Le tourisme djihadiste inquiète de plus en plus les autorités suisses. Le Service de renseignement (SRC) a enregistré quatre nouveaux cas en novembre. Une task-force fédérale a été instituée pour lutter contre la propagation du terrorisme.
Depuis le début de l'année, de plus en plus de personnes sont tentées par une participation aux combats. Selon l'Office fédéral de la police (fedpol), le phénomène a pris une "dimension inégalée" même si la Suisse est moins concernée que d'autres pays.
La situation est sérieuse, mais pas comparable à celle de la France ou du Danemark, a précisé vendredi à l'ats le chef de la nouvelle task-force Jacques Repond.
56 départs
Selon les nouveaux chiffres diffusés par le SRC, 56 départs de Suisse ont été recensés depuis 2001, dont 32 vers la Syrie et l’Irak et 24 vers l’Afghanistan, le Pakistan, le Yémen et la Somalie. Par rapport à octobre, les renseignements recensent quatre nouveaux cas, mais trois inclus dans le précédent total ont été écartés.
Après vérification, ces personnes ne pouvaient pas être considérées comme étant motivées par le djihad. Six djihadistes auraient perdu la vie. Mais seuls cinq décès sont confirmés.
Un seul cas de retour est pour l'instant avéré. S'y ajouteraient quinze autres (au lieu de 16 en octobre), dont la motivation djihadiste ou la localisation exacte n'est pas établie avec certitude. Le SRC continue d’enquêter sur ces cas non confirmés. Il ne fournit pas d’indications sur l’identité, l’âge, le sexe, la nationalité ou le domicile des suspects.
Trois Irakiens soupçonnés d'avoir planifié un attentat terroriste en Europe pour l'Etat islamique (EI) sont en prison dans le pays depuis mars. Le Ministère public de la Confédération (MPC) mène une vingtaine de procédures dans le domaine du djihadisme radical, dont cinq en lien avec la Syrie.
Task-force depuis octobre
La task-force dirigée par fedpol a pris en octobre déjà le relais d'un groupe de travail en place depuis juin. Elle réunit des représentants du SRC, du MPC, du Département des affaires étrangères, des gardes-frontière, de l'Office fédéral des migrations, des commandants de police cantonale, de l'Office fédéral de la justice et de la police aéroportuaire de Zurich.
La task-force est chargée d'analyser la situation en continu, de collecter et d'échanger des informations ainsi que d'identifier les touristes du djihad potentiels. Leur parcours comporte plusieurs phases: la radicalisation, le voyage en zone de conflit, le combat, le retour et la période qui suit.
"Nous examinons la nécessité de nouvelles mesures", explique M.Repond. La surveillance d'Internet aide déjà le SRC à lutter contre une radicalisation. Fedpol peut aussi ouvrir des enquêtes préliminaires. Il est toutefois rare que les autorités aient des preuves suffisamment claires qu'une personne a décidé de partir au combat, concède le chef de la task-force.
Loi sur le renseignement
Le SRC profite des nouvelles statistiques sur les djihadistes pour plaider en faveur de la nouvelle loi sur le renseignement. Le texte lui donnerait des possibilités complémentaires comme la surveillance de lieux privés et d'ordinateurs.
La commission de la politique de sécurité du National veut compléter ce projet pour permettre au gouvernement d'interdire plus facilement une organisation menaçant la sûreté nationale ou extérieure. En attendant, le Parlement se prononcera en décembre sur une interdiction de 2015 à 2018 d'Al-Qaïda, d'EI et des organisations apparentées.
Depuis 2001, en moyenne 170 personnes par an se sont vu refuser l'entrée en Suisse pour préserver la sécurité du pays. Certains élus, notamment PDC, plaident pour des retraits de passeport ou de titre de séjour.
La loi prévoit déjà que la nationalité peut être retirée à un double national qui s'en va combattre au nom du djihad si sa conduite porte une atteinte grave aux intérêts ou au renom de la Suisse, objecte le Conseil fédéral. Les activités terroristes menaçant la sécurité et l'ordre public peuvent aussi aboutir à un retrait de permis de séjour. Les décisions doivent toutefois être prises au cas par cas.