Comment garantir que la Suisse ne soit jamais plongée dans le noir, tout en atteignant les objectifs climatiques? Pour le savoir, l’Association des entreprises électriques suisses (AES) et le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) ont mené une large étude, présentée ce mardi à Berne.

Il s’agit de la première modélisation scientifique simulant l’ensemble du système énergétique de la Suisse jusqu’en 2050, tous secteurs confondus, et prenant également en compte les pays voisins.

Conclusion: «Nous n’atteindrons pas les objectifs énergétiques et climatiques sans des efforts énormes pour une accélération massive du développement des énergies renouvelables», souligne Michael Frank, directeur de l’AES. Pour aller de l’avant, il plaide pour que la sécurité d’approvisionnement soit déclarée d’intérêt national et qu’un accord avec l’Union européenne (UE) soit trouvé rapidement.

Voici l’essentiel de l’étude résumée en quatre points.

1. Quatre scénarios, dont un «offensif» à privilégier

Au vu des nombreuses incertitudes de ces trente prochaines années, les chercheurs ont choisi d’étudier quatre scénarios différents, basés sur deux aspects principaux. Tout d’abord, l’acceptation de la société – et du monde politique – aux nouvelles technologies, et donc l’ampleur de leur développement à venir dans le pays. Deuxième élément: l’ouverture de la Suisse à ses partenaires étrangers, en premier lieu avec l’UE, et ainsi les possibilités d’importations et d’exportations d’énergie.

Tous les scénarios partent du principe qu’il faudra se séparer du nucléaire aux alentours de 2040 et atteindre les objectifs climatiques en 2050 (zéro émission nette).

L’étude arrive à la conclusion que la meilleure option pour la Suisse serait qu’elle soit «offensive» dans la mise en place des technologies (solaire, éolien, hydraulique, hydrogène) et que notre pays ait des échanges étroits avec nos voisins européens, pour assurer un approvisionnement sûr et meilleur marché.

En comparaison à un statu quo, cette solution permettrait des économies de plusieurs milliards par année.

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2. La production d’électricité doit être accélérée

Remplacer essence et diesel pour nos voitures ainsi que gaz et mazout pour nous chauffer sera loin d’être une mince affaire. Mais un avantage non négligeable est pointé par les experts: les véhicules électriques et les pompes à chaleur sont bien plus efficients que leurs prédécesseurs.

Avec d’autres facteurs, comme une meilleure efficacité grâce à l’isolation des bâtiments, la consommation d’énergie finale du pays devrait, selon le meilleur scénario, diminuer d’environ 25% par rapport à aujourd’hui. Ce recul des besoins se produit malgré la croissance démographique et économique, précise l’étude.

En revanche, il faudra produire bien plus d’électricité pour compenser la fin de l’énergie fossile et répondre aux nouveaux besoins; selon les calculs, il faudra passer de 62 TWh/an aujourd’hui à environ 80, voire 90 TWh/an (+25% à +40%) en 2050.

Sans compter que le nucléaire devra aussi être remplacé, ce qui va provoquer une perte de quelque 23 TWh/an d’ici à trente ans. Au final, au moins 37 TWh doivent être trouvées, soit près de la moitié de ce qui est produit actuellement.

3. Barrages, solaire et hydrogène importé

Avec les centrales nucléaires débranchées, les barrages garderont le rôle principal du futur théâtre énergétique. Les volumes actuels de production d’hydroélectricité ne devraient en revanche que peu évoluer.

C’est le solaire qui est appelé à fournir une part bien plus grande d’électricité, en produisant huit fois plus de courant qu’aujourd’hui. Les experts espèrent que des installations photovoltaïques alpines et des éoliennes se développent, afin de sécuriser l’approvisionnement en hiver, quand le solaire classique est moins performant.

Les spécialistes misent également sur l’importation d’hydrogène bon marché et vert (réalisé à base d’énergies renouvelables). Si la Suisse est bien intégrée au réseau européen, ce combustible pourrait être utilisé dans des centrales à gaz et permettrait de fournir essentiellement de l’électricité d’octobre à mars, couvrant environ 20% des besoins hivernaux.

Les centrales nucléaires de dernière génération pourraient constituer une alternative aux centrales à gaz, avance l’étude. Mais les analyses montrent que le développement de nouvelles centrales ne pourrait pas se faire avant 2045 et ne présenterait aucun avantage économique, détaille le professeur Matthias Sulzer, responsable de ladite recherche pour l’Empa.

Pour sécuriser l’entier du système, le scénario prévoit par ailleurs que des centrales à gaz de secours et des stockages d’énergie soient construits, notamment une réserve hydroélectrique.

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4. Une dépendance dans tous les cas

Aujourd’hui, 80% de nos besoins sont encore remplis par des énergies fossiles, qui nous rendent totalement dépendants de l’étranger. A terme, notre dépendance absolue aux importations devrait être réduite d’un facteur 4 à 6 selon le scénario choisi. La dépendance concernerait alors non plus le pétrole ou le gaz, mais l’hydrogène, dans une moindre mesure.

En revanche, notre dépendance à l’électricité étrangère durant l’hiver augmenterait par rapport à aujourd’hui – en raison, justement, de l’abandon des énergies fossiles. Elle doublerait, voire triplerait dans le pire des scénarios.

Selon les experts, la décennie la plus compliquée sera celle qui va de 2040 à 205, et ce, pour trois raisons: la fermeture des dernières centrales nucléaires, des quantités d’hydrogène disponibles encore insuffisantes et une hausse des besoins en électricité.

Au final, en 2050, la Suisse devrait importer moins de 20% de ses besoins en électricité pendant le semestre hivernal.

En savoir plus: L’étude complète est disponible sur le site web de l’AES

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