Qui du Bernois Albert Rösti et ou du Zurichois Hans-Ueli Vogt deviendra conseiller fédéral? Ils ont tous deux été choisis pour figurer sur le ticket que présentera l’UDC à l’Assemblée fédérale lors de l’élection au Conseil fédéral le 7 décembre prochain.

Plus expérimenté, Albert Rösti, 55 ans, fait figure de favori pour succéder à Ueli Maurer. Conseiller national depuis onze ans et président d’Uetendorf depuis huit ans, il a dirigé le parti agrarien de 2016 à 2020. L’ingénieur agronome de formation nous a reçu dans son bureau situé au sein de sa commune de 6000 âmes, à quelques encablures de Thoune. Interview.

Albert Rösti, comment se sent le grand favori de l’UDC?

Ce n’est pas une phase très facile. J’aimerais pouvoir rester calme, mais c’est compliqué dans ces circonstances.

J’espère que je réussirai à l’emporter. Même si je ne veux pas passer pour un prétentieux, il y a une nette différence entre mon expérience politique et celle de mon adversaire. Mais peut-être que finalement, on préférera voter pour lui. C’est difficile à juger.

Pourquoi voulez-vous devenir conseiller fédéral?

Parce que je fais de la politique depuis des années avec passion et que j’aime servir mon pays ainsi que mon peuple. J’ai envie de contribuer à la résolution des grands défis de la Suisse.

Je pense aussi que j’ai les qualités pour le devenir, grâce à mes nombreuses expériences passées, notamment lorsque j’étais secrétaire général de direction de l’économie publique du canton de Berne de 2003 à 2006, une grande administration qui comptait alors 1400 collaborateurs.

L’origine ne devrait pas compter pour l’élection au Conseil fédéral. Ce qu’il faut regarder, c’est avant tout l’expérience du candidat.

Albert Rösti, candidat au Conseil fédéral

On oppose beaucoup votre origine bernoise à celle de votre adversaire zurichois. Qu’en pensez-vous?

Cette opposition entre les sections bernoise et zurichoise de l’UDC est toujours évoquée, mais je pense qu’on parle de quelque chose qui n’a plus cours. Si elle existait toujours, je n’aurais pas pu devenir président du parti ou chef de campagne électorale.

Je comprends que chaque canton soit fier lorsqu’il présente une candidature de bonne qualité. Mais, à mon sens, l’origine ne devrait pas compter pour l’élection au Conseil fédéral. Ce qu’il faut regarder, c’est avant tout l’expérience du candidat.

Nationalrat Albert Roesti, SVP-BE, gibt an einer Medienkonferenz seine Bundesratskandidatur bekannt, am Montag, 10. Oktober 2022, in Bern. Somit bewerben sich Roesti und Staenderat Werner Salzmann, SVP-BE, offiziell fuer die Nachfolge des zuruecktretenden Bundesrat Ueli Maurer. Die Wahl der Vereinigten Bundesversammlung findet am 7. Dezember 2022 statt. (KEYSTONE/Peter Schneider)

Albert Rösti lors de la conférence de presse annonçant sa candidature le 10 novembre dernier à Berne. Photo: Keystone/Peter Schneider

Des critiques ont été émises concernant le nombre important de vos mandats extraparlementaires rémunérés (13 sur un total de 18). On est allé jusqu’à dire que cela montrait votre appât du gain. Êtes-vous si vénal?

Je tiens à préciser que, même s’il est rédacteur en chef, c’est seulement une personne qui a dit ça (réd.: Il fait allusion au conseiller national Roger Köppel (UDC/ZH), à la tête de la «Weltwoche»). En réalité, tous les parlementaires ont d’autres casquettes. Cela n’a rien d’extraordinaire.

Mes trois piliers financiers sont le Conseil national, la présidence de ma commune et mon mandat le plus important, celui de président du comité d’auto-suisse. Un grand nombre de mes autres mandats ne représentent que deux ou trois séances par année. Je suis payé, oui, mais en fonction des prestations effectuées. Il faut être clair là-dessus.

Certains parlementaires sont directement concernés par les décisions du Parlement, comme des patrons d’entreprise via les décisions sur la fiscalité, ou les agriculteurs avec la politique agricole. Mon salaire, lui, reste indépendant des décisions au Parlement.

Vous êtes tout de même l’une des personnes qui a le plus de mandats au Parlement…

Je ne suis pas le premier, mais le 5e ou quelque chose comme ça (Il sourit). Cela s’explique par mes activités au Parlement – je suis membre de deux commissions – et à ma longévité au Conseil national.

Par ailleurs, d’autres parlementaires sont avocats et bénéficient du secret professionnel: ils ne doivent ainsi pas indiquer tous leurs mandats. Moi, je suis ingénieur agronome, je dois tout mettre sur la liste. Mais ce n’est pas un problème, j’assume. C’est une bonne chose que les personnes qui discutent avec moi savent où je me positionne.

Si on ne veut plus de cela, il faut changer le système et ne plus avoir un Parlement de milice. Mais je pense que cela fonctionne bien aujourd’hui: chacun apporte ses connaissances et son expérience dans les débats.

Je suis prêt à montrer les montants que je déclare aux impôts lors de mes auditions avec les autres groupes parlementaires.

Albert Rösti, candidat au Conseil fédéral

Seriez-vous prêt à dévoiler les montants que vous recevez?

Je suis contre le fait de donner les montants que je reçois de mes mandats, car il s’agit d’une rémunération qui ne correspond pas à mon revenu réel: j’ai une secrétaire, un bureau, des charges à payer.

