Au lendemain du scrutin remporté par les rebelles prorusses dans l'est de l'Ukraine, l'Europe a mis en garde lundi la Russie. Car Moscou a notamment demandé à Kiev de cesser son opération militaire dans les territoires séparatistes. Certains redoutent un nouvel embrasement.
Le gouvernement allemand a demandé aux autorités russes de respecter "l'unité de l'Ukraine", Berlin n'excluant pas de nouvelles sanctions européennes contre Moscou. Quant au président français François Hollande, il a contacté lundi son homologue russe Vladimir Poutine, l'appelant à ne pas reconnaître ces élections"qui pourraient mettre en cause l'intégrité territoriale" de l'Ukraine.
Ces propos font écho à la réaction de l'Union européenne (UE). Celle-ci avait dénoncé dimanche soir un "nouvel obstacle" sur la voie d'une solution pacifique au conflit.
"Le scrutin est illégal et illégitime et l'Union européenne ne le reconnaître pas", avait dit la Haute représentante pour la politique extérieure de l'UE Federica Mogherini. Les Etats-Unis avaient eux aussi contesté la légitimité du vote, que le président ukrainien Petro Porochenko a qualifié "farce sous les canons des chars et des mitrailleuses".
Chefs rebelles
Six mois après le début des hostilités qui ont fait plus de 4000 morts dans l'Est de l'Ukraine, les républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk ont élu dimanche leurs "présidents" et "parlements". Ce vote a été présenté comme devant légitimer les autorités séparatistes.
Il a confirmé dans leurs fonctions les chefs rebelles désignés en août. Le "Premier ministre" de la République autoproclamée de Donetsk, Alexandre Zakhartchenko, 38 ans, a été élu "président" avec 77,51% des voix. A Lougansk, l'ex-militaire de 50 ans Igor Plotnitski, très attaché au passé soviétique, a obtenu plus de 63% des suffrages, selon les autorités autoproclamées.
"Double jeu"
A peine élu, Alexandre Zakhatchenko a fustigé l'Ukraine qui "ne veut pas la paix" et "joue un double jeu (...) Nous sommes prêts au dialogue avec eux, mais nous attendons de leur part une attitude normale et raisonnable", a-t-il déclaré.
Il a en outre comparé les mines de charbon du Donbass aux gisements pétroliers des Emirats arabes unis. Il a promis aux retraités un pécule censé leur permettre de partir en safari en Australie.
Légitimité nécessaire
Après le résultat du scrutin, la Russie a dit "respecter" le choix du peuple. Elle a appelé lundi l'Ukraine à mettre fin à son opération militaire dans l'Est, estimant que les dirigeants rebelles élus avaient désormais la légitimité nécessaire pour dialoguer avec les autorités ukrainiennes.
"Ce travail ne peut être productif que s'il est basé sur un dialogue équilibré et le respect mutuel, et si Kiev renonce aux opérations militaires", a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères Grigori Karassine à l'agence TASS.
Confrontation sans précédent
Ces élections constituent un nouvel épisode de la confrontation sans précédent entre Moscou et l'Occident. Les relations entre le Kremlin et l'Occident ont touché le fond après l'annexion en mars par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée et la rébellion prorusse dans l'Est de l'Ukraine.
Moscou est accusée par Kiev et les Occidentaux de soutenir militairement les séparatistes et d'envoyer des troupes régulières.
Couloir vers la Crimée
Un cessez-le-feu a été conclu à Minsk le 5 septembre. Toutefois, malgré la baisse de l'intensité des combats, plusieurs centaines de personnes ont été tuées depuis.
Après le scrutin de dimanche, beaucoup à Kiev craignent une nouvelle offensive majeure des rebelles et de l'armée russe. Celle-ci viserait à créer un couloir terrestre vers la Crimée. Kiev a d'ailleurs dénoncé à nouveau lundi le déploiement "intense" d'équipements et de troupes russes dans la zone contrôlée par les rebelles.
Conseil de sécurité
En fin de journée, l'ambassadeur ukrainien a fait savoir que la Russie s'était opposée durant le week-end aux autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU. Ceux-ci souhaitaient émettre une déclaration condamnant les élections séparatistes dans l'est de l'Ukraine.
Le texte était proposé par la Lituanie. Il disait que les scrutins dans les régions de Lougansk et Donetsk allaient à l'encontre des accords de Minsk.