Plus de 40 000 participants de 196 pays s’apprêtent à passer les deux prochaines semaines à Charm el-Cheikh pour assister à la 27e conférence des Nations Unies sur le climat (COP27). L’événement réunissant dirigeants, négociateurs et membres de la société civile s’est ouvert ce dimanche et durera jusqu’au vendredi 18 novembre. Une COP qui devra une nouvelle fois tenter de faire progresser la lutte contre le dérèglement climatique. Ou, à défaut, éviter qu’elle ne recule.

C’est bien l’une des craintes de Franz Perrez, l’ambassadeur suisse pour l’environnement qui représentera le pays avec sa délégation durant l’ensemble du sommet (voir ci-dessous). Au téléphone, il évoque à plusieurs reprises son «souci». Souci que les pays du G20, qui émettent quelque 80% des gaz à effet de serre, ne reviennent sur leurs engagements.

Un continent frappé de plein fouet

L’accord de Paris de 2015 en demeure la colonne vertébrale, avec l’objectif de se maintenir au plus proche d’une hausse moyenne des températures sur le globe à +1,5 degré depuis l’ère préindustrielle.

Une ambition toujours plus intenable selon la communauté scientifique, qui ne cesse d’appeler à l’action. «Si on ne maintient pas cet objectif, les impacts seront immenses, tant pour la Suisse (réd: +1,5 degré au niveau mondial signifierait environ le double dans notre pays), que pour les pays les plus pauvres, qui auront encore moins de moyens pour gérer cette situation», avertit le chef de la division affaires internationales de l’Office fédéral de l’environnement.

Comme souvent, la COP ne sera pas complètement décisive.

Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales

Si elle pourrait faire office, à moyen terme, d’accélérateur de la transition énergétique, la guerre en Ukraine favorise plutôt le recours aux énergies fossiles, principale cause du réchauffement climatique.

Pour Franz Perrez, le signal d’un retour en arrière serait d’autant plus fort que le sommet a lieu en Afrique, continent frappé de plein fouet par les conséquences du réchauffement climatique alors qu’il n’en est que très marginalement responsable: ses 54 pays rejettent environ 9% des émissions mondiales.

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Vers une défiance accrue?

On trouve ici un autre enjeu important de ce sommet, le dossier du financement des pertes et des dommages. Ces dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique, comme des ouragans ou des inondations, touchent majoritairement les pays du sud. Ceux-ci demandent la création d’un mécanisme financier spécifique, doté de nouveaux moyens, pour y faire face.

Même s’ils reconnaissent les besoins, les pays développés y sont réticents, car ils craignent que cela n’aboutisse à des demandes financières ingérables, explique Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) en France.

«Les pays du Nord doivent démontrer qu’ils prennent au sérieux cette question. C’est très important moralement, mais aussi d’un point de vue géopolitique. Les pays aujourd’hui dans l’incapacité de faire face aux coûts financiers et sociaux de ces événements catastrophiques sont souvent ceux qui ne se sont pas alignés derrière l’Occident dans la condamnation de la Russie après son agression de l’Ukraine», souligne-t-il.

«Si rien n’est entrepris, cela va agrandir le fossé de la défiance entre ces pays et les Occidentaux et nous allons perdre une occasion de s’en faire des alliés sincères», souligne Sébastien Treyer. Mathias Schlegel, porte-parole de Greenpeace Suisse, voit dans cette question de «justice climatique», un point capital du sommet.

Pour Franz Perrez, il faut aussi qu’en plus des Occidentaux, des Etats comme la Corée du Sud, l’Arabie saoudite ou la Chine fassent leur part et soient prêts à participer aux fonds destinés aux pays les plus pauvres.

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«Extrêmement frustrant»

Comme à chaque fois, les bons sentiments sont légion au début de ces COP, mais une impression d’inachevé prédomine souvent à l’issue de ces événements. Pourquoi continuer? «La fin d’une COP est souvent un moment extrêmement frustrant, où on se voit déçu du résultat, du manque d’ambition affiché. Mais ces événements restent des plus importants. C’est le seul lieu de rencontre où les Etats sont les uns en face des autres pour parler climat, se coordonner et être confrontés aux injustices provoquées par le réchauffement climatique», estime Mathias Schlegel.

«Comme souvent, la COP ne sera pas complètement décisive», abonde Sébastien Treyer, en soulignant toutefois l’importance de ce genre d’événements, qui permettent notamment de «fixe les règles du jeu» pour aller de l’avant ensemble sur ces thématiques.

Les partenariats avec Coca-Cola, l'un des principaux responsables de la pollution plastique, ou avec le constructeur automobile General Motors, décrédibilisent le travail de la COP27

Mathias Schlegel, porte-parole de Greenpeace Suisse

«Aucune décision n’est prise à la COP. C’est la responsabilité de chaque pays. Et il faut avouer que tous les pays n’en font pas encore assez, la Suisse y compris, même s’ils ont parfois l’impression qu’ils en font beaucoup», poursuit Franz Perrez.

«Mais c’est un moment important et nécessaire d’échanges entre les chefs d’Etat. Chaque pays ne peut résoudre ce problème seul et doit s’assurer que les autres affrontent aussi ce défi commun. Les négociateurs abattent également un travail important en coulisse et la présence des ONG permet de mettre une forte pression à l’action», résume-t-il.

Crédibilité mise en cause?

La crédibilité de ce genre d’événement ne doit toutefois ne pas être entachée, souligne l’ambassadeur. Reste, estime Mathias Schlegel, que «les partenariats avec Coca-Cola, l'un des principaux responsables de la pollution plastique, ou avec le constructeur automobile General Motors, décrédibilisent le travail de la COP27. En donnant l’opportunité à des entreprises de faire du greenwashing, ce genre de partenariat nous inquiète. Il vaudrait mieux envisager des alliances avec des Etats ou des acteurs publics, par exemple», estime le porte-parole de l’ONG environnementale.

L’activiste suédoise Greta Thunberg a, elle, été plus sévère, fin octobre à Londres, lorsqu’elle a indiqué qu’elle ne se rendrait pas à Charm el-Cheikh, notamment à cause du «greenwashing des dirigeants».

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