Elever des perches ou des sandres dans des locaux agricoles inoccupés? C’était l’idée d’AquaMorges, qui devait permettre aux paysans de mettre un peu de beurre dans leurs épinards grâce à l’aquaculture. Une fois arrivés à maturité, les poissons auraient été transformés et commercialisés par une structure centralisée en misant sur des partenariats de proximité.

«L’idée de base, ce serait que si on remplace une écurie de dix vaches par deux bassins, à la fin de l’année, le revenu soit au moins équivalent, mais avec un peu moins de travail», expliquait Alain Lambercy, producteur de lait de gruyère à Montricher et agriculteur référent du projet, en 2020. Mais ça, c’était avant que le concept ne bute sur un problème de législation.

Renseignements pris auprès du Canton, il s’est avéré que l’aquaculture n’était pas conforme à l’affectation du sol. «La sainte zone agricole, c’est fait pour produire du lait, du cochon ou de la volaille, résume Alain Lambercy. Mais pas du poisson.»

De quoi stopper net AquaMorges, qui n’a jamais même demandé un permis de construire. «Avec les fermes qui faisaient partie du projet, il n’y avait pas de possibilité d’aller plus loin», note Geneviève Favre, responsable filières et projets chez Proconseil, une filiale de Prométerre, qui a piloté le dossier. L’enveloppe de 20'000 francs qui avait été octroyée par l’Office fédéral de l’agriculture afin de poursuivre les réflexions n’a donc jamais été utilisée.

La sainte zone agricole, c’est fait pour produire du lait, du cochon ou de la volaille. Mais pas du poisson.

Alain Lambercy, agriculteur référent du projet AquaMorges

L’aquaculture aurait-elle pu entrer dans la catégorie des activités accessoires non agricoles sans lien étroit avec l’entreprise? N’ayant jamais eu de dossier concret entre les mains, la Direction générale du territoire et du logement (DGTL) ne peut pas l’exclure. «Les conditions pour une autorisation sont cependant relativement difficiles à remplir car cette disposition vise plutôt des activités agritouristiques. Par exemple, l’élevage de poissons devrait être réalisé dans les bâtiments centraux de l’exploitation et le revenu généré par cette activité devrait être nécessaire pour la survie de l’entreprise agricole», indique toutefois Patrick Genoud, responsable de la communication.

Selon Geneviève Favre, cette démarche n’aurait sans doute pas abouti dans le cas d’AquaMorges: «Cela aurait été difficile à prouver. Il s’agissait d’exploitations qui fabriquent du lait dans la filière du gruyère, qui est considérée comme bonne et comme apportant de la valeur ajoutée.»

Tout espoir n’est pas perdu

Tout espoir n’est toutefois pas perdu de voir un jour des paysans se mettre à élever des poissons sur sol vaudois, comme cela se fait déjà dans d’autres cantons. Ce d’autant que la Haute Ecole des sciences agronomiques, forestières et alimentaires à Zollikofen a créé un centre de recherche dans le domaine de l’aquaculture. Chez Prométerre, on entend s’appuyer sur ce pôle de compétences afin d’informer sur le sujet et, pourquoi pas, de susciter de nouvelles vocations.

«Il faudrait que des agriculteurs manifestent de l’intérêt et qu’ils déposent des projets concrets auprès du Canton, note Geneviève Favre. C’est sur cette base-là que le Canton pourra définir sa politique en la matière afin qu’une porte puisse finir par s’ouvrir.» La DGTL pourrait notamment examiner la faisabilité d’une zone spéciale hors zone à bâtir, ce qui n’a pas été fait jusque-là.

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AquaMorges devait permettre à des agriculteurs d’élever des poissons dans des locaux agricoles inoccupés. Mais un problème légal a contrecarré ces plans.