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Le trésor nazi de Cornelius Gurlitt légué aux Beaux-Arts de Berne

La collection extraordinaire d'oeuvres d'art de Cornelius Gurlitt, dont certaines toiles ont été volées à des juifs sous le nazisme, ont été léguées au Musée des Beaux-Arts de Berne, un jour après le décès du Munichois.

07 mai 2014, 16:34
Le Musée des Beaux-Arts de Berne hérite d'une collection hors normes.

Le Musée des Beaux-Arts de Berne hérite de l'inestimable collection d'oeuvres d'art de l'octogénaire allemand Cornelius Gurlitt, décédé mardi. Parmi les 1400 toiles découvertes à son domicile figurent des centaines de pièces soupçonnées d'avoir été volées à des juifs sous le nazisme.

Pour le directeur du Kunstmuseum de Berne Matthias Frehner, cette nouvelle qualifiée de tout à fait inattendue a provoqué l'étonnement général. L'octogénaire et l'institution bernoise fondée en 1879 n'ont en effet jamais entretenu la moindre relation. Le musée a été informé mercredi par un message téléphonique et écrit de l'avocat de Cornelius Gurlitt.

Plusieurs centaines de toiles

La fondation de droit privé du Musée des Beaux-Arts est le légataire universel du collectionneur allemand. Plus de 1400 oeuvres d'art avaient été trouvées l'année dernière au domicile munichois de l'octogénaire, fils d'un marchand d'art au passé trouble sous le IIIe Reich.

Le conseil de fondation et la direction du musée ont déclaré qu'ils éprouvaient un sentiment de reconnaissance. Mais dans la foulée, ils ont ajouté qu'ils ne pouvaient pas cacher que ce legs, d'une valeur de plusieurs millions de francs, leur imposait une responsabilité considérable et leur posait toute une série de questions, notamment de nature juridique et éthique.

Temps de réflexion

Pour le moment, le Musée des Beaux-Arts, par ailleurs le plus ancien musée suisse offrant une collection permanente, explique qu'il n'est pas en mesure de prendre une position concrète et factuelle avant d'avoir consulté les documents et d'avoir pris contact avec les autorités.

L'Office fédéral de la culture (OFC) estime pour sa part que chaque toile doit faire l'objet d'un examen afin de déterminer si elle a été dérobée par les nazis ou non. "Les directives de la Déclaration de Washington préconisent de trouver des solutions justes et équitables pour les oeuvres d'art confisquées par les nazis", a précisé l'office à l'ats.

La Confédération attentive

La Confédération prêtera attention à ce que l'exécution de l'héritage se déroule conformément aux normes nationales et internationales, assure l'OFC. La Suisse a de toute façon signé en 1998 la Déclaration de Washington sur la restitution de l'art volé par les nazis.

Autre problème potentiel, le transfert de la collection d'Allemagne en Suisse pourrait tomber en porte-à-faux avec la loi allemande sur la protection contre l'exode du patrimoine culturel. Cette législation prescrit que les oeuvres figurant dans le répertoire national ne peuvent être transportées hors du pays sans autorisation officielle.

Loi allemande

Les Länder allemands décident quelles pièces méritent d'entrer dans ce registre. Certaines oeuvres de la collection Gurlitt pourraient éventuellement être concernées, selon l'expert allemand en droit des successions Anton Steiner. Le ministère bavarois de l'art a d'ailleurs déclaré vouloir examiner la signification de la collection pour le patrimoine allemand.

La justice bavaroise procédera par ailleurs à une autopsie du corps de l'octogénaire. Le Ministère public compte identifier la cause de la mort avec certitude. Il désire clarifier la question d'une intervention éventuelle de tiers, même s'il n'y a pour l'heure aucune information en ce sens.

Cornelius Gurlitt était un vieillard isolé qui vivait dans un appartement munichois au milieu de toiles de maîtres tels que Chagall, Matisse, Picasso, Cézanne ou Renoir. Il avait été propulsé malgré lui sous les projecteurs des médias du monde entier après la révélation par la presse de la découverte de son "trésor".

Oeuvres volées aux juifs

L'affaire avait relancé le débat sur la restitution des oeuvres dérobées aux juifs sous le IIIe Reich. Début avril, M. Gurlitt avait conclu un accord avec l'Etat allemand pour restituer les peintures spoliées par les nazis à leurs ayants droit. Les 590 oeuvres concernées devaient cependant être identifiées dans un délai d'un an.

Pendant des décennies, Hildebrand Gurlitt, père de Cornelius, avait pu circuler sans encombre entre l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse pour faire commerce des oeuvres de grands maîtres.

Le ministre de la Propagande du IIIe Reich, Joseph Goebbels, avait chargé Hildebrand Gurlitt de vendre à l'étranger les oeuvres d'art "dégénéré" saisies afin d'enrichir l'Etat allemand. Hildebrand Gurlitt avait vendu certaines de ces oeuvres à son profit et avait indépendamment acheté des oeuvres à des marchands d'art juifs contraints de s'en séparer.

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