En revanche, je suis prêt à montrer les montants que je déclare aux impôts lors de mes auditions avec les autres groupes parlementaires qui précéderont l’élection au Conseil fédéral.

Ces liens d’intérêts ne risquent-ils pas de mettre à mal votre indépendance si vous êtes élu au Conseil fédéral?

Pas du tout. Si je suis élu, je serai complètement indépendant. Il faut tout de même comprendre que j’ai accepté des mandats seulement lorsqu’ils correspondaient à mes valeurs. Celles-ci ne changeront pas quand je renoncerai à mes mandats.

Der neugewaehlte SVP Parteipraesident Albert Roesti dankt den Delegierten mit einer Rede, an der SVP Delegiertenversammlung am Samstag, 23. April 2016, in Langenthal. (KEYSTONE/Lukas Lehmann)

Albert Rösti remerciant les délégués de l’UDC pour son élection comme président du parti, le 23 avril 2016, à Langenthal. Photo: Keystone /Lukas Lehmann

Certains membres de votre parti craignent que vous soyez trop gentil, trop collégial. Le conseiller fédéral Albert Rösti saura-t-il mordre?

Je l’ai prouvé lorsque j’étais président de parti pendant près de cinq ans: je ne me suis jamais écarté de la ligne. Je considère que si je dois hausser le ton, c’est que je n’ai peut-être pas assez bien préparé mon argumentaire. Si on veut mettre en œuvre ses objectifs, il ne sert à rien de polémiquer.

Comptez-vous rompre la collégialité, comme l’a parfois fait votre prédécesseur?

Il est de mon devoir d’insuffler mes valeurs et celles de l’UDC dans les discussions. Je dois représenter les 25% des électeurs suisses qui votent pour mon parti. Mais je suis aussi connu pour accepter les règles. Je continuerai à le faire et respecterai la collégialité.

Quelles seront les priorités que vous désirez porter au Conseil fédéral?

Il est trop tôt pour parler de choses concrètes aujourd’hui, je préfère me concentrer sur ma candidature.

Si vous pouviez le choisir, quel département préfériez-vous diriger? On vous prête un intérêt pour le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) libéré par le départ de Simonetta Sommaruga…

Je ne me prononce pas sur les départements. J’ai bien réfléchi et je peux dire que, si je suis élu, je me réjouirai d’occuper n’importe quel département. Il n’y aura pas de déception.

Pour moi, il est évident que l’on doit remplacer les énergies fossiles par les renouvelables. Mais avant de pouvoir sortir d’une énergie, il faut l’alternative.

Albert Rösti, candidat au Conseil fédéral

Plusieurs élus écologistes ont déjà fait part de l’inquiétude: dans la presse dominicale, la Bernoise Nathalie Imboden a notamment estimé que ce serait une «petite catastrophe» si vous, un ancien représentant «du lobby du pétrole, du nucléaire et de l’automobile» preniez la tête du DETEC. Que répondez-vous?

À nouveau, je ne me prononce pas sur cette question. Je n’ai jamais déclaré un intérêt pour l’un ou l’autre département, on peut ensuite interpréter ce que l’on veut. Au final, ce sera de toute façon l’ensemble du Conseil fédéral qui décidera.

Pensez-vous que nous vivons une urgence climatique?

Pour moi, il est évident que l’on doit remplacer les énergies fossiles par les renouvelables. Mais avant de pouvoir sortir d’une énergie, il faut l’alternative.

Et je ne crois pas qu’on puisse s’en sortir sans grandes centrales, que soit à gaz renouvelable, à géothermie, et grâce au nucléaire de nouvelle génération. A ce titre, je vois cela dans une perspective lointaine, avant tout pour permettre la recherche scientifique.

Ce n’est pas à l’Etat de décider, mais il doit laisser toutes les possibilités ouvertes. Le défi le plus important pour notre avenir et d’avoir suffisamment d’électricité. Sinon, nous risquons de freiner l’indispensable électrification de la société.

Vous désirez réellement relancer le nucléaire en Suisse, alors le peuple a voté pour sa sortie en 2017. N’est-ce pas aller contre sa volonté?

J’ai toujours accepté le vote du peuple, qui a aussi accepté la recherche dans tous les domaines.

Pourquoi les élus suisses romands devraient voter pour vous?

Parce que je connais bien la Suisse romande et que j’y suis attaché. Si je suis élu, je peux promettre que mes visites seront fréquentes. Je serai aussi un conseiller fédéral pour la Romandie.

Quelle trace voudriez-vous laisser dans la politique suisse?

Je ne pense pas à ça. Ce qui compte pour moi, c’est le bon fonctionnement du gouvernement dans son ensemble. J’ai envie de me sentir membre d’une équipe et non pas d’être une personnalité dont on parlera encore dans cent ans.

Parteipraesident Toni Brunner, Vizepraesident Christoph Blocher, und Wahlkampfleiter Albert Roesti, von rechts, singen die Nationalhymne, an der Delegiertenversammlung und dem Wahlauftakt der SVP Schweiz, am Samstag, 22. August 2015, in St. Luzisteig, Maienfeld. (KEYSTONE/Gian Ehrenzeller)

L’ancien président de l’UDC Toni Brunner avec l’ex-conseiller fédéral Christoph Blocher et Albert Roesti (de g. à dr.), alors chef de campagne électorale, en août 2015. Photo: Keystone/Gian Ehrenzeller

Albert Rösti, le «sympa» défenseur des énergies fossiles, devient conseiller fédéral

Le Bernois a été élu dès le premier tour ce mercredi. Portrait de cet ancien président de l’UDC, qui a le don de faire cauchemarder les écologistes.