On est loin du cadeau empoisonné, mais ce n’est pas non plus un miracle de Noël pour Morges. A la suite d’une récente décision du Tribunal fédéral, Monsanto va devoir rattraper dix ans d’impôts dans le canton de Vaud, soit plus de 34 millions de francs.

Morges: Monsanto condamné à verser 35 millions d’impôts

Une manne qui va profiter à l’Etat, mais également à La Coquette qui, jusqu’en 2020, hébergeait la multinationale sur son territoire. Au final, la somme devrait toutefois s’avérer bien moins dodue, pour les Morgiens, que ce que la situation pourrait laisser imaginer.

Un départ précoce de Morges

Commençons par rappeler l’historique de ce dossier. En 2004, l’entreprise agrochimique américaine s’installe sur La Côte. Le canton lui octroie alors une exonération fiscale qui court jusqu’en 2014. Passé ce délai, l’arrangement prévoit que la société devra encore demeurer durant dix ans au moins sur sol vaudois, sous peine de devoir rembourser les impôts non payés. C’est la clause dite de «claw-back».

En 2018, le groupe allemand Bayer rachète Monsanto. Deux ans plus tard, la firme connue pour avoir commercialisé le très controversé herbicide Roundup quitte définitivement La Coquette pour délocaliser ses activités à Bâle. Soit bien avant l’échéance des fameux dix ans.

Le Tribunal fédéral désavoue les juges cantonaux

La réponse de l’Etat de Vaud ne se fait pas attendre. Les termes du contrat n’ayant pas été respectés, il veut récupérer l’argent non perçu entre 2004 et 2014. Monsanto fait recours et le Tribunal cantonal lui donne partiellement raison, estimant que le remboursement ne peut pas s’appliquer au-delà de 2010.

Le canton n’a toutefois pas dit son dernier mot et s’en remet au Tribunal fédéral. La semaine dernière, les juges de Mon-Repos sont allés dans son sens. Le groupe chimique devra bel et bien verser les près de 35 millions de francs en jeu.

Un jugement «spectaculaire»

Pour l’ex-député et avocat de Lussy-sur-Morges Raphaël Mahaim, le jugement de la cour suprême est pour le moins «spectaculaire». Dès 2019, alors que le déménagement de Monsanto était imminent, le Vert s’était inquiété de savoir si le Conseil d’Etat allait se donner les moyens de recouvrer les sommes exonérées durant dix ans.

«Le Tribunal cantonal avait estimé que la base légale était trop floue, ce que la gauche dénonce depuis toujours, explique-t-il. Par analogie, il a donc appliqué les règles légales sur le rappel d’impôt, qui ont été prévues pour tout autre chose. Or dans ce cas-là, la rétroactivité n’est possible que durant dix ans, au-delà il y a prescription.»

C’est de la pure optimisation fiscale, il n’y a aucune réflexion sur le tissu économique du pays.

Raphaël Mahaim ex-député Vert de Lussy-sur-Morges

Selon l’écologiste, il y avait «très peu de chances» que le Tribunal fédéral casse cet arrêt. «Evidemment que nous sommes soulagés, mais cela s’est joué à un cheveu, commente-t-il. On a vraiment eu très chaud!»

Raphaël Mahaim en reste convaincu: la clause de «claw-back» est bancale. «Ce type d’instrument fiscal ne devrait même pas exister pour ce genre de multinationales. C’est de la pure optimisation fiscale, il n’y a aucune réflexion sur le tissu économique du pays. Et ce qui s’est passé avec Monsanto montre à quel point c’est boiteux et les risques que l’on prend.»

Un contrat, c’est un contrat. Si vous ne le respectez pas, vous payez ce que vous devez.

Pascal Broulis ministre vaudois des finances

De son côté, le grand argentier vaudois Pascal Broulis ne peut que se réjouir de ce dénouement. «Toute notre politique de diversification est confirmée. Un contrat, c’est un contrat. Si vous ne le respectez pas, vous payez ce que vous devez, insiste-t-il. C’est un excellent signal pour le canton.»

Reste désormais à savoir quand les millions tomberont. Un point sur lequel Raphaël Mahaim se montre prudent: «Le jugement est incontestable mais Monsanto pourrait encore engager un bras de fer sur le recouvrement.»

Un tiers pour Morges, deux tiers pour le canton

Notre ministre vaudois des finances se dit, lui, beaucoup plus confiant: «Ils vont payer, il n’y a aucun risque. C’est une bonne nouvelle, tant pour le canton que pour la commune.»

A Morges, justement, combien devrait-on encaisser? Sur le papier, on parle d’un tiers du montant total, soit environ 10 millions de francs. Mais attention: la Ville devra inévitablement en rendre une grande partie.

Au final, La Coquette ne devrait pas garder grand-chose

«Le problème, c’est qu’on va recevoir cette somme d’un coup et que cela va être pris en compte dans le calcul de la péréquation. On aura une valeur du point d’impôts par habitant très élevée et, proportionnellement, on devra payer davantage», explique le municipal morgien des finances David Guarna. La Coquette ne devrait pas fixée sur la question avant au moins deux ans.

La commune ne se retrouvera certes pas dans une situation où elle devrait redonner davantage d’argent qu’elle n’en a perçu. «Il va rester quelque chose», assure David Guarna. L’élu estime toutefois qu’au final, Morges ne devrait conserver que 10% environ de cette manne.

Non, Morges ne touchera pas le jackpot grâce à Monsanto

La Coquette va certes encaisser une partie des 35 millions d’impôts non payés dus par le groupe chimique. Mais pas de quoi faire sauter la banque non plus.