«Chaque mesure prise aujourd’hui ou qui devra être prise ne visera qu’un objectif essentiel: éviter à tout prix une pénurie d’énergie qui nous mènerait à des mesures drastiques affectant l’économie et la société», a insisté le conseiller fédéral Guy Parmelin face à la presse ce mercredi.

Avec sa collègue Simonetta Sommaruga, ils ont présenté les scénarios du pire si le gaz devait manquer cet hiver en Suisse. Pour mettre toutes les chances de son côté, le Conseil fédéral a fixé ce mercredi l’objectif de réduire 15% de la consommation totale de gaz du pays.

Comment? En comptant sur la bonne volonté de tout un chacun, population comme entreprises. Les sept Sages espèrent que la demande de gaz diminuera ainsi de 15% d’octobre à fin mars prochains par rapport à la consommation moyenne des cinq dernières années. Le moment est crucial: la période hivernale concentre les trois quarts de la consommation annuelle.

Pourquoi ces 15% de réduction?

Sur ce point, Berne suit l’Union européenne (UE) qui s’est fixé le même objectif d’économies dès août dernier. La Suisse est toutefois moins dépendante au gaz que ses voisins. Cette source d’énergie correspond à 15% de la consommation totale de la Suisse, contre 22% dans l’UE, avec des disparités importantes d’un pays à l’autre.

Contrairement à l’Allemagne ou l’Italie par exemple, notre pays n’utilise pas cette source d’énergie pour produire sa propre électricité. Elle sert principalement au chauffage – grosso modo deux tiers du total – et à l’industrie – un tiers.

Problème: la Suisse est complètement dépendante de l’étranger pour le gaz. Elle ne possède ni réserves, ni ressources dans le pays. Des options d’achat – 20% de la consommation hivernale – et des réserves supplémentaires – 15% de la consommation annuelle – ont bien été constituées à l’étranger, mais le Conseil fédéral craint que ces ressources soient indisponibles si des pénuries devaient toucher les pays qui les abritent. Ils pourraient alors privilégier leurs besoins intérieurs, comme certains épisodes de la crise sanitaire l’ont montré.

Cet appel à la réduction sert aussi à montrer la bonne volonté de la Suisse dans une situation très tendue en Europe. Berne est en train de négocier un accord de solidarité avec ses voisins. Ce dernier n’entrerait toutefois en vigueur qu’une fois toutes les autres mesures prises, y compris les rationnements (lire ci-dessous).

Où économiser?

Il est tôt pour y songer aujourd’hui, mais ce sera avant tout en réduisant le thermostat des chauffages tournants au gaz dès leurs mises en service cet automne. Un degré de chauffage en moins permet par exemple d’économiser 5 à 6% d’énergie, a chiffré le ministre de l’Economie Guy Parmelin.

Diminuer sa consommation d’eau chaude est aussi une piste. Le gaz étant aussi utilisé pour produire l’électricité que la Suisse importe en hiver, le Conseil fédéral appelle également à débrancher les appareils non utilisés et à réduire sa consommation globale. Une campagne d’information dans ce sens sera rendue publique la semaine prochaine.

Il n’est pas possible d’imposer une température de 16 degrés dans les appartements.

Guy Parmelin, conseiller fédéral

L’administration fédérale compte par ailleurs montrer l’exemple. Ses sites pourraient être regroupés pour réduire le nombre de locaux à chauffer et le télétravail encouragé. Cantons, villes et communes sont invités à faire de même.

La commutation volontaire des installations bicombustibles du gaz au mazout est également encouragée. Certaines entreprises sont en effet équipées de systèmes permettant de passer d’une ressource à une autre. Selon les estimations, cela pourrait permettre des économies maximales de 25% de la consommation totale de gaz.

Comme le mazout émet beaucoup de CO2, les entreprises qui commuteraient volontairement pourraient ne plus remplir leurs obligations de réductions d’émissions et ainsi ne plus être exemptées de la taxe sur le CO2. Des adaptations à ce sujet sont donc en préparation.

Si cela ne suffit pas?

Les deux conseillers fédéraux l’ont répété: malgré la préparation du pays, les inconnues sont encore nombreuses et il est impossible d’assurer aujourd’hui que les quantités de gaz suffiront à passer l’hiver. La Russie a déjà réduit drastiquement, voire coupé, ses apports en gaz vers les pays de l’UE et rien n’indique que les choses vont s’améliorer. Les autorités pourraient donc être forcées de prendre des mesures drastiques.

Un plan en plusieurs étapes prévoit de passer par des appels à réduire la consommation, l’obligation pour les installations bicombustibles de passer au fioul, des restrictions et enfin des rationnements.

Des températures maximales pourraient ainsi être imposées dans les bâtiments publics et les bureaux. Les logements pourraient aussi être concernés, mais seulement dans une certaine mesure. «Il n’est pas possible d’imposer une température de 16 degrés dans les appartements», a souligné Guy Parmelin, qui a fait référence à une jurisprudence dans le domaine.

L’utilisation de gaz dans les domaines du sport, des loisirs, du bien-être ou encore sur les terrasses pourrait aussi être interdite. La liste complète des restrictions possibles sera publiée dans les prochaines semaines. Le Vaudois a tenu à se montrer rassurant: «Nous n’allons pas devenir un Etat policier et vérifier partout si les mesures sont bien appliquées.» A lire aussi: Les restrictions se précisent pour cet hiver

Et en dernier recours?

Ultime étape: les rationnements. Tous les consommateurs seraient concernés à l’exception des clients protégés, à savoir les ménages et les services sociaux essentiels comme les hôpitaux ou les services de secours.

Défi: certaines sociétés ne peuvent pas travailler sans gaz, notamment dans le secteur de la métallurgie, du ciment et des machines. Les entreprises rationnées auraient toutefois la possibilité d’acheter des contingents non utilisés via un pool. Pour l’heure, le Conseil fédéral ne s’est pas penché sur d’éventuelles compensations financières si de telles entreprises devaient se retrouver tout ou en partie à l’arrêt.

Toutes ces mesures n’entreront en vigueur qu’en cas de pénurie déclarée ou imminente. Elles seront limitées dans le temps, et levées dès que possible, a assuré Guy Parmelin. Tout ce que la Suisse peut faire aujourd’hui, c’est «se créer plus de réserve», a résumé la ministre de l’Energie.

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