La nuit tombe sur Fatih. Encore une âpre soirée où la pluie d’hiver se mêle au déluge de mauvaises nouvelles. Chez Tarbouch, petit fast-food levantin au cœur de ce quartier d’Istanbul devenu le repaire des réfugiés syriens, la rumeur court qu’un nouveau naufrage en mer Egée a englouti des migrants en partance pour l’Europe. Une tragédie quasiment quotidienne au large des côtes turques, conséquence de la perte d’espoir d’un retour au pays.
«On peut comprendre leur désillusion. Quand j’ai quitté la Syrie, il y a deux ans et demi, je pensais y retourner au bout de deux ou trois mois. Aujourd’hui, sous la double menace d’Assad et de l’Etat islamique, j’ai tiré un trait sur mon pays», souffle Abdallah Bahlawan, le gérant du petit restaurant. Appuyé au comptoir, ce père de trois enfants ne s’imagine pas, pour autant, embarquer en pleine nuit sur un canot pneumatique en quête d’un ailleurs...