Greensill : le château de cartes s’effondre

Si Credit Suisse a replongé dans les chiffres rouges l’an dernier, c’est en raison de deux affaires survenues quasiment coup sur coup au printemps et qui ont causé des pertes de plusieurs milliards à la banque. La première est la faillite de Greensill. Fondée en 2011, la société britannique prête de l’argent à des entreprises, afin que celles-ci puissent payer leurs fournisseurs. Elle transforme ensuite les dettes de ces entreprises en titres financiers qu’elle revend à des investisseurs.

Le château de cartes commence à s’effondrer lorsque ces investisseurs, parmi lesquels Credit Suisse, ont des doutes sur la valeur réelle des dettes et abandonnent Greensill. La société ne peut plus vendre ses titres de dettes et ne peut plus prêter d’argent à ses clients. Elle se déclare en faillite en mars 2021.

Au total, les clients de Credit Suisse ont investi 10 milliards de dollars (9,2 milliards de francs) dans des produits Greensill. À ce jour, la banque leur a remboursé les deux tiers de la somme. Credit Suisse est accusée d’avoir ignoré des signaux d’alerte concernant la situation de certains clients de Greensill.

Archegos : le repenti de Wall Street

Le deuxième scandale du printemps 2021 est celui d’Archegos. Bill Hwang est un investisseur sud-coréen installé à New York. Après avoir créé sa société, Tiger Asia, dans les années 2000, il subit un premier revers en 2012 : il doit payer 44 millions de dollars d’amende pour des délits d’initiés. Hwang se relance progressivement et Tiger Asia devient Archegos. L’homme d’affaires base sa reconstruction sur des investissements audacieux.

Alors que sa société gèrerait 10 milliards de dollars, il convainc des banques, dont Credit Suisse, de lui prêter 30 milliards pour investir davantage. En bref, elles achètent des actions et Archegos encaisse une commission sur les gains réalisés. Bill Hwang s’engage aussi à couvrir les pertes en cas de dévalorisation des titres. En 2020, il investit en masse dans ViacomCBS, qui voit la valeur de ses actions s’envoler.

Selon Le Temps, pour des questions de sécurité, Credit Suisse demande à Archegos, au début de l’année 2021, de déposer des fonds. Hwang se veut rassurant et affirme qu’il diminuera les risques. Mais en mars 2021, les actions de ViacomCBS s’effondrent et les banques demandent à Archegos de couvrir les pertes, ce qu’elle ne parvient plus à faire. Résultat : la société de Bill Hwang est en faillite. Pour Credit Suisse, la perte s’élève à 4,4 milliards de francs. Le numéro deux bancaire suisse est à nouveau pointé du doigt pour ne pas avoir anticipé la chute d’Archegos.

La mafia bulgare s’installe à la Paradeplatz

Cette affaire remonte à plus d’une quinzaine d’années, mais le procès de Credit Suisse et de quatre coaccusés s’est ouvert au début février 2022. La banque est inculpée de blanchiment aggravé de fonds issus d’un trafic de drogue. Les relations entre Credit Suisse et un réseau de trafiquants de cocaïne bulgares dirigé par Evelin Banev ont commencé en 2004. Cette année-là, l’organisation criminelle dépose des dizaines de millions de francs sur des comptes de la deuxième banque de Suisse et les réinvestit ensuite en Bulgarie.

Lors de son réquisitoire, le procureur fédéral Luc Leimgruber raconte qu’entre 2005 et 2006, « 18,8 tonnes de cocaïne ont été saisies, pour un profit de 30 millions de dollars par tonne. Or le cas grave est réalisé en Suisse dès 18 grammes ». Le magistrat ajoute qu’Evelin Banev traînait déjà une réputation sulfureuse en 2004 et que son réseau a « soigneusement » choisi Credit Suisse, car la banque était connue pour ne pas contrôler l’origine des fonds.

Pêche au thon dans l’océan Indien

Entre 2013 et 2014, Credit Suisse accorde des prêts à hauteur de 2 milliards de dollars à des entreprises étatiques du Mozambique. Ces crédits représentent 6% du PIB de ce pays de la côte est de l’Afrique. Ils doivent permettre d’acheter des navires patrouilleurs et une flotte destinée à la pêche au thon. Problème : des fonctionnaires, des intermédiaires et des collaborateurs de Credit Suisse ont puisé 200 millions de dollars dans ces fonds.

Trois banquiers sont notamment inculpés aux Etats-Unis pour corruption, blanchiment et escroquerie. Credit Suisse payera un total de 475 millions de dollars dans cette affaire. De son côté, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) oblige dorénavant la banque à respecter certaines conditions lors de « l’ouverture de nouvelles affaires de crédit avec des pays financièrement faibles ».

Des espions à Zurich

Le scandale éclate en septembre 2019 avec la révélation de la filature par Credit Suisse d’Iqbal Khan, banquier vedette parti chez UBS. Les médias parlent même d’une véritable course-poursuite dans les rues de Zurich. Trois personnes sont arrêtées. Elles déclarent à la police que Credit Suisse les a engagées pour savoir si Iqbal Khan essayait de convaincre d’autres employés de rejoindre UBS. Finalement, il s’avère que la banque a fait suivre sept personnes entre 2016 et 2019, dont deux membres de la direction.

La FINMA pointe de « graves violations » et estime que « les décisions de filatures ont été prises de manière informelle et sans justification valable ». En octobre 2021, elle prononce un blâme à l’encontre de deux personnes et ouvre des procédures « d’enforcement » à l’encontre de trois autres. L’affaire des filatures aura surtout poussé le directeur général de Credit Suisse, Tidjane Thiam à la démission en février 2020.

Cas Ivanishvili: Credit Suisse doit verser près de 840 millions de francs

Un tribunal singapourien a condamné Credit Suisse à dédommager l’ancien Premier ministre géorgien Bidzina Ivanishvili à hauteur d’environ 840 millions de francs. La banque va faire appel.