Le sandwich à 9,50 francs, les pâtes à 2,50 francs les 500 grammes, l’essence à près de 2,10 francs le litre sont des réalités difficiles mais dont l’irruption dans le paysage ces dernières semaines est un fait désormais reconnu. Mais l’histoire de la hausse des prix n’est pas terminée. De nouvelles mauvaises surprises, encore plus désagréables, sont devant nous et vont entamer davantage encore le porte-monnaie des citoyens-consommateurs au cours de cette année.

Jusqu’ici, la hausse des prix en Suisse a surtout touché les produits alimentaires et les énergies fossiles. Les causes principales sont connues: le fort redémarrage de l’économie au début 2021 a provoqué des engorgements dans les chaînes d’approvisionnement, qui ont renchéri les prix de certains biens industriels comme les semi-conducteurs ainsi que les coûts de transport. Puis ils ont tendu les prix du pétrole et du gaz.

Enfin, l’éclatement de la guerre en Ukraine le 24 février a accentué l’effet de rareté sur les céréales tandis que les sanctions et promesses de sanctions européennes et américaines sur le pétrole, le charbon et surtout le gaz russe ont fait exploser les prix jusqu’à un facteur de quatre.

Biens importés

Le communiqué de l’office fédéral de la statistique de jeudi dernier sur le renchérissement en avril expose très clairement cette réalité. Dans l’ensemble, les prix à la consommation en Suisse ont augmenté de 2,5% en une année, soit le niveau le plus élevé depuis la crise financière il y a près de quinze ans. Dans le détail, cette hausse est surtout celle des biens importés: leur hausse atteint 6,6%, alors que celle des prix des produits indigènes se limite à un modeste 1,2%.

Et encore, ces hausses sont-elles modérées par la force du franc: Selon une présentation d’Andréa Maechler, membres du directoire de la Banque nationale suisse (BNS), mercredi dernier à Lausanne, cette force a contribué à éviter que la Suisse connaisse des taux comparables à ceux des pays proches: 4,8% en France, 7,4% en Allemagne et même 8,7% aux Etats-Unis.

Dans le monde, seuls le Japon, la Chine et l’Arabie saoudite connaissent des renchérissements moindres. La plupart des prévisions – notamment celles du SECO, de l’institut de recherches conjoncturelles KOF et de la BNS – affirment même que la hausse des prix devrait ralentir ces prochains mois après avoir atteint un pic ce printemps.

Beaucoup d’inconnues

Le futur proche risque fort de ne pas répondre à ces espoirs et d’assister, au contraire, à une accélération du renchérissement. Lors de sa présentation de mercredi dernier, Andréa Maechler a averti que la situation était plombée de nombreuses incertitudes, à commencer par la capacité de l’Europe – donc, de la Suisse – à se passer de pétrole et de gaz russe sans provoquer une explosion de la facture de l’énergie, ainsi que par les coûts engendrés par l’accélération de la transition énergétique qui en découle.

«L’évolution des prix de matières nécessaires à cette transition, comme le cobalt ou le lithium, ainsi que le temps nécessaire à la réalisation de cette transition génèrent des inconnues qui exercent un impact sur la dynamique d’inflation», a-t-elle précisé.

Il est très probable en effet que l’inflation s’accélère ces prochains mois.

Fabrizio Quirighetti, stratège chez Decalia Asset Management

«Il est très probable en effet que l’inflation s’accélère ces prochains mois», explique, plus clairement, Fabrizio Quirighetti, stratège chez Decalia Asset Management à Genève. Et d’anticiper un taux dépassant 3% en rythme annuel, identique, voire supérieur, au pic atteint juste avant la crise financière. Les raisons sont multiples. D’abord, les prix du pétrole et du gaz ne montrent aucun signe de baisse.

Au contraire, la perspective de durcissement des sanctions, par exemple un embargo total sur les importations de gaz russes les poussent encore vers le haut sur les marchés internationaux. Le baril de brut de la mer du Nord est repassé en dessus de 110 dollars vendredi tandis que le prix du gaz atteint des nouveaux sommets, 2,7 fois plus haut qu’en début d’année.

Franc pas si fort

Ensuite, poursuit l’économiste, le franc ne protège pas si bien que cela l’économie suisse: il s’est certes apprécié de 4% environ face à l’euro depuis le début de l’année, mais il a baissé, pendant le même temps, de plus de 6% face au dollar. Or, c’est en billets verts que se négocie le pétrole.

La facture pour les Suisses s’en trouve ainsi alourdie. Confrontées à une accélération de la hausse de leurs coûts, les entreprises sont toujours plus tentées de reporter ces derniers sur leurs clients, contribuant ainsi au renchérissement. Sauf que cette fois-ci, ce dernier n’est plus importé mais indigène.

Un autre facteur domestique va y contribuer, les hausses attendues des salaires. Que ce soit sous la contrainte des conventions collectives ou tout simplement pour conserver leur attractivité sur un marché du travail tendu, les entreprises se disent prêtes, dans leur grande majorité, à accroître leurs rémunérations. Un sondage du KOF rendu public vendredi indique que cette hausse devrait atteindre 1,6% en moyenne et a le plus de chances de survenir en décembre.

Réactions en chaîne

Certains secteurs d’activité disent vouloir se montrer plus généreux avec des hausses envisagées de 2%. L’on y trouve comme d’habitude les services financiers et les technologies de l’information, des habituées des hausses salariales.

Mais aussi des professions jusqu’alors négligées: l’hébergement, l’entreposage, l’industrie du bois… autant de professions qui font l’objet de grandes pénuries et voient donc les employés potentiels soudainement fort courtisés par les entreprises. Or, des hausses de salaires contribuent au maintien du pouvoir d’achat, et donc à la hausse des prix.

Enfin, les hausses présentes vont en engendrer de nouvelles: la hausse des prix de l’énergie va faire monter les prix de l’électricité; celle des taux hypothécaires va se répercuter sur les loyers, faisant remonter ceux-ci. Sans oublier, bien sûr, la hausse des primes d’assurance maladie qui s’esquisse entre 5 et 8% pour l’année prochaine.

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