La restauration est-elle trop gourmande? GastroSuisse diffusait lundi un communiqué pointant une situation déficitaire pour 70% des établissements du pays. Selon un sondage de l’association faîtière, le chiffre d’affaires a été inférieur de 40% aux niveaux d’avant la pandémie en 2021. Alors que le Conseil fédéral a chargé le département des finances de préparer une ordonnance pour prolonger l’aide aux cas de rigueur en 2022, le secteur demande notamment une aide rétroactive pour juillet à septembre 2021.

Nous avons reçu plus d’indemnités car nous sommes ceux qui avons le plus souffert des mesures prises.

Casimir Platzer, président de GastroSuisse

Mais voilà, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) pointe qu’il est celui qui a le plus profité des aides – 1 franc sur 3 serait allé à la gastronomie – et estime que le temps est venu de «stopper la politique de l’arrosoir». Entre deux l’administration ficèle un projet dont la teneur a filtré par l’intermédiaire du SonntagsBlick et de la NZZ am Sonntag. Celui-ci – en consultation jusqu’au 4 février – serrerait la vis.

«Nous avons reçu plus d’indemnités car nous sommes ceux qui avons le plus souffert des mesures prises», souligne Casimir Platzer, président de GastroSuisse. Dans le même sens, Frédérique Beauvois, coordinatrice de Qui va payer l’addition, soutient qu’«il n’y a jamais eu d’arrosoir»: «Les indemnités sont basées sur les pertes d’une entreprise. En janvier 2021, peu après l’assouplissement des critères d’octroi de l’aide, le Conseil fédéral a fixé un plafond de 20% du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise, valable toute la durée de la crise. A titre indicatif, nos charges incompressibles sont généralement estimées à 25% du chiffre d’affaires».

«Projet restrictif»

Et de souligner que la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a invité à l’unanimité en décembre le Conseil fédéral à «adapter l’ordonnance COVID-19 cas de rigueur afin que les indemnisations prévues pour couvrir tout ou partie des charges fixes soient calculées annuellement et pas une seule fois pour toute la durée de la crise». «L’argent est là, mais les entreprises n’y ont pas accès. Et le projet en cours d’élaboration semble encore plus restrictif.» A ce jour, 4,65 milliards de francs ont été versés au titre de cas de rigueur. Le plafond est de 10 milliards de francs, dont 8,2 milliards pris en charge par la Confédération.

Pour rappel, à l’origine, pour entrer dans le champ des cas de rigueur, les entreprises devaient pouvoir prouver qu’elles avaient subi des pertes d’au moins 40% de leur chiffre d’affaire d’avant la crise. Début 2021, les critères ont été assouplis pour inclure toutes les entreprises touchées par une fermeture d’au moins 40 jours.

Des preuves à avancer

Selon le projet en consultation, 1 milliard supplémentaire (800 millions à charge de Berne) sera attribué aux cas de rigueur. L’aide prendra la forme de prestations mensuelles à fonds perdu, calculées sur les charges fixes non couvertes des entreprises pour les six premiers mois de 2022. A la place du plafond de 20%, le montant par mois ne devra pas dépasser 1,5 pour cent du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise bénéficiaire et sera de 400000 francs maximum.

Pour toucher l’aide, une entreprise devra démontrer qu’elle a pris des mesures raisonnables pour pallier son manque à gagner, qu’elle mette en place des restructurations et abandonne tout investissement dispensable. Elle devra aussi prouver qu’elle n’a pas pu continuer son activité en raison de la pandémie.

Le Parlement a été très clair dans sa volonté de continuer d’aider les entreprises. Le projet fait le contraire en réduisant les montants de soutien et en ajoutant des obstacles bureaucratiques.

Regula Rytz, conseillère nationale Verte

«Ce point laisse beaucoup de marge d’interprétation aux cantons. Cela pourrait être source de distorsions de concurrence», estime Casimir Platzer, président de Gastrosuisse. Les cantons pourraient réduire une aide dans le cas où une entreprise n’aurait pas pris des mesures jugées suffisantes.

Seront éligibles les établissements et sociétés qui ont perçu des indemnités de RHT ou de perte de gain. Selon les termes rapportés dans la presse, «l’objectif est que les entreprises s’organisent elles-mêmes pour affronter l’évolution de la pandémie». La conseillère nationale Verte Regula Rytz estime que «le projet formulé par l’administration du Conseiller fédéral Ueli Maurer est incompréhensible»: «Le Parlement a été très clair dans sa volonté de continuer d’aider les entreprises. Le projet fait le contraire en réduisant les montants de soutien et en ajoutant des obstacles bureaucratiques».

Membre de la CSSS-N, l’élu du Centre Benjamin Roduit, indique ne pas avoir encore vu le document en question. Mais il ajoute ne pas être «étonné dans la mesure ou le Secrétariat à l’économie a toujours tiré le frein à main sur les mesures Covid-19 pourtant votées au plénum» Il y voit un a un bras de fer entre le parlement et le SECO.

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