La pénalisation des couples mariés ou pacsés au moment de s’acquitter de leurs impôts, c’est peut-être bientôt fini. Le Conseil fédéral a rédigé un projet d’imposition individuelle. La consultation a été ouverte le 2 décembre dernier. Il s’agit d’un contre-projet indirect à l’initiative des Femmes PLR «pour des impôts équitables», qui a récolté les signatures nécessaires à une votation populaire.

En parallèle, Le Centre a lancé deux initiatives. Son texte «Oui à des impôts équitables» veut maintenir le principe de l’imposition commune mais demande que la loi garantisse que les couples mariés ne soient pas désavantagés par rapport aux autres contribuables.

«Inégalité de traitement»

Depuis plusieurs années, le Conseil fédéral cherche à mettre fin à la pénalisation fiscale des couples mariés au niveau de l’impôt fédéral direct. Sa présente tentative consiste à passer de l’imposition commune, dans laquelle les revenus des époux sont additionnés, à l’imposition individuelle pour tous.

L’initiative des Femmes libérales-radicales veut instaurer la même transition en mentionnant dans la Constitution que «les personnes physiques sont imposées indépendamment de leur état civil».

Actuellement, le système progressif d’imposition du revenu se traduit par une charge fiscale supplémentaire pour les personnes mariées. Comme les textes du PLR et du Centre, la réforme du gouvernement veut gommer cette «inégalité de traitement».

Le projet mis en consultation prévoit d’autres mesures afin de corriger les conséquences de ce changement de régime: la déduction pour enfant sera relevée à 9000 francs, puisque l’imposition individuelle atténue l’effet d’allègement de cette déduction.

Les personnes seules et les familles monoparentales bénéficieront d’une déduction de 6000 francs pour compenser les économies réalisées par les ménages composés de deux adultes au minimum, dans lesquels les frais de logement sont par exemple moins élevés.

Les couples mariés à un seul revenu ou à deux revenus dont l’un est faible seront désavantagés par l’imposition individuelle. Dans la consultation, le Conseil fédéral propose deux solutions. La première ne prévoit aucun correctif. Le gouvernement affirme qu’elle incitera les deux membres du couple à exercer une activité lucrative et boostera ainsi le marché de l’emploi.

La seconde variante instaure une déduction pour les couples mariés à un revenu. Ce correctif permettrait de compenser la charge fiscale plus élevée que celle des couples à deux revenus. La déduction pourra atteindre 14’500 francs. Plus le revenu secondaire augmente, plus le montant diminuera.

Les cantons pour l’imposition commune

De leur côté, les cantons ne voient pas tous d’un bon œil le passage à l’imposition individuelle. Le 30 janvier dernier, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) a pris position en faveur du maintien de l’imposition commune des couples mariés.

«Les cantons prévoient déjà des systèmes d’imposition qui corrigent, avec succès, les effets de la pénalisation du mariage. Revoir l’ensemble des impositions des 26 cantons pour corriger l’impôt fédéral qui, lui, est pénalisant, n’est pas cohérent», estime Nathalie Fontanet, vice-présidente de la CDF.

La conseillère d’Etat genevoise en charge des Finances ajoute que le «splitting» intégral ou partiel adopté par de nombreux cantons, qui consiste à diviser par deux le revenu total du couple pour calculer l’impôt, est l’un des outils permettant déjà de réduire la charge fiscale pour les couples mariés.

La CDF estime que la Confédération devrait plutôt appliquer de tels correctifs au niveau de l’impôt fédéral.

C’est indéfendable, en 2023, de maintenir des inégalités de traitement sur le simple fait que vous êtes marié.e ou non.

Johanna Gapany, conseillère aux Etats (PLR/FR)

«Seul un système transparent et moderne comme l’imposition individuelle à tous les niveaux est la solution la plus durable. C’est indéfendable, en 2023, de maintenir des inégalités de traitement sur le simple fait que vous êtes marié.e ou non», répond la conseillère aux Etats Johanna Gapany»(PLR/FR).

Lourde perte

Autre point de crispation pour les cantons: le passage à l’imposition individuelle pourrait leur coûter très cher. Berne prévoit une baisse des recettes d’environ un milliard de francs, dont un manque à gagner de 200 millions pour les cantons. Les administrations cantonales devront également traiter 1,7 million de déclarations en plus.

«Le projet de la Confédération augmente la complexité du système pour les contribuables comme pour les autorités et paraît difficilement soutenable financièrement pour les cantons», lance Nathalie Fontanet. Pour la vice-présidente de la CDF, si le Conseil fédéral poursuit sur cette voie, il devra approfondir la seconde variante du projet.

À l’heure où la recherche de main-d’œuvre est un véritable défi pour de nombreuses branches, c’est une opportunité à ne pas manquer.

Johanna Gapany, conseillère aux Etats (PLR/FR)

«Cette estimation est statique et ignore totalement l’augmentation des recettes fiscales via l’augmentation du temps de travail. Selon l’étude de l’institut Ecoplan, on peut s’attendre à 40’000 à 60’000 postes à plein-temps en plus. À l’heure où la recherche de main-d’œuvre est un véritable défi pour de nombreuses branches, c’est une opportunité à ne pas manquer», rétorque Johanna Gapany.

La procédure de consultation du projet du Conseil fédéral est ouverte jusqu’au 16 mars.

Imposition individuelle des couples mariés: une majorité de partis n’en veut pas

La procédure de consultation sur le projet d’imposition individuelle s’est achevée jeudi. La majorité des partis rejette la nouvelle loi. Seuls le PLR et les Vert’libéraux la soutiennent.