Pour l’UDC et le Valaisan Jean-Luc Addor qui porte le sujet, «nous avions cessé de considérer notre armée comme une priorité et la guerre en Ukraine a mis fin à nos illusions». Face à l’invasion russe, la droite a plaidé l’urgence. Convaincue que la sécurité de la Suisse ne s’est pas dégradée avec ce conflit, la gauche a demandé le temps de la réflexion.

A la fin, sans surprise et par 111 voix contre 79, le Conseil national a décidé d’augmenter progressivement le budget de la défense dès 2023. Sous réserve de l’approbation des sénateurs, qui semble acquise, les dépenses militaires du pays devraient donc atteindre 1% du Produit intérieur brut (PIB) en 2030.

1. Moderniser les forces terrestres

Plus ou moins unanimes, les parlementaires soutiennent les priorités définies par la conseillère fédérale Viola Amherd et son département. Ces prochaines années, la Confédération investira dans la cyberdéfense, l’armée de l’air, et la défense anti-aérienne. Si l’avion de combat américain F-35 reste menacé par une initiative de la gauche, ces projets bénéficient d’ores et déjà de financements.

Alors que fera l’armée de ces deux milliards supplémentaires chaque année? Tout indique que cet argent servira à accélérer la modernisation des forces terrestres. Pour le centriste schwytzois Aloïs Gmür, «il nous faut des lance-mines, des vestes de protection et des véhicules de transport». D’autres parlementaires de droite parlent d’artillerie et de chars d’assaut. Le Vert’libéral genevois François Pointet s’agace: «L’armée doit être modernisée, mais ressortir les vieux chars Léopards de la cave, ça m’interloque.»

Avec des moyens supplémentaires, nous pourrons combler nos lacunes en modernisant des systèmes déterminants plus tôt que prévu.

Viola Amherd, conseillère fédérale

Pour plusieurs parlementaires de gauche, personne ne sait ce que l’armée fera de cet argent. Pour la socialiste soleuroise Franziska Roth, «nous partons faire les courses sans liste».

En prenant l’exemple des mortiers «Cobra», développés par la société suisse Ruag, Viola Amherd conteste: «Nous avons une planification des acquisitions qui correspond aux menaces que nous avons identifiées.» Elle insiste: «Avec des moyens supplémentaires, nous pourrons combler nos lacunes en modernisant des systèmes déterminants plus tôt que prévu.»

2. Deux milliards sans taxes, ni coupes

Pour Jean-Luc Addor, «notre sécurité mérite bien une partie des moyens que nous avons mis pour lutter contre la pandémie». Hier, personne n’a dit où la Confédération trouvera ces fameux deux milliards annuels. A la fois membre des commissions de la sécurité et des finances, Aloïs Gmür soutient que l’argent ne sera pas un problème: «Nous prévoyons des excédents de recettes dans nos prochains budgets».

Selon Viola Amherd, «il n’y aura ni taxes, ni coupes, et personne ne souffrira de cette augmentation». Ce discours irrite les Verts et Fabien Fivaz. Pour le Neuchâtelois, «il n’est pas sérieux d’augmenter le budget de l’armée sans préciser où nous allons trouver l’argent, parce que les dépenses sont toujours compensées ailleurs». Selon lui, «des projets importants seront abandonnés si nous investissons nos excédents dans des chars plutôt que dans l’agriculture, la recherche ou le climat».

3. La Suisse se rapproche de l’Otan

Souvent jugée moribonde avant la guerre en Ukraine, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) revit. En Suisse, une majorité se dessine pour s’en rapprocher sans l’intégrer.

Ces derniers jours, le président du PLR, Thierry Burkart, et son chef de groupe, Damien Cottier, ont tous les deux signé des tribunes pour plaider cette cause déjà chère à la droite. «Nous pouvons et devons collaborer plus étroitement avec l’Otan. Mais une participation militaire ou une adhésion sont hors de question parce qu’elles ne seraient pas compatibles avec notre neutralité», détaille la Vaudoise du même parti, Jacqueline de Quattro.

L’Otan est à la fois notre parapluie nucléaire et notre meilleure protection contre les chars russes.

Pierre-Alain Fridez, conseiller national jurassien (PS)

Pour le socialiste Pierre-Alain Fridez, «notre sécurité s’est améliorée depuis qu’elle s’est réveillée». Le Jurassien a pour coutume de dire que «nous sommes les passagers clandestins de l’Otan».

En affirmant que «nous sommes entourés de pays amis qui partagent nos valeurs démocratiques», il considère que l’Otan constitue à la fois «notre parapluie nucléaire et notre meilleure protection contre les chars russes». Pour cette raison, il soutient lui aussi un renforcement des collaborations entre la Suisse et la plus grande armée du monde.

4. Pas d’armes pour l’Ukraine

Dimanche, le président du Centre a brisé un tabou. Gerhard Pfister s’est prononcé en faveur de la livraison de matériel de guerre suisse à l’Ukraine. Quelques heures plus tard, le conseiller fédéral Guy Parmelin lui répondait face aux caméras de la RTS, en rappelant que le gouvernement avait souhaité disposer d’une marge de manœuvre et qu’elle lui avait été refusée: «Cette discussion a eu lieu en septembre 2021 et le Centre n’est pas entré en matière. Je m’étonne que ce parti demande à rouvrir le débat aujourd’hui.»

Dans les pas perdus, le Vaudois Roger Nordmann s’amuse des déclarations du Zougois: «Il a fumé la moquette.» Le chef du groupe socialiste estime à la fois que le centriste ignore les engagements internationaux de la Suisse, et qu’il «se prend pour le président de la CDU», le parti conservateur allemand qui plaide pour des envois d’armes lourdes en Ukraine.

Au nom de la neutralité, l’UDC ou le PLR ne sont pas non plus favorables à l’envoi d’armes en Ukraine. Sur ce sujet, Gerhard Pfister semble très isolé. Même dans son parti, plusieurs parlementaires refusent de le suivre. «Il a fait cette proposition pour lancer le débat», rassure la Fribourgeoise Marie-France Roth-Pasquier.

Membre de la présidence du Centre, elle reprend toutefois l’un des arguments avancés par son président: «La Suisse envoie des armes à l’Arabie saoudite qui combat au Yémen. Pourquoi ne pourrait-elle pas le faire avec l’Ukraine?» s’interroge-t-elle.

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