Depuis la fin des années 1990 et «La nouvelle Eve» avec Karin Viard, Catherine Corsini s’est imposée grâce à ses personnages féminins à la fois fragiles et forts, offrant ainsi des rôles de composition mémorables à de grandes actrices comme Emmanuelle Béart, Jane Birkin ou Cécile de France.

En 2021, la cinéaste française nous avait aussi gratifiés d’une parabole politique pleine d’ironie intitulée «La fracture», où Valeria Bruni Tedeschi et Marina Foïs faisaient merveille.

Avec «Le retour», sélectionné en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, Corsini nous entraîne dans une chronique familiale qui aborde les fractures sociales, les rapports mère-fille et l’adolescence.

Secrets de familles

La quarantaine, Française d’origine africaine, Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna) travaille comme maman de jour à domicile pour une riche famille parisienne recomposée. N’en pouvant plus de leurs enfants, les parents proposent à la nounou de venir avec eux passer les vacances d’été en Corse, dans une grande villa avec piscine.

Accompagnée de ses deux filles, Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou), Khédidja loge dans un camping à proximité. Elle revient ainsi pour la première fois sur l’île où elle a autrefois connu son mari. Tandis que ce retour ravive des traumatismes et des secrets de famille, Jessica et Farah s’évadent sur les plages et dans les boîtes de nuit.

Déroulant une chronique estivale portée par d’excellentes jeunes actrices, à commencer par Lomane De Dietrich et Suzy Bemba, Catherine Corsini suit Khédidja dans sa confrontation avec un passé douloureux et ses filles au cours de leurs premiers émois. Se servant des décors d’une Corse balayée par les vents, la cinéaste s’avère particulièrement adroite à décrire les soubresauts de l’adolescence, grâce à une mise en scène bourrée d’énergie et de nombreuses scènes nocturnes rythmées par des musiques électroniques.

Elle parvient ainsi à capturer les réalités de Jessica et Farah et à retranscrire de manière authentique les enjeux de leur intégration dans un environnement raciste où règne le déterminisme social.

Complexités identitaires

Si son film semble toutefois hésiter entre la mère et ses filles, sans doute en raison d’un tabou familial qui sert avant tout d’artifice scénaristique, la cinéaste l’emporte en décrivant une jeunesse à la fois rebelle et délaissée. Elle nous rappelle alors aux bouillonnements de sensualité et de réalisme que le controversé Abdelatif Kechiche sait si bien restituer dans son œuvre au long cours «Mektoub, My Love», certes dans un tout autre contexte et une tout autre culture.

Ce qui rend également le film de Catherine Corsini si captivant, c’est sa façon de créer des personnages nuancés, pour mettre en lumière leurs dilemmes moraux et leurs contradictions intérieures.

Au-delà des relations filiales et sororales, des non-dits familiaux et des sacrifices d’une mère pour ses enfants, elle parvient avant tout à explorer les complexités identitaires de Jessica et Farah, faisant ainsi œuvre de sociologie.

«Le retour»: la sortie ciné de la semaine à ne pas rater

Avec «Le retour», la réalisatrice française Catherine Corsini signe un film ample où pulse l’énergie d’une jeunesse à la fois rebelle et délaissée.