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La Pierre féline a détourné l'A1

Ce bloc erratique, venu à dos de glacier, a donné son nom à une aire de repos de l'autoroute Lausanne-Genève. Cet iceberg de pierre, majoritairement enterré, était déjà un lieu de destination de nombreux enfants et promeneurs de la région.

05 mars 2014, 00:01
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Entre Nyon et Coppet, sur le territoire communal de Crans-près-Céligny, l'aire de repos de la Pierre féline est souvent citée dans les inforoutes pour y annoncer des ralentissements. Avant de désigner une aire de repos, ce nom est d'abord affublé à un fameux bloc erratique qui a réussi l'exploit de détourner l'autoroute Genève-Lausanne. Plusieurs solutions avaient été étudiées, dont une très hypothétique tentative de déplacement. Le plan finalement retenu a ainsi prévu une légère courbe du tracé.

Puis, il fallut attendre juillet 1969 pour que les deux aires de repos soient inaugurées. Ce délai est principalement dû à une question de budget, sans oublier qu'à l'époque, la priorité était de mettre l'autoroute en service pour l'Exposition nationale de 1964.

Un lieu connu de longue date pour son ambiance particulière

Aujourd'hui, peu d'automobilistes s'aperçoivent encore lorsqu'ils utilisent ce tronçon que la route fait un léger détour à cet endroit. A 120 km/h, on ne remarque surtout plus que l'on traverse un petit paradis naturel perdu.

Avant le passage des bulldozers qui tracèrent l'A1, il y régnait une ambiance un peu extraordinaire autour de la Pierre féline. Ce bloc erratique de 3000 m3 , dont la partie visible ne représente que 800 m3 , est situé en lisière de forêt. De petits ruisseaux coulaient à proximité, l'endroit regorgeait de champignons et de muguet au printemps.

Venue sur le dos d'un glacier

"On rencontre plusieurs pierres de ce type dans la région, comme la Pierre dressée de Givrins et la pierre du Grand Fey entre Bassins et Begnins", explique le géologue Gérald Favre. Il poursuit qu'il s'agit d'une roche métamorphique ou "gneiss".

"Il est possible que la Pierre féline soit originaire du massif des Aiguilles rouges à Chamonix ou du Haut-Valais. Transporté sur le dos du glacier, le bloc est resté sur place entre 15 000 à 20 000 années. Ensuite, le glacier s'est retiré, la végétation a poussé, les forêts se sont installées, le climat s'est réchauffé."

Une curiosité géologique qui attirait les écoles

Les siècles passent. L'endroit dégage toujours une ambiance un peu magique. Petit îlot paradisiaque, c'était un véritable terrain de jeux pour les enfants des environs. Les Célignotes Jean-Jacques et Anne Fiorina s'en souviennent parfaitement.

"La Pierre féline était une curiosité géologique. Sous la conduite de mon père, instituteur à Céligny, les élèves y allaient à pied à travers bois et champs pour y faire de la varappe. A l'époque, elle nous paraissait tellement haute" , raconte Jean-Jacques Fiorina.

Michelle Henry n'est pas près d'oublier sa rencontre avec un des concepteurs de l'autoroute. "Avec mon mari Alex, on allait fréquemment se promener dans les bois de Céligny et on s'installait souvent sur la Pierre féline. Je n'ai jamais oublié ce soir de printemps où tous les deux on essayait de regarder le fameux satellite "Spoutnik". Tout à coup, entre chien et loup, un homme est arrivé, sac à dos et marteau à la main. La scène était impressionnante. Il nous a expliqué qu'il était géologue et qu'à l'endroit où l'on était assis, l'autoroute allait passer devant nous."

Remaniements parcellaires et de la nature

La construction de l'autoroute a nécessité de nombreux remaniements parcellaires. Situés sur la commune de Crans, les alentours de la Pierre féline n'ont pas échappé à ce passage obligé. "L'enclave genevoise de Céligny avait procédé à des remembrements parcellaires bien avant. Les terrains avoisinants la Pierre féline appartenaient à plusieurs agriculteurs du village et la commune était également propriétaire de forêts. Je me rappelle que les autorités communales ont vendu ces terrains à 2 francs/m 2 " , se souvient Willy Lerch, agriculteur et ancien municipal de Crans.

La nature a aussi payé son tribut à la construction de l'A1: le canal de Crans a été déplacé. Aujourd'hui, il suit le tracé de l'autoroute sur 500 m et après l'aire de repos côté Jura, on le retrouve à ciel ouvert.

"L'étang situé devant la Pierre féline a été remblayé avec de la terre prise sur l'autoroute. Les petits ruisseaux ont été canalisés" , raconte Anne Fiorina. Et Willy Lerch de renchérir: "les troncs du défrichement ont servi pour le remblais de la route Crans-Crassier qui passe au-dessus de l'autoroute."

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