L'écrivain Gaston Cherpillod est décédé à l'âge de 86 ans, a annoncé sa famille mercredi. Le Vaudois, qui se définissait lui-même comme un "mouton noir", était le seul Romand à avoir mené de pair oeuvre littéraire et engagement politique dans la gauche radicale.
Gaston Cherpillod est né le 24 octobre 1925 à Lausanne, d'un père tailleur de pierres d'horlogerie et d'une mère servante de ferme. Rien ne le destinait aux études. Son instituteur pousse son père à l'envoyer au Collège classique, puis au Gymnase et à l'Université de Lausanne, où il obtient une licence ès Lettres en 1950.
Issu d'un milieu qui n'a jamais eu accès à la parole littéraire, le jeune homme est incapable d'adhérer aux valeurs de la bourgeoisie vaudoise. Son premier livre ("Le Chêne brûlé", 1959) se fait remarquer par une critique sociale véhémente et la vigueur d'une langue qui mêle le style noble et les termes argotiques.
De 1951 à 1983, Gaston Cherpillod enseigne et écrit, tout en se consacrant à la politique. Un engagement fréquent chez les écrivains alémaniques, mais dont il était l'unique représentant chez les Romands. Il disait d'ailleurs entretenir "de bons rapports avec des collègues suisses allemands".
Exil en France
Le Vaudois entre au Parti ouvrier populaire (POP) en 1953, année de la mort de Staline. Il le paiera cher: écarté de l'enseignement secondaire vaudois, il s'exile au Locle (NE), puis, en 1957, dans le sud de la France. Il démissionne du POP en 1960, lassé du discours monolithique et du peu de cas qu'on y fait de l'écriture.
Il continue toutefois à siéger aux conseils communaux de Lausanne et de Renens. Sous les couleurs d'Alternative socialiste verte, il est candidat au Conseil d'Etat vaudois en 1986, où il obtient 9,4% des voix, et aux élections fédérales de 1987. "Le peuple vaudois n'a même pas voulu de moi au Grand Conseil", plaisantait-il.
"On ne sait pas ce qu'est un écrivain en Suisse romande, on n'admet pas le rôle de bouffon du roi ou de moraliste", déplorait-t-il. Et d'ajouter: "Après l'effondrement de la gauche radicale, une pensée utopique est à remettre d'urgence sur pied. Il n'y a pas de gauche aujourd'hui, seule subsiste une dévotion au système marchand."
Acte de lutte
Pour Gaston Cherpillod, l'acte d'écrire était l'occasion de manifester son indignation face à l'injustice. Auteur de romans et de récits ("Le Gour noir", "Le collier de Schanz", "La Nuit d'Elne", "Les changelins") et d'une pièce de théâtre ("Les avatars de Juste Palinod"), il a aussi écrit des essais, notamment sur Charles Ferdinand Ramuz ou Jules Vallès.
En 1995, il publie deux ouvrages, "Le Maître des Roseaux", des nouvelles, ainsi qu'une réédition du "Gour Noir". "Le cloche de minuit" suit en 1998.
Anti-héros
Dans ses oeuvres, la critique sociale se mêle aux thèmes de l'amour, de la mort ou de la quête de soi. Face aux dominants arrogants et stupides, le héros - ou anti-héros - cherpillodien est un homme sans lieu, au statut instable, trop lucide pour jouer un rôle dans la tragicomédie sociale et trop généreux pour s'en abstenir totalement.
Les traits autobiographiques sont omniprésents. Comme l'auteur, plusieurs de ses héros trouvent un refuge à la désespérance dans le détachement procuré par des émotions simples: traquer la morille dans les sous-bois ou taquiner la truite et le brochet.
"L'affreux des Lettres romandes", selon ses termes, n'était pas un habitué des honneurs. Il avait tout de même été récompensé du prix de la Fondation Schiller en 1976 et 1986, ainsi que du Prix des Ecrivains vaudois en 1992 pour l'ensemble de son oeuvre.
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L'écrivain vaudois Gaston Cherpillod décède à l'âge de 86 ans
Ecrivain et engagé politiquement dans la gauche radicale, le Vaudois Gaston Cherpillod est mort à 86 ans.

L'écrivain vaudois Gaston Cherpillod est décédé ce mercredi à l'âge de 86 ans.
KEYSTONE
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