«Non seulement on démarre avec beaucoup de retard. Mais en plus nous allons devoir être trois fois meilleurs dans tous les domaines. C’est possible, mais l’effort est énorme», a prévenu mardi à Berlin le ministre allemand de l’Economie, de l’Energie et de la Protection climatique en présentant, un mois après la nomination du nouveau gouvernement, un état des lieux et un plan de mesures immédiates pour lancer le pays dans une transition énergétique ambitieuse.

Il est probable que nous manquions nos objectifs climatiques en 2022 et 2023.

Robert Habeck, vice-chancelier allemand

Selon le principe du «droit d’inventaire», M. Habeck a présenté une situation peu réjouissante. «Il est probable que nous manquions nos objectifs climatiques en 2022 et 2023», a-t-il expliqué. En effet, après un sans-faute en 2020, année pandémique particulière où le ralentissement des émissions de CO2 est corrélé au ralentissement économique, les émissions de CO2 sont reparties à la hausse de + 4 % en 2021. La reprise de l’économie associée au manque de vent a conduit l’Allemagne a utilisé ses centrales au charbon plus que prévu.

Des projets éoliens de 8 à 9 GW sont bien autorisés. Mais ils sont actuellement bloqués par des conflits administratifs.

Robert Habeck, vice-chancelier

Parallèlement, la construction de nouvelles capacités renouvelables a été nulle pour l’éolien en mer et équivalente à 1 gigawatt (capacité d’un réacteur nucléaire) pour l’éolien sur terre en 2021. «Des projets éoliens de 8 à 9 GW sont bien autorisés. Mais ils sont actuellement bloqués par des conflits administratifs», a aussi précisé le vice-chancelier allemand. Pour Sascha Müller-Kraenner, secrétaire fédéral de l’ONG environnemental DUH, «c’est dans le recul du développement de l’énergie éolienne et solaire, et dans la politique désastreuse des transports que l’inaction du gouvernement précédent en matière de protection du climat se venge le plus».

Doubler l’énergie renouvelable en huit ans

«Il nous a fallu 30 ans pour atteindre une consommation d’électricité composée à 42% d’énergies renouvelables. Il nous reste donc huit ans pour faire passer cette proportion à 80%», a résumé Robert Habeck avant de détailler sa stratégie et ses mesures. Un premier «paquet» de mesures immédiates sera présenté en avril au conseil des ministres pour une entrée en vigueur avant l’été. Un deuxième paquet viendra ensuite, composé de projets de loi à plus long terme.

Augmenter la surface accordée aux éoliennes

Au programme, les subventions et appels d’offres publics vont être nettement élargis pour l’éolien et le solaire. La surface accordée aux éoliennes, actuellement 0,5% du territoire national montera rapidement à 2%. «Des discussions sont en cours avec les Länder», a précisé M. Habeck. Par ailleurs, toute construction industrielle, commerciale ou administrative nouvelle devra être équipée de panneaux solaires. A partir de 2025, chaque nouveau chauffage installé devra aussi être alimenté par au moins 65% d’énergies renouvelables.

Enfin, les moyens à disposition de la Stratégie nationale pour l’hydrogène vont être doublés.

Alors que les prix du gaz flambent et que particuliers et entreprises voient leur facture énergétique grimper, Robert Habeck a annoncé la suppression attendue de la taxe de soutien aux énergies renouvelables, une mesure qui devrait alléger les foyers d’environ 300 euros par an. A l’avenir, les subventions seront prises en charge par le budget de l’Etat.

Centrales à gaz modernes

«Des mesures présentées par les autres ministères viendront s’ajouter à ce paquet et les lois à plus long terme, comme les textes en faveur de l’accélération des procédures administratives d’études et d’autorisation des projets énergétiques suivront en été», a précisé Patrick Graichen le secrétaire d’Etat à l’Energie également présent. De son côté, le ministre Habeck a confirmé que des centrales à gaz modernes, utilisées ponctuellement, formeraient une partie du système de stabilisation du réseau énergétique, avant que le gaz ne soit remplacé par l’hydrogène.

Coopération de tous

Pour Lisa Göldner, experte du climat chez Greenpeace, ceci n’est qu’un début mais plutôt réussi: «Robert Habeck donne un coup de pouce urgent à une transition énergétique allemande en panne». Ce dernier a cependant précisé que la transition énergétique ne serait réellement possible que si le gouvernement arrive à introduire une «nouvelle culture de la coopération»: «Nous ne pouvons pas nous permettre les guerres de tranchées… Il ne s’agit pas seulement d’une question technique, mais aussi d’une question qui touche profondément à la réalité sociale et qui ne peut être gagnée que si elle est menée comme un débat de société», a ajouté le ministre.

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