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Marcello Giuliani, posé et nerveux

Le musicien lausanno-parisiens Marcello Giuliani, membre fondateur du Erik Truffaz Quartet, sera sur la scène de l'Usine à gaz vendredi. Rencontre.

31 oct. 2013, 07:00
Marcello Giuliani, musicien.

Musicien, producteur, compositeur, arrangeur, il a joué ou enregistré avec Daho, Higelin, Jane Birkin, Françoise Hardy, Rodolphe burger, Tété, Lou Doillon, la Grande Sophie, Barcella, Adamo, Vartan, Renan Luce, Albin de la Simone, Sebastien Lallement et bien d’autres. Il a réalisé les disques de Sophie Hunger, Anna Aaron, les Young Gods et K... Un musicien qui a su développer toutes les palettes de sa discipline. Vendredi, avec son groupe de toujours, le Erik Truffaz quartet, il sera sur la scène de l’Usine à gaz. Rencontre.

 
Marcello Giuliani. Vous êtes aujourd’hui réputé pour être un excellent bassiste. Pourtant, tout a commencé à la guitare…

Oui, j’ai étudié la guitare classique aux Conservatoires de Vevey et Fribourg, où Joaquim Freire, guitariste brésilien, donnait les cours. Cette rencontre à été fondamentale. Joaquim m’a appris la musicalité et, surtout, à faire sonner mon instrument comme je le souhaitais. Un enseignement que j’ai pu transposer à tous les instruments que j’ai touché.

 Et comment êtes-vous arrivé à la basse?

A 17 ans, je m’en suis acheté une pour frimer devant les potes. Je venais de voir jouer Marcus Miller  après un concert au Montreux Jazz: il avait fait un solo en slap et cela m’a vraiment épaté. C’est d’ailleurs au Montreux Jazz, puisque j’y ai été bénévole, que j’ai compris ce qu’était le niveau des musiciens américains qui y jouaient.

 Ça vous a donné envie de travailler davantage?

Oui. En fait, dès 13 ans, je savais que je voulais devenir musicien pro. J’ai pris la guitare très au sérieux tout de suite. 

 Et la musique, elle vous a été transmise dans un cadre familiale?

 Je ne l’ai compris que plus tard. Ma mère écoutait la radio toute la journée et bien sûr de la musique italienne à la maison, ce qui m’a donné un goût immodéré pour la mélodie. Ma mère faisait les ménages, mon père travaillait pour un gros fleuriste à Clarens, moi j’ai commencé un apprentissage sur les chantiers, ce fut dur. Ma formation musicale, je la dois à la famille Montangero, à Pascal Auberson, que j’ai rencontré quand j’avais 18 ans.  François Lindemann (pianiste) a formé ma culture du jazz, on passait des soirées entières chez lui à écouter ses disques Blue note et Verve. Il y a eu aussi Léon Francioli et Daniel Bourquin. C’est vraiment  la grande classe, ils m’ont beaucoup appris.

Vous êtes un musicien de jazz, donc?

Non, pas vraiment. Je dois connaître deux ou trois standards par cœur, pas plus. Et c’est d’ailleurs la force du Truffaz quartet: on est tous des hybrides, avec un fort penchant pour la pop.

Parlons du Truffaz quartet  justement: on sent entre vous, bassiste, et Marc Erbetta, batteur, une incroyable complicité...

L’entente est forte entre tous les membres du groupe, avec Patrick Muller puis Benoît Corboz aux claviers également. Mais c’est vrai qu’avec Marc, sur scène, ça colle bien. Mais il n’y a pas que la scène. Il y a aussi le studio. Et la route. Marc et moi  jouons ensemble depuis plus de 20 ans. Entre nous, c’est devenu une histoire familiale.

 Et Erik Truffaz, comment il est?

C’est un vrai calme, un bouddhiste. Et c’est très bien, car s’il ne l’avait pas été, il m’aurait écrasé sa trompette sur la tête plusieurs fois. Moi, je suis un Rital, un nerveux. Lui c’est tout le contraire. Des fois, il vient avec des idées de morceaux, les joue et je lui envoie: «C’est pas bon!», ou même pire. Au lieu de mal le prendre, il reste calme et me demande: «Et toi, comment tu ferais?» Alors on se met à bosser et tout fonctionne.

 Comment avez-vous trouvé le son qui allait faire la renommée du quartet ?

Tout a d’abord commencé avec Silent Majority (ndlr : groupe de hip-hop lausannois des années 1990 où ont officié Pierre Audétat, Christophe Calpini, Mister Mike, Nya). Erik Truffaz est venu y jouer à la demande du groupe. De mon côté, je faisais beaucoup de drum’n’bass avec des machines, j’avais un trio avec Pierre Audetat et Erik. Un soir, j’ai eu un déclic: il fallait faire de la drum’n’bass de manière acoustique. Je ne dis pas que j’ai inventé quelque chose, mais à l’époque, c’était une véritable nouveauté. Alors on a essayé dans un club à Londres, le Blue Note, où nous jouions une fois par mois. Nous nous sommes rendu compte que quelque chose se passait. Après un concert du quartet que nous avions enregistré et où nous avions invité Nya pour le morceau «Drum and bass», Erik a eu la bonne idée de faire écouter le morceau à notre directeur artistique chez Blue note records. Il a tellement aimé qu’il nous a demandé de faire un mini album dans ce style que j’ai, à la demande d’Erik, réalisé en partie. C’était «The Dawn», en 1998. Six mois plus tard, les gens faisaient la queue pour nous voir.

 Financièrement, vous vivez bien?

A une époque, oui, ça allait bien. Il y avait la vente de disques, les concerts et des séances de studio (ndlr: jouer sur les disques des autres). Aujourd’hui, c’est toute la filière musicale qui est touchée. Les grosses maisons de disques, c’est à peu près fini. Universal France, aujourd’hui, fait le même chiffre d’affaires qu’un gros Carrefour de banlieue. C’est dire! C’est un modèle qui ne fonctionne plus. Mais il faut bien se garder de critiquer, c’est une évolution normale. La technologie a permis, il y a environ une soixantaine d’années, l’enregistrement et la diffusion de la musique. Et c’est la technologie qui est en train de rendre aujourd’hui le métier de musicien de plus en plus difficile. Le métier va changer, pas la musique. Entre-temps, il y a eu le show-business. Quelque chose qui n’avait jamais existé avant dans l’histoire de notre civilisation. Ca a été une période fantastique et complètement folle, avec des innovations permanentes, de la créativité. Tout est allé très vite en cinquante ans. Nous, on a vécu cette période de fou qui a débuté dans les années 1950, du moins la fin de cette période puisqu’on a commencé dans les années 1990. Et puis, il faut voir qu’entre temps, la musique a perdu de sa rareté si précieuse. On l’entend partout. A l’époque de mon arrière-grand-père, en Italie, ils jouaient de la musique entre villageois. Les concerts étaient  rares. Aujourd’hui, la musique est partout, tout le temps. La produire ne coûte rien et tout le monde sait faire, plus ou moins, une bonne chanson. L’espace est sursaturé.

Et la suite, vous l’imaginez comment?

Le business a un rythme qui n’est pas celui de la musique. La musique, elle, vivra toujours, d’une manière bien plus artisanale pour ce qui est de la bonne musique. Il y aura encore des saltimbanques. C’est pour cela que je joue le banjo, la guitare ou encore l’harmonica, ce sont les instruments des pauvres et des paysans. Ceux du blues. C’est de là que vient la plupart de la musique populaire du 20e siècle que nous écoutons.

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