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L'A1, terreau propice aux plantes rares

La berme centrale abrite une flore composée d'essences inédites et parfois venues de loin.

27 août 2014, 00:01
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fmorand@lacote.ch

"La grande voie de dissémination, c'est la berme centrale" , annonce Franco Ciardo, biologiste travaillant à la division biodiversité et paysage du Département du territoire et de l'environnement du canton de Vaud. Univers de bitume et de béton, l'A1 a néanmoins offert un territoire fertile à certaines plantes.

Etonnamment, la flore de l'autoroute est composée de fleurs rares, comme la plus grande orchidée de Suisse, mais aussi de plantes qui ont plutôt l'habitude de pousser en milieux salins, comme le cranson du Danemark ou le séneçon du Cap. Ces envahissantes ont été portées par les pneus des voitures, le train ou les courants d'air.

 

Viser les bouchons pour pouvoir observer

 

Le secteur le plus intéressant pour un biologiste - mais qui est le plus difficile à étudier - se situe au centre de l'autoroute, sur la bande qui sépare les deux doubles voies. "Il m'est arrivé de cibler les heures à bouchons pour pouvoir observer la flore depuis mon véhicule à l'arrêt" , confesse celui qui est aussi membre du cercle vaudois de botanique.

Il y a un peu plus de dix ans, sur Genève, il constate la présence d'une plante particulière qui pousse entre les fissures du goudron. Il demande au service d'entretien des routes du canton en question s'il peut les accompagner lors d'une de leur intervention, afin d'approcher au mieux le biotope de la berme centrale. Face à la réponse négative, il se tourne vers le service vaudois. C'est ainsi, qu'avec Raymond Delarze, il peut effectuer un relevé floristique complet en rejoignant, le 4 juin 2003, une équipe de l'autoroute qui devait intervenir sur la berme à la hauteur de Coppet.

Les biologistes découvrent ainsi toute la diversité de la flore qui a pris racine à cet endroit. Et il y a eu des surprises. Le séneçon du Cap (de petites fleurs jaunes) est apparu pour la première fois à la gare de triage de Denges à la fin des années 1980. La configuration des lieux et la proximité de l'autoroute ont été des éléments favorables à sa dispersion. Une dizaine d'années plus tard, le séneçon du Cap avait gagné Genève. "L'autoroute et le train sont les portes d'entrée des nouvelles plantes comme, dans une moindre mesure, les aéroports" , précise Franco Ciardo.

 

Le béton, bon et mauvais

 

La dissémination par la berme et la survie de certaines plantes s'expliquent par le fait qu'elles supportent bien la chaleur qui se dégage du bitume et des véhicules. Et, hormis la fauche, leur secteur subit très peu d'intervention humaine. Aucun engrais n'est répandu sur la berme et les rejets de sels durant l'hiver ont permis à des plantes particulières de s'y développer. C'est le cas du cranson du Danemark (petites fleurs blanches et très basses) qui, d'habitude, vit dans les milieux salins côtiers, de la Scandinavie au nord de l'Espagne. En Europe, sa progression le long de l'autoroute est spectaculaire.

L'inula graveolens (d'autres fleurs jaunes) supporte aussi le sel. Elle s'affiche en abondance sur l'autoroute lémanique. Lors du recensement exceptionnel de 2003, le duo de biologistes a été très surpris de constater la présence du panicaut champêtre (un genre de chardon) sur la berme, une plante très rare.

"L'autoroute amène une flore particulière et qui a été peu étudiée. On s'attend à découvrir d'autres espèces. Certaines se développent dans une niche écologique qui n'est occupée par personne. Elles ne sont donc pas une menace pour les autres plantes" , continue Franco Ciardo.

Si la berme sert de refuge à de nombreuses espèces, celles-ci ne s'y cantonnent pas indéfiniment. Elles finissent par être essaimées, dans un second temps, sur les talus, puis les vignes ou jardins avoisinants. Cette dispersion peut poser problème. C'est le cas de l'expansion du séneçon du Cap qui s'avère toxique pour les animaux.

En raison de la dangerosité pour les hommes d'intervenir sur l'autoroute, mais aussi du coût généré par l'entretien des bermes, certains tronçons végétalisés du réseau national ont cédé la place à des blocs de béton. "L'autoroute favorise la pénétration des plantes. Il est évident que le béton ralentit la progression des espèces envahissantes, mais il y a aussi une grande diversité d'espèces qui sont protégées. Bétonner la bande centrale ne serait pas bien dans ce cas" , estime le biologiste.

Article scientifique: F. Ciardo, R. Delarze. "Observations floristiques sur l'autoroute lémanique: espèces nouvelles, halophiles et rares." (2005).

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