Si les fins de mois sont de plus en plus difficiles pour les ménages suisses, les producteurs et agriculteurs locaux souffrent eux aussi de l’inflation. Les jeunes pousses, les tomates, les aubergines, les radis ou encore les épinards, le prix de ces plantons et semences a augmenté de 10% depuis le début de l’année dernière.

Et c’est sans compter la hausse des frais de transport de 30% à 50% et celui des engrais qui ont connu une envolée entre 50% et 200%. Pour Lorella Pfirter, maraîchère à Saint-Prex, cette situation impacte fortement son activité, mais surtout ses revenus.

Du côté de Longirod, Christian Rüfenacht, éleveur de vaches bio black angus rencontre lui aussi des augmentations de prix. Le bidon de minéraux qu’il donne à ses bêtes est par exemple passé de 32 francs à 44 francs. L’engrais bio qu’il utilise dans ses champs a également grimpé. «L’engrais employé par mes collègues agriculteurs conventionnels, est passé de 30 francs les 100 kg à 120 francs au début de la guerre en Ukraine. Il se situe maintenant à 70 francs», précise l’éleveur.

Guerre en Ukraine

Quelles sont les raisons de ces hausses? «Le prix des engrais se calque sur les cours du pétrole et du gaz. Dès l’automne 2021, ils ont crû et tout le reste a suivi. Le phénomène s’est accentué avec la guerre en Ukraine», relate Pierre-Yves Perrin, directeur de la Fédération suisse des producteurs de céréales. En 2022, les coûts pour les producteurs suisses, qu’il s’agisse d’agriculteurs ou d’éleveurs, ont augmenté en moyenne de 10%. Ce qui représente un milliard de francs pour le pays.

Tous les échelons de la production ont connu un renchérissement.

Michel Darbellay, responsable du département production, marché et écologie de l’Union suisse des paysans

«Tous les échelons de la production ont connu un renchérissement. Les tarifs dans les magasins ont certes aussi grimpé, mais la crise économique limite les possibilités de reporter sur les prix aux consommateurs», relève Michel Darbellay, responsable du département production, marché et écologie de l’Union suisse des paysans. Les agriculteurs n’ont pas pu obtenir la pleine compensation de la hausse des coûts de production, lesquels pèsent donc sur les revenus.

Longirod, jeudi 25 mai 2023, thématique terroir, portrait de Christian Rüfenacht, photographié dans le cadre d'un article sur la hausse de prix qui réduit de plus en plus les marges des producteurs, photos Cédric Sandoz © Cédric SANDOZ

Christian Rüfenacht, éleveur à Longirod entouré de ses vaches bio black angus. Photo: Cédric SANDOZ

La famille Pfirter ne pourra pas augmenter ses prix de vente, qui n’ont d’ailleurs que peu changé depuis 25 ans, selon Lorella Pfirter. Par contre, Christian Rüfenacht a pu vendre sa viande à meilleur prix car son fils la lui achète plus cher. «Il s’occupe de faire boucherie et de la vente sur les marchés. Il me paie 13,10 francs le kilo, poids mort, soit un franc de plus qu’ailleurs», déclare l’éleveur.

Moins de diversité

Pourtant, les Pfirter ont pris plusieurs décisions pour limiter leurs coûts de production. «Par souci d’écologie et de durabilité, nous avons acheté une récolteuse à jeunes pousses électrique plutôt qu’au diesel. De plus, pour éviter la prolifération de maladies et donc la nécessité d’un traitement ponctuel, nous utilisons des déshumidificateurs, associés à une gestion climatique rigoureuse des serres. Mais ces choix sont devenus chers avec le prix de l’électricité qui a augmenté», relève la maraîchère.

À force de ne pas payer les produits à leur juste valeur, l’offre et la diversité vont inéluctablement diminuer.

Lorella Pfirter, maraîchère à Saint-Prex

Cette dernière attend la fin de la saison avant de tirer son bilan. «Certains légumes seront vendus à perte, mais d’autres compenseront. Cela déprendra aussi de la météo», explique-t-elle. L’année 2023 s’avère donc une année test. La famille Pfirter décidera ensuite avec quels légumes elle a le moins de risque de voir ses marges régresser et arrêtera de produire ceux qui coûtent plus qu’ils ne lui rapportent. «À force de ne pas payer les produits à leur juste valeur, l’offre et la diversité vont inéluctablement diminuer», prévient-elle.

Privilégier les produits locaux

Si les producteurs veulent continuer à cultiver leurs terres et élever leurs bétails, les prix qui leur sont payés doivent s’accroître. «Cela peut se faire sans forcément modifier le montant que va débourser le consommateur, avertit Michel Darbellay. La solution réside dans le fait de procéder à une répartition équitable des marges.»

Le consommateur joue également un rôle d’importance. En privilégiant les produits locaux et l’achat en vente directe, il contribue au développement durable et à la pérennité des producteurs. Car oui, nous, clients, restons maîtres du jeu.

Comment la hausse des prix plombe les marges des producteurs

Engrais, semences, fourrage, électricité ou encore carburant, l’augmentation des prix touche directement les producteurs qui voient leurs marges sans cesse diminuer.