Taylor à la présidence du Liberia l’année précédente. «Nous avions combattu le NPFL (National Patriotic Front of Liberia) de Taylor. Si j’étais resté, je serais mort, comme beaucoup de mes amis.» En Suisse, l’accusé a été marié entre 2004 et 2011. Bien que sa demande d’asile ait été rejetée, il vivait dans le canton de Vaud.

 

 

L’accusé a longuement parlé de l’ULIMO et des autres groupes armés. Se présentant comme l’un des «membres fondateurs», il a expliqué que le mouvement avait été formé au Sierra Leone. Pour le financement et le ravitaillement, il pouvait compter sur l’ECOMOG (force africaine d’interposition) ou le Sierra Leone. «Tous les vivres venaient de Sierra Leone, par camions», a assuré l’accusé.

«Black Monday»

Questionné sur les faits reprochés à l’ULIMA, le prévenu les a contesté ou plaidé l’ignorance. Donnant sa définition d’un crime de guerre, il a mentionné «tuer, ordonner ou laisser tuer des personnes innocentes.» Il a affirmé n’avoir pas assisté à des crimes de guerre ou à de mauvais traitements envers les civils lors du conflit. Mais, «comme partout, il y a de bonnes et de mauvaises personnes.»

Alieu Kosiah a reconnu que l’ULIMO, comme le NPFL, utilisait des enfants-soldats, «dès 12-13 ans». En revanche, il a affirmé n’avoir pas entendu parler de «Black Monday» jusqu’à son arrestation. Selon l’accusation, il s’agissait de massacres indiscriminés de villageois.

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L’accusé a affirmé que le «tabé» – une forme de torture – a été introduit par le NPFL. Seuls de «mauvais commandants» l’auraient pratiqué au sein de l’ULIMO mais «je ne l’ai jamais ordonné.» De même, l’accusé a nié le recours à des civils pour des transports forcés. «Si vous avez une jeep, pourquoi utiliser des civils?»

Alieu Kosiah a reconnu que c’était une «guerre civile, cruelle». Selon lui, les exactions, pillages ou viols étaient l’exception du côté de l’ULIMO. Les soldats responsables étaient sanctionnés, voire exécutés. S’il a entendu parler de cannibalisme depuis, il affirme ne pas en avoir eu connaissance à l’époque.

Pas de report

En ouverture d’audience, la Cour des affaires pénales s’est penchée sur les questions préjudicielles, qui ont été pour la plupart écartées. En particulier la demande de report du procès déposée par les avocats des parties plaignantes afin de permettre à ces dernières d’être présentes.

Le tribunal a aussi rejeté la demande de récusation déposée par Me Dimitri Gianoli, avocat du prévenu, à l’encontre de l’un des avocats des parties plaignantes. La fonction de président de l’association Dignitas Maxima assumée par Me Alain Werner ne met pas en cause son indépendance.

Alieu Kosiah, 45 ans aujourd’hui, a été arrêté en novembre 2014 en Suisse. Sa détention provisoire a été prolongée jusqu’à aujourd’hui. Il est présumé innocent.

Le prévenu répond du meurtre de 18 civils et de 2 soldats désarmés, commis par lui-même ou ses hommes. Il est accusé aussi d’avoir violé une femme et d’avoir profané le corps d’un civil en mangeant son cœur.

L’accusé aurait aussi forcé des civils à transporter des marchandises dans des conditions inhumaines. Durant ces trajets, des porteurs auraient été exécutés ou battus. Il est encore reproché à Alieu Kosiah d’avoir utilisé un enfant-soldat âgé de 12 ans.

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