Cossonay, le 16 avril 2020
Chère Mamie Violette,
Le mois dernier, t’en souviens-tu? Je suis venue te voir avec mon amie Catherine et son compagnon David. Nous avions organisé une surprise à l’occasion de ton anniversaire: un petit concert, avec la complicité du personnel, pour tous les résidants. Un moment magique, deux sopranos, un guitariste et les notes se sont élevées dans l’air frais de février – ou plutôt dans l’air surchauffé de la pièce qui contrastait avec le gris derrière les carreaux.
Je me souviens de nos deux voix qui ont empli l’espace et l’ont irisé d’une onde esthétique. Et de tes sourires, et de tes yeux brillants d’émotion. Et des «merci» chuchotés par les résidants réunis dans la grande salle, et les clins d’œil reconnaissants du personnel. Des petites gouttelettes de magie restaient en suspens au-dessus de nos têtes et remplissaient nos cœurs, faisant paraître encore plus gris et terne le coin de jardin qui apparaissait aux fenêtres.
Depuis un mois, Mamie Violette, les petites bulles magiques ne viennent plus jusqu’à toi – le son des téléphones et des ordinateurs vient difficilement jusqu’à tes oreilles usées – mais le soleil a remplacé le temps maussade dehors. Alors, chaque fois que tu sors, que tu parcours seule les allées du jardin qui entoure Les Glycines, j’aimerais que tu respires l’air printanier et que tu regardes vers le sommet des arbres, et que tu envoies, à ton tour, de petites gouttelettes esthétiques autour de toi. Que tu t’emplisses de la magie qui nous entoure, des couleurs chatoyantes, du chant des oiseaux que l’on entend enfin, des parfums des lilas et glycines qui éclosent.
Et lorsque tu rentreras de promenade les yeux pleins des couleurs du printemps, j’imagine ton sourire malicieux en pensant à ce qui t’attend dans ta chambre… Car, avec cette lettre, il y a un petit colis contenant des marrons glacés, ta friandise préférée. Contrairement à moi (qui n’aime que le chocolat), tu raffoles de la glace à la vanille et des marrons glacés. Et comme je te connais, tu vas les faire durer, un chaque jour après la promenade, un petit plaisir et une petite pensée.
Il y a vingt marrons dans la boîte. Parce que dans vingt jours, je viendrai te voir. Et si les conditions le permettent, je t’emmènerai manger une glace au bord du lac. A la vanille.
Je t’embrasse,
Bénédicte
Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11h à 11h30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «Vigousse» et le mensuel «Générations».
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