La chaîne Button Poetry rassemble depuis mars 2011 les enregistrements de performance live de slammeurs américains, afin de démocratiser le « slam » ou le « spoken word », un moyen d’expression qui tend à lire des poèmes à haute voix avec un certain rythme afin de donner une résonnance aux mots.
L’œuvre la plus vue (et qui détient la meilleure note) de toutes, celle de Neil Hilborn, raconte la vie d’un jeune homme atteint de TOCs et a dépassé les 8 millions de vues en une année. Des images et un texte touchant, abordant un problème rarement exploité dans la culture, en général.
La traduction :
"La première fois que je l’ai vue, tout en moi s’est tu, tous les tics, tous les diaporamas dans ma tête ont juste disparu.
Quand vous souffrez de TOCs, vous n’avez pas vraiment de moment de calme. Même couché je pense toujours : ai-je bien fermé la porte ? Oui. Lavé mes mains ? Oui. Porte ? Oui. Mains ? Oui.
Lorsque je l’ai vue, la seule chose à laquelle je pensais, était la pureté de ses lèvres, ou ce cil sur sa joue –
Je savais qu’il fallait que j’aille lui parler. Je l’ai invité six fois… en trente secondes. Elle a dit « oui » dès la troisième fois, mais aucune de ses réponses n’allait, alors je devais continuer.
A notre premier rendez-vous, j’ai passé plus de temps à trier mes aliments par couleur plutôt que de manger, ou même de lui adresser la parole.
Mais elle aimait ça.
Elle aimait que je l’embrasse seize fois pour lui dire au revoir, ou 24 fois juste parce que c’était mercredi. Elle aimait que je prenne une éternité pour rentrer à la maison, parce que notre trottoir était bourré de fissures.
Quand on s’est installés ensemble, elle disait qu’elle se sentait en sécurité, parce que nous ne serons jamais cambriolés parce que je verrouille la porte dix-huit fois. Je ne pouvais m’empêcher d’admirer sa bouche lorsqu’elle parlait – Quand elle disait qu’elle m’aimait, de jolies faussettes naissaient aux coins de ses lèvres.
La nuit, elle se couchait sur le lit et me regardait éteindre la lumière, et faire On-Off – Elle fermait les yeux, s’imaginait que les jours et les nuits défilaient juste devant elle.
Un matin, alors que j’allais l’embrasser pour lui dire au revoir, elle m’a repoussé parce que je la mettais en retard pour partir travailler, lorsque j’étais bloqué à cause d’une fissure sur le trottoir, elle continuait de marcher, quand elle me disait qu’elle m’aimait, ses lèvres ne trahissaient pas d’émotion, elle me disait que je lui accaparais trop de temps.
La semaine dernière, elle est partie s’installer chez sa mère. Elle m’a dit qu’elle n’aurait pas dû me laisser s’attacher autant à elle.
Que tout cela était une erreur, mais comment cela pourrait être une erreur alors que je ne dois pas me laver les mains après l’avoir touchée ? L’amour n’est pas une erreur, et ça me tue qu’elle se soit enfuie, alors que je ne peux pas. Je ne peux pas trouver quelqu’un d’autre, parce que je pense tout le temps à elle.
Habituellement, quand une chose m’obsède, ce sont des impuretés qui s’insinuent dans ma peau, c’est une file de voitures qui m’écrase : elle est la première belle chose que j’ai littéralement eu dans la peau.
Je veux me réveiller chaque matin en pensant à sa façon de tenir son volant, sa façon de tourner les robinets comme s’il s’agissait d’un coffre-fort, à sa façon de souffler les bougies –
Maintenant, je ne peux plus penser qu’à son nouveau faiseur de baisers, j’ai la gorge nouée en imaginant qu’il ne le fasse qu’une seule fois, qu’il n’en a rien à faire que cela ne soit pas parfait.
Je veux si fort qu’elle revienne que je laisse la porte ouverte, et je laisse la lumière allumée."
Neil Hilborn est en train d'éditer un premier livre audio de son oeuvre.