Dans le monde du travail, les inégalités entre les femmes et les hommes ont encore la dent dure. D’un côté, les femmes vaudoises se forment toujours plus. Elles sont 31% à détenir une formation de degré supérieur, contre 29,5% des hommes. Et de l’autre, elles restent minoritaires dans les postes à responsabilités et de direction.

Et cette situation ne s’améliore pas au fil des années. Depuis vingt ans, ce sont toujours moins de 25% des femmes qui occupent des hautes fonctions, contre 41% des hommes.

Pourquoi les femmes s’avèrent-elles minoritaires dans les postes à responsabilité? Il n’existe pas d’explications simples. Mais plusieurs éléments peuvent apporter des clés de compréhension à cette situation.

Tout d’abord l’effet de génération. «Aujourd’hui, il est vrai que les femmes sont davantage formées qu’avant. Mais les personnes qui occupent des fonctions de cadres sont généralement des hommes de 40-50 ans. Avec un peu de temps, il est possible que ces personnes seront ensuite remplacées par les nouvelles générations qui comportent davantage de femmes», explique Franciska Krings, professeure à HEC Lausanne et spécialiste des discriminations au travail, entre autres.

Le temps partiel ralentisseur de carrière

Autre facteur et non des moindres, le temps partiel. Cette possibilité de travailler à temps réduit s’avère une spécificité suisse que l’on ne retrouve pas à l’étranger. «Il est intéressant de relever que le temps partiel concerne une majorité de femmes, mais très peu d’hommes», soulève Franciska Krings. «Le choix du temps partiel a un impact direct sur le parcours professionnel qui se voit ainsi freiné», souligne la Nyonnaise Maribel Rodriguez, directrice du Bureau de l’égalité vaudois.

Élément ralentisseur de carrière, le temps partiel réduit les chances, pour une femme comme pour un homme, d’obtenir un poste à responsabilité, car les fonctions de direction demeurent à 100%.

Le patron est un homme

Autre raison qui explique que les femmes n’accèdent pas aux fonctions de direction: les stéréotypes de genre. Ces derniers sont bien ancrés dans le monde professionnel. «Les compétences de leadership, de prise de décision, de logique et de rationalité restent, dans l’imaginaire collectif, des attributs masculins. Par extension, les postes à responsabilités demeurent l’apanage des hommes», explique Franciska Krings. «Les métiers ont un sexe, ajoute Maribel Rodriguez. Le poids de l’influence de notre société et de ses stéréotypes dans nos choix individuels est plus important que ce que l’on pense.»

Christophe Reymond, directeur du Centre Patronal n’est pas surpris par les statistiques, mais tient à y apporter de la nuance. Le rapport entre les femmes et les hommes dans les postes à responsabilité augmente avec la taille de l’entreprise. «La répartition des genres dans les fonctions directoriales varie fortement selon la taille des entreprises. Dans les plus grandes, cotées en Bourse, la part des femmes aux postes de direction est certes en augmentation mais reste aux alentours de 20%. La situation est différente dans les PME, et plus encore dans les très petites entreprises, de moins de dix collaborateurs, où 40% des postes directoriaux sont occupés par des femmes. Or il s’agit, et de loin, du type d’entreprises le plus répandu en Suisse. Pour celles-ci, on en arrive gentiment à une forme de parité», affirme Christophe Reymond.

Enfin, bien que les femmes détiennent de plus hauts degrés de formation, la réalité du marché du travail montre que ce ne sont pas toujours les universitaires qui sont promus chefs d’entreprise. «Une personne avec un brevet ou un diplôme fédéral de garagiste possède plus de chance de devenir responsable d’entreprise qu’une personne avec un master en lettres», argue Christophe Reymond. Cependant, le niveau d’éducation reste gage de la rémunération.

Revoir le modèle du travail

Pour remédier à cette situation, il existe des programmes de mentorat pour les femmes, entre autres. Mais il manque des exemples de représentation féminins afin que les futures cadres puissent s’identifier.

Il faut également revoir les modèles de travail et de répartitions des rôles au sein des couples. «Les jeunes générations aspirent à avoir plus de temps libre. Les hommes revendiquent de plus en plus des temps partiels dans le travail, mais ces demandes restent encore trop souvent mal perçues», explique Maribel Rodriguez. «Les hommes peuvent recevoir des réactions négatives s’ils quittent une réunion pour aller s’occuper de leurs enfants par exemple. Pour les femmes, en revanche, ce phénomène est totalement accepté», illustre Franciska Krings.

L’accueil extra-familial est nécessaire pour permettre aux femmes de faire carrière

Julie Maisenbacher, secrétaire centrale à l’Union syndicale suisse

Pour Julie Maisenbacher, secrétaire centrale à l’Union syndicale suisse et responsable du dossier sur l’égalité des genres, le prérequis pour voir davantage de femmes dans les hautes fonctions est une offre de places de crèche suffisante et abordable. «L’accueil extra-familial est nécessaire pour permettre aux femmes de faire carrière. Sans cela, il est difficile de réaliser une certaine forme d’égalité au travail.»

Enfin, la formule du partage d’emploi («job sharing», en anglais) qui consiste à ce que deux personnes à temps partiel se répartissent les tâches d’un poste usuellement rempli par une personne à 100%, émerge de plus en plus, et ce même au sein des grandes entreprises. Il s’agit d’une solution pour que les femmes puissent accéder à des fonctions à responsabilités sans devoir faire une croix sur leur vie de famille.

Les Vaudoises ne sont (toujours) pas cheffes d’entreprise

Les postes de direction ou à responsabilités restent l’apanage des hommes, quand bien même les femmes sont mieux formées que leurs homologues masculins. Explications.