Reliant les rives asiatique et européenne d'Istanbul, le premier tunnel ferroviaire sous le Bosphore a été inauguré au jour du 90ème anniversaire de la République turque et en grande pompe.
Baptisé le "chantier du siècle", le Marmaray relie désormais en quatre minutes seulement les deux continents séparés par le détroit du Bosphore dans la mer de Marmara. Le coût total de ce projet de tunnel formé d'un double tube de 14 kilomètres et immergé à 62 mètres sous le lit du Bosphore, est évalué à trois milliards d'euros (3,71 milliards de francs).
Avec cet ouvrage, relié à terme à 75 kilomètres de voies ferrées, les autorités veulent réduire les inconvénients auxquels doivent faire face chaque jour deux millions de Stambouliotes qui traversent le Bosphore sur ses deux ponts toujours saturés.
Rêve vieux de 150 ans
Il a fallu attendre neuf ans depuis le premier coup de pioche pour que le projet voie le jour. Les travaux devaient initialement être achevés en quatre ans, mais ont été longtemps suspendus par la découverte d'une série de trésors archéologiques. Et Marmaray ne sera pas opérationnel à 100% immédiatement: il faudra attendre 2016 pour que le chantier soit entièrement terminé.
L'idée de percer un tunnel sous le Bosphore a été évoquée pour la première fois en 1860 par un sultan ottoman, Abdulmedjid. Mais faute de technique et de fonds suffisants, elle ne s'était jamais concrétisée. Le projet a été relancé dans les années 1990 avec l'explosion démographique d'Istanbul, dont la population a doublé depuis 1998 pour dépasser 15 millions d'habitants.
Grâce à l'appui financier de la Banque du Japon pour la coopération internationale puis de la Banque européenne d'investissement (BEI), le premier coup de pioche a été donné en mai 2004 par un consortium d'entreprises turques et japonaises.
"Perle et chef-d'oeuvre"
"Marmaray qui était un rêve pendant 150 ans est finalement devenu une réalité", a déclaré le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Il s'exprimait devant une foule compacte de plusieurs milliers de stambouliotes venus l'acclamer sur la place d'Üsküdar, située sur la partie asiatique d'Istanbul.
Erdogan, un ancien maire d'Istanbul et très impliqué dans le projet géant, l'a qualifié de "perle et chef-d'oeuvre d'architecture et d'ingénierie" devant une myriade de caméras. Lui et ses nombreux invités ont été les passagers du premier train intercontinental.
Le chef de l'Etat était notamment accompagné par le chef du gouvernement japonais Shinzo Abe, principal pourvoyeur de fonds du projet.
Contestation de milliers d'opposants
Marmaray figure parmi les méga-projets urbains souvent contestés qui ont nourri la fronde antigouvernementale de juin et les détracteurs d'Erdogan l'accusent d'avoir précipité l'inauguration de ce mardi dans la perspective des élections municipales de mars 2014.
Ainsi, au moment de la cérémonie d'inauguration, la police a dispersé par gaz lacrymogène un rassemblement de milliers d'opposants dans le quartier européen de Beyoglu, à quinze kilomètres de là. Elle a aussi procédé à plusieurs interpellations, selon un photographe de l'AFP.
A Ankara, des dizaines de milliers de personnes rassemblées sur une place centrale pour le jour de la République ont conspué le gouvernement "fasciste" turc, ont indiqué des témoins.