Le juge Garzón, célèbre dans le monde entier pour avoir mené de multiples enquêtes sur les atteintes aux droits de l'homme, a cette fois bénéficié de la clémence des juges du Tribunal suprême de Madrid: six d'entre eux, sur un total de sept, se sont prononcés pour son acquittement.
Mais les magistrats n'en critiquent pas moins sa décision d'ouvrir une instruction, en 2008, sur le sort de plus de 100'000 personnes portées disparues pendant la Guerre civile (1936-39) et le franquisme (1939-75), enfreignant ainsi une loi d'amnistie votée en 1977.
«La recherche de la vérité est une prétention aussi légitime que nécessaire», souligne le verdict. «Mais elle ne revient pas au juge d'instruction» dans ce douloureux dossier, insiste-t-il. Ce dernier a «besoin d'un fait ayant l'apparence d'un délit et d'un suspect potentiel vivant» pour agir.
Les sept juges estiment donc que Baltasar Garzón a commis «une erreur» en s'emparant de ce dossier, mais que celle-ci n'était pas passible d'une condamnation pénale. Ce procès, très polémique en Espagne, où les plaies du franquisme restent à vif 37 ans après la fin de la dictature, avait suscité de nombreuses condamnations de la part des défenseurs des droits de l'homme.
Inimitiés à droite et à gauche
«Enquêter sur la torture et les 'disparitions' ne peut pas être considéré comme un crime», a réagi lundi Reed Brody, porte-parole de l'organisation Human Rights Watch, saluant un verdict qui «évite un embarras plus grand encore» au Tribunal suprême. «Mais le mal a déjà été fait avec la précédente condamnation du juge Garzon», ajoute-t- il.
Le 9 février, Baltasar Garzón avait été condamné par le même tribunal à onze ans d'interdiction d'exercer dans un autre procès concernant une affaire d'écoutes illégales pour une enquête sur un réseau de corruption qui avait éclaboussé la droite espagnole en 2009.
Un verdict qui a probablement mis un terme à la carrière de ce magistrat brillant et controversé, âgé de 56 ans, qui en Espagne s'est attiré des inimitiés en enquêtant dans tous les champs de la vie politique, à droite mais aussi à gauche.
Le désormais ex-juge était également mis en cause dans un troisième dossier, pour corruption passive. L'affaire a été classée pour prescription le 13 février. Le verdict annoncé lundi dans le procès des disparus du franquisme marque ainsi la fin d'un long parcours judiciaire, entamé en mai 2010 avec la suspension provisoire de Baltasar Garzón de ses fonctions de magistrat.
Cette accumulation d'affaires pousse les partisans de M. Garzón à dénoncer un complot ourdi pour détruire la carrière d'un homme qui a dérangé dans tous les milieux avec ces enquêtes sensibles.
«J'ai la conscience tranquille car j'ai pris les décisions que je croyais conformes au droit pour enquêter sur les crimes massifs de disparitions de personnes», avait-il déclaré le 8 février, au dernier jour de son procès. «L'obligation du juge est de protéger les victimes», avait-il lancé dans la grande salle du tribunal.
Son enquête sur les disparus du franquisme, ouverte à la demande de familles de victimes, avait valu à Baltasar Garzón la vindicte des milieux conservateurs.
A l'origine des poursuites, deux organisations d'extrême droite qui l'accusent d'avoir enfreint, avec cette enquête, une loi d'amnistie votée deux ans après la mort de Francisco Franco en 1975, qui était censée imposer un pacte du silence sur les années noires de la dictature.
Mais son procès, qui a débuté le 24 janvier, a paradoxalement permis à douze proches de victimes du franquisme de venir témoigner pour la première fois à la barre d'un tribunal espagnol.
Procès sur les disparus du franquisme: le juge Garzón acquitté
La justice espagnole a acquitté aujourd'hui le juge Baltasar Garzón dans son procès sur les disparus du franquisme. Le dénouement de ce procès polémique n'efface toutefois pas la récente interdiction d'exercer qui a foudroyé la carrière du magistrat.

KEYSTONE/Paco Campos