Les partisans de la naturalisation facilitée des petits-enfants d'immigrés ne s'y attendaient pas: le peuple a plébiscité le projet à plus de 60% dimanche, ainsi que dix-neuf cantons. C'est avant tout une victoire sur la campagne agressive et biaisée des opposants. Grande perdante, l'UDC prend acte mais exige une vigilance accrue de la part des autorités.
"C'est une grande joie et une grande satisfaction pour moi aujourd'hui", a déclaré Ada Marra (PS/VD), à l'origine du projet, sur le plateau de la RTS. Elle se réjouit surtout que la majorité des cantons aient eux aussi accepté le projet, chose à laquelle elle ne s'attendait.
"Je suis sans mot, j'avais préparé mon discours en pensant que la population dirait "oui" et les cantons "non"", a-t-elle ajouté en souriant. Même son de cloche du côté de son collègue valaisan de parti, Mathias Reynard: "Nous étions très inquiets de l'issue du vote dans les cantons".
Il s'agit d'une grande victoire, car cela montre qu'on ne peut pas tout mélanger, a souligné la conseillère nationale en faisant référence à l'affiche de l'UDC montrant une femme en niqab. Mathias Reynard abonde dans ce sens. Selon lui, le vote "montre que la campagne des opposants n'a pas marché".
Campagne "scandaleuse"
Comme Ada Marra, Guillaume Barazzone (PDC/GE) s'en est vivement pris à la campagne "scandaleuse" de l'UDC, dont l'affiche controversée a "jeté l'opprobre sur une partie de la population".
Attaqué à ce sujet et l'un des principaux opposants au projet, Jean-Luc Addor (UDC/VS) rétorque qu'elle n'a pas eu un rôle décisif dans la campagne. Elle a plutôt permis de lancer véritablement le débat. Reste que l'islam est une vraie question dans le débat sur la naturalisation, qui concerne l'identité, souligne le député.
Ils ont aussi cru la promesse des promoteurs qu'il y aurait des contrôles sous forme d'auditions personnelles, a ajouté le Valaisan. Mais il a des doutes à ce sujet; des cantons ont tendance à renoncer à ces auditions, même pour les naturalisations ordinaires.
Echec cuisant
Du côté des opposants, principalement composé d'élus UDC, l'échec est cuisant. Le parti agrarien "prend acte" mais continue d'avoir de "sérieux doutes" sur l'intégration des petits-enfants d'immigrants: l'UDC observe que "la majorité des attaques terroristes en Europe ont été précisément commises par des immigrants musulmans de la deuxième et de la troisième génération".
L'UDC attend de la Confédération, des cantons et des communes qu'ils vérifient avec "la plus grande circonspection" le respect des exigences en termes d'intégration une fois la loi révisée en vigueur.
Les opposants ne comptent pas rester les bras croisés. Andreas Glarner (UDC/AG), chef de la campagne du "non", va déposer une motion demandant que les personnes qui souhaitent se naturaliser soient obligées de renoncer à leur ancienne nationalité.
Victoire d'étape
Dans le camp du "oui", si tous l'accueillent avec satisfaction, certains estiment toutefois que la naturalisation facilitée ne va pas assez loin. Selon le mouvement progressiste Opération Libero, "cette votation n'est qu'un petit pas". Stefan Egli, de l'association, s'est dit soulagé mais juge qu'"il y a encore un long chemin vers un droit citoyen libéral en Suisse".
Idem chez les Verts, qui parlent d'une "victoire d'étape". Le parti plaide pour une naturalisation facilitée ouverte à d'autres groupes d'étrangers. De plus, les autorités fédérales, cantonales et communales doivent désormais informer de manière proactive les "tertios" de leurs nouvelles possibilités.
Pour le conseiller national neuchâtelois Denis de la Reussille (POP), il faut, après ce succès, se battre pour d'autres mesures en faveur de l'intégration des étrangers, comme le droit de vote aux niveaux communal ou cantonal.