Quand on est soulagé d’un mal de tête, cinq minutes après avoir pris un médicament, c’est l’effet placebo, car le comprimé n’est pas encore digéré. Toutes les maladies sont sensibles à l’effet placebo. Le résultat thérapeutique d’un traitement, quel qu’il soit, est celui de l’addition du procédé actif et de l’effet placebo, lequel est évalué en moyenne à 20% chez l’adulte et à 30% chez l’enfant. Certains patients y sont plus réceptifs que d’autres. Des prédispositions génétiques expliquent en partie les différences. Cependant, la nature même du soin thérapeutique, ainsi que la communication verbale et non verbale qui l’accompagne sont déterminantes.

La part placebo de tout traitement déclenche une réponse dans le cerveau qui va modifier les messages de transmission de la douleur.

Un mécanisme inexpliqué

Les études en double aveugle qui consiste à délivrer à un groupe, un médicament avec une molécule active et à un autre groupe, un placebo chimiquement inactif, permettent de mesurer l’activité du médicament testé. Dans tous les cas, il est démontré que le placebo produit également des modifications biologiques.

Pour le professeur Sam Eldabe, médecin chef du Centre antalgie de l’Ensemble hospitalier de la Côte (EHC), «l’effet placebo est une science en antalgie». D’origine neurophysiologique, il est mesurable à l’imagerie médicale. La part placebo de tout traitement déclenche une réponse dans le cerveau qui va modifier les messages de transmission de la douleur. «Le changement physiologique est provoqué par les neurotransmetteurs nerveux, les endorphines, similaires aux matières opiacées, naturellement fabriquées par l’organisme», explique le spécialiste. Néanmoins, «nous ne pouvons pas l’expliquer complètement, car nous n’avons pas encore compris le mécanisme de l’effet placebo dans le cerveau», précise-t-il.

Ainsi, pourquoi la couleur des comprimés produit une grande différence, le rouge est plus efficace que le bleu par exemple, reste sans réponse. Plus le traitement est invasif, plus l’effet placebo augmente: injection, machine antalgique et plus encore chirurgie.

Le lien de confiance

La probabilité des bénéfices d’un traitement est basée sur des études qui établissent une moyenne. Elle est toujours accompagnée d’un standard de variation en plus et en moins selon la réceptivité de chaque personne. Le lien de confiance avec le soignant va encore augmenter cette variation. «Concrètement, l’effet placebo dépend des informations données au patient, du soulagement qu’il attend et de l’évaluation de son pronostic par le médecin», souligne Sam Eldabe. Il illustre le propos: «Il ne s’agit pas d’exagérer les possibilités de succès, mais l’expérience du clinicien lui permet d’adapter la moyenne des études à la situation personnelle du patient».

Il existe toujours une part psychologique dans la douleur et l’effet placebo a permis d’ouvrir sur une autre approche thérapeutique.

Dr Vianney Perrin, spécialiste en soins palliatifs à l’EHC

La prise en charge par le médecin est déjà un placebo, mais surtout la conviction avec laquelle le soignant prescrit le traitement. «Le médecin peut se montrer franc et préciser que tel produit est proche d’un placebo, ce qui compte c’est comment il le présente», constate le Dr Vianney Perrin, spécialiste en soins palliatifs à l’EHC. Il donne l’exemple d’une patiente qui ne marchait plus à cause des douleurs malgré l’utilisation de traitements puissants. Après la prescription d’un placebo, elle a pu se lever et marcher sans douleur pendant 48h: «Il existe toujours une part psychologique dans la douleur et l’effet placebo a permis d’ouvrir sur une autre approche thérapeutique».

Ethique médicale
L’éthique empêche de prescrire un placebo sans l’accord du patient. Selon Vianney Perrin, «Les médecins peuvent donc utiliser seulement la part placebo inclue dans tout traitement, quitte à potentialiser cette part grâce à une capacité à créer le lien avec la personne malade, dans le but de transformer une consultation en une rencontre». Certains praticiens de techniques non conventionnées et n’ayant la plupart du temps pas prouvé une efficacité supérieure au placebo semblent apporter un complément satisfaisant à la médecine classique puisque tant de personnes y ont recours. Sans renier l’utilité de la preuve scientifique, le placebo interroge et semblerait montrer à quel point «preuves scientifiques» et «savoirs du professionnel», ne doivent pas faire oublier les très précieuses «préférences du patient», insiste le médecin.

Le nocebo

L’effet nocebo est le contraire moins connu du placebo. «Si le médecin n’explique rien, si le patient ne se sent pas entendu, on risque d’observer un effet nocebo qui va encore diminuer le résultat thérapeutique», explique Vianney Perrin. Dans son domaine, il est amené à prescrire «des produits qui inquiètent certains médecins et qui sont souvent bénéfiques à des doses très réduites», précise-t-il. Il connaît l’importance fondamentale du choix des mots pour en discuter avec ses patients tout en disant la vérité, ce qui est un préalable. D’autant plus que l’effet nocebo augmente quand les risques qui accompagnent l’administration d’un traitement sont mis en exergue sans nuances en fonction de l’intention thérapeutique. Il peut aussi être le corollaire de l’histoire personnelle du patient, d’expériences négatives liées à des soins ou des états de souffrance. «L’état de dépression ou d’angoisse peut bloquer les mécanismes cérébraux d’activation des neurotransmetteurs et au contraire provoquer des sensations de douleur», mentionne Sam Eldabe.

Tout le monde est sensible à l’effet placebo

Dans la culture populaire le placebo est plus souvent associé à un cautère sur une jambe de bois qu’à un effet thérapeutique bien réel.