Cette pastille blanche, apposée sur la peau lisse du fruit, capte instantanément l’attention. «Vaud, certifié d’ici», stipule l’autocollant. Ça surprend mais oui, la montagne de pastèques sur laquelle bute le visiteur en arrivant au magasin du Domaine des Loveresses, à Yens, a bien mûri ici, comme l’a révélé la RTS. Le champ se trouve d’ailleurs à quelques dizaines de mètres de là. Philippe Cornu, le patron, nous y emmène.

Nous voilà au milieu d’un tapis vert, qui s’étend sur près de 2000 mètres carrés, en plein air. «Les feuilles sont petites et très fines et poussent très lentement», commente-t-il. Ça part un peu dans tous les sens, mais sans jamais s’élever bien haut. «C’est très aléatoire au niveau de la production. Là, vous voyez deux fruits, puis plus rien», indique le maraîcher.

Peu de pépins et pas trop de kilos

A y regarder de plus près, on aperçoit en effet des pastèques. Certaines sont toutes petites et n’arriveront peut-être pas à maturité, d’autres ne semblent pas loin de pouvoir être ramassées. Leur nom? Mini love. «On a testé une dizaine de variétés et on s’est renseignés sur celles qui étaient les plus adaptées au marché suisse», précise Philippe Cornu. La grande gagnante a une chair sucrée, peu de pépins, et une taille réduite. Chaque pièce fait entre 1,5 et 2,5 kilos, pas plus.

Une plante donne entre deux et quatre pastèques. Photo: Cédric Sandoz

Depuis trois ans, il produit cette drôle de cucurbitacée que l’on s’attendrait plutôt à voir pousser en Espagne. Or le réchauffement climatique nous rapproche de plus en plus des conditions qui prévalent dans le sud de l’Europe. Avec nos étés de plus en plus chauds, de jour comme de nuit, le melon d’eau – comme on l’appelle aussi – a désormais toutes les chances de se développer sous nos latitudes.

Ce n’est pas une culture facile, il n’y a pas un résultat régulier.

Philippe Cornu, patron du Domaine des Loveresses à Yens

Sauf que ce n’est pas tout simple. «Ce n’est pas une culture facile, il n’y a pas un résultat régulier», avertit l’exploitant, qui compte parmi les rares producteurs du cru à s’être lancé dans l’aventure. En 2021, où la pluie avait copieusement arrosé nos régions, la récolte avait été assez maigrichonne.

Pour que tout se passe bien, il faut qu’un certain nombre de conditions soient réunies. Tout commence après les Saints de glace, avec la mise en terre des plantons qui viennent tout droit de Suisse alémanique. «Ça démarre très doucement en mai. Il faut des sols chauds, puis une bonne fécondation en juin et ensuite des températures correctes, notamment la nuit, détaille-t-il. C’est une plante sensible au froid et ce n’est pas gagné chaque année.»

Une grosse buveuse

Pour limiter la prolifération des mauvaises herbes, il a installé un paillage en plastique biodégradable à la surface de son champ. Un revêtement qui a aussi le mérite de préserver un peu l’humidité sous la terre. Friandes de soleil, les pastèques ont aussi besoin de boire. Et beaucoup. Pour optimiser l’arrosage, celui-ci se fait au goutte-à-goutte.

Lorsque la plante commence à croître, les cultivateurs repoussent les tiges sur le paillage pour tenter de les canaliser, puis ils laissent faire. «Une fois que les fruits sont sortis, il ne faut plus les bouger pour éviter qu’ils ne soient tout griffés», explique Philippe Cornu. Ceux qui viennent d’être ramassés – les premiers ont été prélevés le 25 juillet – présentent une belle robe toute verte.

On arrive tard avec la pastèque suisse. Nous sommes à mi-saison, le marché a démarré mi-juin, dès les beaux jours.

Philippe Cornu, patron du Domaine des Loveresses à Yens

La cueillette, qui dure trois à quatre semaines, s’étendra jusqu’aux alentours du 25 août. Philippe Cornu le sait, il est en décalage par rapport à ses confrères du sud. «On arrive tard avec la pastèque suisse, concède-t-il. Nous sommes à mi-saison, le marché a démarré mi-juin, dès les beaux jours.»

Cette année, la récolte est juteuse et le soleil est au rendez-vous. Un point important, sachant que les ventes dépendent essentiellement de la météo. «C’est un fruit qui se consomme quand il fait beau, c’est là qu’on a envie de le manger», souligne-t-il. Son prix est environ deux fois plus élevé que celui qui est pratiqué par les producteurs étrangers. Aux Loveresses, il faut compter 2,90 pour un kilo.

Un produit destiné au marché local

Pour toutes ces raisons, Philippe Cornu tient à rester prudent dans les volumes. La pastèque restera une petite culture destinée à être écoulée régionalement, à laquelle il n’a consacré qu’une infime partie des 28 hectares de son domaine.

Dans le champ de 2000 mètres carrés qu’il lui a réservé, on trouve d’ailleurs 10% de melons. Il n’y en a pas davantage, car ceux-ci ne se conservent guère plus de trois à quatre jours. Leurs cousines, en revanche, peuvent tenir dix jours, voire quinze si elles sont réfrigérées. «Elles ont un peu plus de souplesse», conclut le maraîcher, qui n’a pas fini d’en apprendre sur le sujet.

Ces pastèques qui mûrissent sous le soleil de Yens

La récolte a démarré le 25 juillet. Au Domaine des Loveresses, on cultive des melons d’eau depuis trois ans. Une plante qui pousse désormais sous nos latitudes, mais à certaines conditions.