«J’ai réservé des places en train couchette pour trois personnes à destination d’Amsterdam pour le mois d’août. J’ai acheté les billets en février et déjà là, tous les horaires n’étaient plus disponibles.» Cet engouement pour les trains de nuit, constaté par Thierry, un père de famille vaudois, est assez général. «La fièvre du départ est de retour», se réjouit Sabine Baumgartner, porte-parole auprès des CFF.

Les réservations pour ces liaisons ferroviaires nocturnes cet été se multiplient. «Un véritable boom», s’exclame Liliane Rotzetter, porte-parole de l’agence de voyages Railtour-Frantour. «Les trains de nuit pour Hambourg ou les îles de Sylt et de Rügen (îles allemandes de la Baltique, ndlr) sont déjà partiellement complets en été. La nouvelle ligne pour Amsterdam est également très demandée», illustre la responsable. «Actuellement, il y a encore de bonnes disponibilités pour Berlin ou Vienne. Mais il vaut la peine de réserver rapidement», conseille Liliane Rotzetter.

Matériel roulant autrichien

Pour le moment, dix destinations sont proposées au départ de la Suisse: Amsterdam, Berlin, Hambourg, Hanovre, Vienne, Graz, Prague, Budapest, Ljubljana et Zagreb. «Aujourd’hui déjà, Zurich est le deuxième hub le plus important d’Europe en matière de trains de nuit, derrière Vienne», note Sabine Baumgartner.

Selon les estimations des CFF, l’impact climatique représente une économie d’environ 50 000 tonnes de CO2 par an, soit la consommation annuelle moyenne de 30 000 voitures.

Sabine Baumgartner, porte-parole auprès des CFF

Fruit d’une collaboration avec les chemins de fer autrichiens qui mettent à disposition le matériel roulant, les trains de nuit connaissent un succès grandissant depuis plusieurs années déjà. Ainsi, entre 2018 et 2019, les CFF constataient une hausse de 25% de la demande. Celle-ci atteint à l’heure actuelle les chiffres d’avant la pandémie, bien que 2019 ait déjà constitué «une année record pour le trafic voyageur international», selon la porte-parole.

Pourquoi un tel engouement? Tout d’abord, des motivations écologiques. «Les trains de nuit ont un effet clairement démontrable sur le climat, car ils provoquent un transfert des déplacements de l’avion, de la voiture ou du bus vers le train», soutient Sabine Baumgartner. «Selon les estimations des CFF, l’impact climatique représente une économie d’environ 50 000 tonnes de CO2 par an, soit la consommation annuelle moyenne de 30 000 voitures.»

Expérience conviviale

Mais il n’y a pas que l’environnement qui suscite cet intérêt pour les trains de nuit. Pour Liliane Rotzetter, les avantages sont «évidents»: arriver reposé à destination, économiser une nuit d’hôtel et rejoindre directement le centre-ville, sans les transferts depuis l’aéroport. Quant aux CFF, ils ajoutent que les tarifs «sont tout à fait concurrentiels» par rapport à l’avion, avec des billets dégriffés dès 99 francs par personne pour une liaison Bâle-Berlin, par exemple.

Nous avons acheté les billets le 8 avril et certains jours de juillet étaient déjà presque complets

Martial Schaller, client CFF

Ce qui a notamment motivé Thierry à opter pour un train de nuit, c’est «l’expérience en famille». Ce côté convivial est également mis en avant par Martial Schaller, le secrétaire de la Farandole de Courtepin. «Afin de se rendre à un festival en Croatie, notre groupe folklorique fera l’aller-retour Zurich-Zagreb en train de nuit en juillet. C’est une habitude bien ancrée et nous apprécions l’ambiance de groupe qui en résulte.» A cela s’ajoute une envolée du prix des billets d’avion qui incite à privilégier le train.

Mais afin de réserver des places pour 30 personnes, il a fallu s’y prendre tôt. «Nous avons acheté les billets le 8 avril et certains jours de juillet étaient déjà presque complets», poursuit le responsable.

Des trains pas rentables

Malgré ce succès, les trains de nuit ne sont pas forcément une bonne affaire pour les compagnies. En cause: des coûts d’exploitation élevés et des revenus limités. «Par exemple, dans un train de jour, une place assise peut être vendue jusqu’à trois fois en moyenne entre Zurich et Hambourg. Un compartiment de train de nuit ne peut être vendu qu’une seule fois sur l’ensemble du voyage, peu importe le trajet du client», illustre Sabine Baumgartner. A cela s’ajoute la nécessité d’une dotation en personnel plus élevée. Résultat: les trains de nuit ne sont pas rentables.

L’échec de la loi sur le CO2 devant le peuple a représenté un coup dur pour les CFF. «Les plans d’extension de l’offre existante ont été freinés, car nous ne pouvons pas profiter des moyens que le fonds climat aurait mis à disposition pour le financement des trains de nuit», explique la porte-parole. «En collaboration avec les chemins de fer autrichiens et d’autres partenaires, nous avons toutefois pu élaborer des solutions qui nous permettent de réaliser la majeure partie de nos projets d’extension», ajoute-t-elle.

Ainsi, depuis décembre 2021, Amsterdam s’est ajoutée au réseau des trains de nuit. Et à la fin de cette année, l’offre vers Hambourg et Berlin sera renforcée, tandis qu’un nouveau train de nuit reliera Prague via Leipzig et Dresde. Autres projets: l’introduction progressive d’un nouveau matériel roulant plus moderne et confortable dès 2023. En revanche, les CFF n’ont pas encore trouvé de solution de financement pour des trains de nuit vers Barcelone et Rome.

CFF: perte de 142 millions de francs au premier semestre

Malgré une amélioration, les résultats semestriels des CFF restent négatifs. La situation reste tendue pour l’entreprise, qui s’inquiète également des prix élevés de l’énergie.