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Des drames en quelques secondes

Si des milliers de voitures ont pris l'autoroute ces cinquante dernières années, des vies y sont aussi restées.

12 mars 2014, 14:04
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fmorand@lacote.ch

Rouler à grande vitesse, tous dans une même direction, voilà une des nouveautés qu'offrait la première autoroute de Suisse. Mais l'absence de croisées qui enlevait des cas de collisions, ne signifiait pas que le risque zéro d'être blessé sur l'autoroute, ou pire, d'y trouver la mort, était garanti. "Tout au début, il n'y avait pas de limitation de vitesse. Les automobilistes roulaient vite et les distances étaient rarement respectées", se rappelle Jean-Paul Gruaz, l'un des huit gendarmes dans la première brigade de l'autoroute. Évoquer certains accidents, c'est prendre le risque de remuer de douloureux souvenirs chez les proches de victimes, mais aussi les témoins et les membres des secours. Mais ignorer les dégâts physiques, psychiques et matériels survenus sur l'A1, ce serait occulter une réalité, parfois quotidienne, de cette langue de bitume qui relie Genève à Lausanne.

"Au début, les rentrées du dimanche soir, avec les Genevois qui retournaient chez eux, c'était le carton à chaque fois" , raconte Jean-Paul Gruaz. La première grosse collision a eu lieu le dimanche 1 er mars 1964, avant même l'inauguration officielle de l'A1. A la hauteur de Chavannes-de-Bogis, une Genevoise, qui "avait invité l'une de ses amies à venir "faire un tour" dans sa nouvelle voiture" , selon l'article de la Tribune de Lausanne du 2 mars 1964, a traversé la berme centrale, alors encore dépourvue de barrière, et est entrée en collision avec une voiture circulant sur la chaussée lac. Le choc fut terrible et prit cinq vies. Le 19 février 1971, un article dans la Feuille d'Avis de Lausanne relate "le plus dramatique accident depuis sept ans" . Sur la chaussée lac détrempée, un véhicule effectue une embardée. Les deux occupants sont éjectés par-dessus le parapet du pont du Boiron de Nyon, la passagère n'y survécut pas. Voyant l'incident, un chauffeur arrête son camion. Il est embouti à l'arrière par une voiture, les trois occupants furent tués sur le coup.

Les bermes centrales, prévues au moment de la construction, n'ont plus tardé à être installées. "Je me souviens aussi d'un accident sur le pont de la Versoix où, après une collision sur la chaussée Jura, le passager d'une voiture a voulu se mettre à l'abri et est tombé dans le vide entre les deux voies , raconte Jean-Paul Gruaz. Rapidement après cet événement, des grilles entres les voies furent installées."

 

Des animaux sur les pistes

 

Les barrières à gibier le long de l'A1 n'étaient pas non plus présentes partout, comme l'a rappelé Willy Lerch, agriculteur à Crans, dans "La Côte" du 5 mars 2014. En mai 1967, ses vaches ont provoqué un accident mortel en s'engageant sur une portion de l'autoroute non palissée. Une hantise qui occupait souvent l'esprit d'un de ses confrères à Aubonne, Adrien Streit. "Nos poules sont une fois passées par un trou dans la clôture. Les policiers nous les ont relancées par dessus la barrière. Heureusement il n'y a pas eu d'accident" , souligne l'Aubonnois.

Une issue qu'aurait aimé connaître Raymond Liardon, municipal à Montherod. Le 26 février 2005, il amène son cheval de trois ans à l'élevage de La Côte, à Gland. Pendant la nuit, les deux équidés, qui partagent un box, réussirent à ouvrir le loquet de la porte. "Les deux ont commencé à galoper dans une lignée de pommiers" , raconte Raymond Liardon. Arrivé à l'autoroute, la barrière anti-gibier freine le cheval de dressage, " mais pas le mien qui devait devenir un cheval de saut. Ils ont ça dans le sang." Son animal galope à contresens sur l'autoroute et percute un véhicule. Il est tué sur le coup. "La voiture a ensuite fait une embardée, effectuant un tonneau avant de finir sa course sur le talus" , relate le portail web des sapeurs-pompiers suisses. La passagère est grièvement blessée, son époux plus légèrement.

 

"Un mur opaque"

 

Véhicules, animaux, piétons, intempéries... Un automobiliste peut s'attendre à tout. L'une des plus grandes collisions en chaîne de ce tronçon d'autoroute a lieu le 8 octobre 1978. "Trente-deux véhicules ont finalement été impliqués dans le gigantesque carambolage survenu dimanche soir (...) près de la sortie de Coppet. Trois personnes sont mortes et quatorze sont blessées plus ou moins grièvement. Selon les témoins, le plus grand responsable de la collision en chaîne n'est pas le brouillard (...) mais une épaisse fumée provenant des gadoues (ndlr: décharge) de Divonne, au-delà de la frontière" , résumait "Le Matin Tribune" du 10 octobre. "La visibilité était claire et tout à coup il y a eu ce mur opaque, se rappelle Nicola Guarino, l'un des techniciens du chanteur Alain Morisod. On revenait de Martigny, Alain était rentré un peu plus tôt. Le bus a été passablement abîmé car nous avons touché la berme centrale. Ça criait et hurlait un peu partout Pendant longtemps, quand je passais là-bas, j'avais un pincement au coeur. On ne peut pas oublier une telle scène."

"Heureusement, les accidents graves ont diminué avec la sécurité des véhicules, la limitation de la vitesse, la prévention et la formation des usagers" , résume Jean-Paul Gruaz. Pour lui, il n'y a pas de doutes, le port de la ceinture et le respect des limitations de vitesse et des distances sont des facteurs qui sauvent des vies.

Et si ce sont en général les accidents les plus tragiques qui restent en mémoire, le gendarme à la retraite se souvient aussi de deux frères qui voulaient se rendre au salon de l'auto. Ils ont pris l'autoroute à contresens à la Maladière pour être arrêtés à la Pierre féline, entre Nyon et Coppet! Des kilomètres parcourus sans encombres durant les années 1960-70 grâce à la faible densité de circulation. Une situation impensable aujourd'hui.

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