Tous les parents connaissent ces matins chaotiques où l’urgence de se dépêcher pour ne pas arriver en retard à l’école se transforme en grosse crise. Dans ce mauvais moment partagé, chacun a son propre ressenti.

Alors que l’adulte a les moyens de l’exprimer, l’enfant subit les manifestations physiologiques du stress sans les comprendre. Lorsqu’il est submergé par une telle surcharge, il n’a momentanément plus accès à aucune de ses compétences. Ces différences de ressentis provoquent des incompréhensions répétées entre parents et enfants.

Cependant, dès le plus jeune âge, les enfants sont capables de comprendre, si on le leur explique, la réaction physiologique de l’organisme lors d’un état passager de stress. L’accès à la connaissance est l’une des pistes qui leur donne les outils pour éviter de se laisser emporter. Pas de jugement, mais des faits scientifiques qui mettent en lumière la boîte noire du cerveau.

Un doudou introuvable au moment où l’enfant en a besoin, c’est tout son monde qui s’écroule.

Alexandre Pinault, neuroscientifique et fondateur de Big Bang Brain

La compréhension, clef de l’adaptation

Les plus petits sont exposés en permanence à l’inconnu, cela s’appelle grandir. Même dans un environnement d’amour, de bien-être et de sécurité, ils éprouvent des sentiments de peur, d’urgence et d’inquiétude qui provoquent des états de stress. Pour se rassurer, ils se raccrochent à leurs propres routines, comme se mettre en position de repli avec son doudou, par exemple.

«Un doudou introuvable au moment où l’enfant en a besoin, c’est tout son monde qui s’écroule», souligne le neuroscientifique, Alexandre Pinault, fondateur de Big Bang Brain à Lausanne.

«Expliquer à l’enfant ce qui se passe dans son cerveau lui est particulièrement utile. En effet, comprendre que les régions impliquées dans le stress sont également celles qui permettent de prendre les contre-mesures pour éviter la crise peut l’aider à dédramatiser et à réagir de façon adaptative», ajoute-t-il. Le but est de développer ses capacités d’adaptation sans passer par la case dérapage.

«La fabuleuse maison cerveau»

Dans l’actualité post-covid qui a mis à mal la santé mentale et celle de la guerre en Ukraine, Alexandre Pinault et sa collègue, Aurélie Lattion, coordinatrice de stressnetwork.ch, ont réalisé «La fabuleuse maison cerveau». Un livre et une application de réalité augmentée destinés aux enfants dès l’âge de 6 ans pour les sensibiliser au stress.

C’est l’histoire de Louisa paniquée par la disparition de son doudou. Pour le retrouver, elle doit entrer dans son cerveau, organisé comme une maison. Elle y découvre toute l’aide dont elle a besoin, les bénéfices du stress tout autant que les pièges, lorsqu’il devient incontrôlable.

Daniel Schechter, professeur associé et médecin adjoint au Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV, confirme l’atout de la connaissance pour diminuer le stress de l’enfant. Il donne l’exemple de la gastro-entérite, très angoissante dans ses manifestations physiques: «Si l’enfant a déjà compris le concept de virus et que dans ce cas précis, vomir est une bonne réponse de son corps, cela restera violent, mais il n’aura pas peur de mourir».

Le stress hors limites

«Savoir comment fonctionne le cerveau valide les émotions» affirme Daniel Schechter. Dans un environnement psychoaffectif sécurisant, plus l’enfant est en capacité d’apporter des réponses adaptatives en état de stress, plus il en tire des bénéfices pour son propre développement.

Dans un environnement dysfonctionnel, violent et maltraitant, «on peut expliquer comment le corps et le cerveau s’adaptent pour donner du sens à la situation, mais soit ce n’est pas adaptatif d’emblée, soit au fil du temps ce n’est plus adaptatif dans un nouveau contexte», précise le spécialiste. Au contraire, cela alimente un cercle vicieux: une mauvaise lecture externe appelle une réaction interne inappropriée.

Daniel Schechter pose ainsi la frontière entre la connaissance au service de l’épanouissement de l’enfant et celle qui reste stérile parce qu’il ne peut pas la mettre en pratique. «C’est difficile pour un enfant de penser que son cerveau explique son état de stress quand il est régulièrement trahi par les personnes chargées de sa sécurité qui sont aussi celles qui le menacent». La voie psychothérapeutique et éducative avec un travail sur le traumatisme devient alors la seule issue de secours.

Sensibiliser les enfants au stress en leur dévoilant le cerveau au travail

Les neurosciences se mettent au niveau de l’enfant stressé pour un voyage cérébral sans risque de se faire des nœuds au cerveau! Parents bienvenus à bord.