Il y a comme un parfum de scandale au Parlement. D’ordinaire très mesurés, les sénateurs se sont montrés plutôt agités. Ils ont fait part de leur mécontentement après avoir appris, tôt hier, que la Confédération avait signé un contrat avec un fabricant de vaccin contre le Covid sans leur aval.

Le document engage financièrement la Suisse alors que les montants n’ont pas encore été débloqués par les Chambres fédérales. En gros: l’argent est dû, mais l’administration fédérale n’a pas le droit de le dépenser. Sous la coupole, on parle d’illégalité, de problème de forme, de négligence…

Le fait que le Conseil fédéral ait conclu des contrats sans assortir les avenants d’une réserve parlementaire est absolument accablant.

Beat Rieder, Le Centre

L’Office fédéral de la santé publique affirme qu’elle ne peut répondre avant quelques jours. Un haut fonctionnaire plaide la complexité de ce type de contrats, qui par ailleurs restent secrets. Le conseiller fédéral Ueli Maurer, emprunté, reconnaît que les réponses aux questions manquent

Défavorable à la vaccination depuis le début de la pandémie, le sénateur centriste valaisan Beat Rieder semble très fâché: «Qui détient la souveraineté budgétaire dans cet Etat? Le fait que le Conseil fédéral ait conclu des contrats sans assortir les avenants d’une réserve parlementaire est absolument accablant.» Son collègue Olivier Français (PLR/VD) peste: «L’erreur administrative est possible. Mais nous sommes maintenant très mal pris parce que nous avons passé une commande sans l’accord financier du parlement. Cela pose un problème institutionnel.»

Il est en effet un peu difficile de dire comment nous devons voter maintenant.

Eva Herzog, PS

L’affaire dérange profondément parce que les montants en jeu sont flous. «Ils ne sont pas totalement définis et les chiffres ont encore changé ces derniers jours. Les derniers qui m’ont été communiqués se montent à 220 millions de francs, qui ont été souscrits sans possibilité de retour», détaille Johanna Gapany, sénatrice PLR fribourgeoise et présidente de la commission des finances. Elle juge la communication «peu heureuse» et ajoute qu’il serait bien de reprendre les discussions après clarification. La socialiste bâloise Eva Herzog reconnaît: «Il est en effet un peu difficile de dire comment nous devons voter maintenant…»

Emprunté, le conseiller fédéral Ueli Maurer affirme ne pas vraiment savoir s’il est possible de modifier le contrat. Ou s’il est possible de le faire sans que cela ait un impact sur les autres. «Ce sont des questions qui restent ouvertes pour moi aujourd’hui», reconnaît-il.

De manière à peine voilée, il appelle à voter contre sa propre proposition… Et c’est bien ce qui est arrivé.

Face à un tel flou, les sénateurs ont refusé de débloquer des suppléments de 314 millions de francs et 780 millions de francs pour l’achat de 33 millions de doses, comme le demandait le Conseil fédéral. Par 32 voix contre neuf et trois abstentions, ils ont renvoyé la copie au Conseil national, réduisant ces montants à 68 et 300 millions de francs.

Dès ce jeudi, la commission des finances du Conseil national va tenter de tirer tout cela au clair. Le Parlement doit trouver une solution d’ici la fin de la session, dans deux semaines.

Combien de vaccins?

Si ces informations sont importantes, c’est aussi parce qu’elles doivent permettre de déterminer le nombre de doses de vaccins contre le Covid qu’il faudra acheter pour anticiper la suite de la pandémie de coronavirus.

Pour Beat Rieder, visiblement agacé, «il faut revenir à une stratégie d’acquisition de vaccins contre le Covid qui ne devienne pas une machine à détruire de l’argent.»

En cause notamment: l’élimination prochaine de 600 000 doses de vaccins périmés, qui dorment encore dans les frigos de l’armée, comme le révélait la RTS en fin de semaine dernière. «Faites le calcul: 33 millions de doses pour une année et demie, cela représente quatre doses par personne. C’est irréaliste», s’indigne Olivier Français.

Face à lui, Eva Herzog rétorque qu’il faut «avoir suffisamment de vaccins pour toute la population». Pour elle, le Conseil fédéral applique avec justesse une stratégie de sécurité face aux nombreuses incertitudes quant à l’évolution de la pandémie. Ueli Maurer justifie: «Le Conseil fédéral a choisi une stratégie sans risque, en pensant qu’après toutes les critiques, il devrait être prêt et disposer de suffisamment de vaccins en cas de pandémie plus «dure». Nul doute que le Conseil fédéral va être pris à partie mardi prochain au Conseil national. Plusieurs élus ont déjà rédigé des questions qui dérangent.

Coronavirus: plusieurs dispositions de la loi Covid-19 doivent être prolongées

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