«C’est la loi!», se sont exclamés les «Verts», partisans de l’avortement, tard dans la nuit de Buenos Aires, devant le Congrès, alors que les «Bleus», opposés à l’IVG, se lamentaient. Par 38 voix pour, 29 contre et une abstention, le Sénat a adopté le projet de loi légalisant l’avortement gratuit jusqu’à 14 semaines de grossesse, après un long et passionné débat de douze heures.

Le pays du pape François rejoint ainsi Cuba, l’Uruguay, le Guyana et la province de Mexico dans une région très conservatrice en la matière. Le souverain pontife avait tweeté, mardi: «Le fils de Dieu est né rejeté pour nous dire que toute personne rejetée est un enfant de Dieu.» Ce qui a été interprété par la presse argentine comme un soutien aux «Bleus». Cette loi avait été adoptée par les députés le 11 décembre. Elle remplace le texte de 1921, qui autorisait l’avortement en cas de viol ou de danger pour la santé de la mère.

En 2018, la même loi avait été rejetée par le Sénat, à sept voix près. Le sujet a divisé au sein même des partis. Cette légalisation de l’avortement était une promesse de campagne du président Alberto Fernandez, qui a déclaré: «Je suis catholique, mais je dois légiférer pour tous, c’est un sujet de santé publique.»

Il est temps d’en finir avec cette injustice.

Luis Naidenoff, leader des sénateurs de la coalition de l’opposition, Juntos por el cambio

Jose Mayans, le chef des sénateurs de la coalition présidentielle, Frente de todos, a exprimé son rejet déterminé du texte examiné par le Sénat: «L’Etat ne peut pas se dédouaner et dire ‘Fais ce que tu veux, si tu veux le tuer ou pas’.» Luis Naidenoff, le leader des sénateurs de la coalition de l’opposition, Juntos por el cambio, expliquait, lui, son soutien à la loi: «Il est temps d’en finir avec cette injustice.»

De 370 000 à 520 000 IVG par an

Anabel Fernandez, membre de la coalition présidentielle, défendait la loi en ces termes: «Le plus facile, c’est de regarder ailleurs. Mais les avortements existent, existeront et vont continuer à exister. Les femmes avortent. Et certaines ont le pouvoir de payer un lieu sûr pour ne pas être sanctionnées», pendant que d’autres risquent leur vie en avortant dans des conditions sanitaires dangereuses.

Selon le gouvernement argentin, de 370 000 à 520 000 interruptions de grossesse sont pratiquées, chaque année, dans ce pays de 44 millions d’habitants, et 38 000 femmes doivent être hospitalisées des suites de ces interventions. Près de 2350 filles de 10 à 14 ans y accouchent chaque année. Les avortements clandestins ont tué 3040 femmes argentines depuis trente ans.

Mais les avortements existent, existeront et vont continuer à exister.

Anabel Fernandez, membre de la coalition présidentielle

La vice-présidente et ancienne cheffe de l’Etat, Cristina Fernandez de Kirchner, s’est félicitée du vote du Sénat: «C’est devenu une loi, et cela passe désormais dans les mains de l’exécutif.» Longtemps opposée à l’avortement, elle avait finalement voté en tant que sénatrice en faveur de l’IVG en 2018, après «avoir été convaincue par ma fille», avait-elle expliqué.

En Argentine, la mobilisation en faveur du droit à l’avortement n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis 2010. De nombreux cas d’enfants, d’adolescentes ou de femmes adultes poursuivies après avoir avorté ont choqué les Argentins. L’histoire de Belen, 25 ans, avait particulièrement retenu l’attention des médias. Habitante de Tucumán, dans le nord du pays, la jeune femme avait fait une fausse couche peu après son arrivée à l’hôpital, selon le corps médical. Arrivée pour des douleurs abdominales, elle avait été orientée vers le service gynécologique, qui n’avait pu que constater la perte de son fœtus de 22 semaines. Belen ne savait pas qu’elle était enceinte. Des membres du personnel médical l’avaient dénoncée à la police, qui l’avait arrêtée. Condamnée pour homicide à huit ans de prison, le 19 avril 2016, la jeune femme a été libérée en mars 2017, après avoir passé deux ans en prison.

PAR PATRICK BÈLE

Manifestation: plus de 500 militants anti-avortement défilent à Oerlikon (ZH)

Une manifestation de plus de 500 personnes a eu lieu à Oerlikon, dans le canton de Zurich. Ils encouragent à inciter les jeunes mères à garder leur enfant au lieu de demander l’avortement.