A vendre, oeuvre d'art à habiter

Depuis deux ans, la maison de Bonmont 4 peine à trouver preneur.

07 mars 2013, 00:01
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Au détour du petit chemin de Bonmont, au coeur de Nyon, se trouve une maison bien particulière faisant la part belle à la rêverie et à l'imaginaire grâce notamment à ses façades ornées d'un incroyable bestiaire. Cet objet atypique mis sur le marché immobilier depuis bientôt deux ans peine à trouver preneur. Son coût est fixé à 1,75 million de francs.

Entre la nuée d'oies sauvages survolant à tire-d'aile deux lions trônant majestueusement au premier étage, un berger allemand et deux chats se partageant les deux côtés de la porte d'entrée agrémentée d'une fontaine, cohabite ici toute une ménagerie pas tout à fait réelle: elle est essentiellement réalisée sous forme de fresques en trompe-l'oeil. Ainsi, les deux arbres qui faisaient office de portail d'entrée sont devenus des girafes, la cloche de la sonnette s'est muée en chant de rossignol, les fenêtres s'ouvrent de l'extérieur sur des paysages de lacs et de montagnes, et les sauts de loup se sont transformés en aquariums. Un univers insolite et fantasmagorique que n'aurait sans doute pas renié Lewis Carroll. Si ce n'est que dans ce petit coin aux allures de pays des merveilles, point d'Alice, mais Estelle Schmidheiny, artiste-peintre et propriétaire pleine de malice de cette charmante résidence. "Elle a été construite en 1932 par un architecte pour son fils et a été surnommée la maison de la sorcière en son temps", raconte celle qui l'a achetée en cinq minutes en 1985, sentant la bonne affaire grâce à son flair d'ancienne cadre d'une société active dans le milieu hypothécaire.

 

Acheter une oeuvre d'art en soi

 

Cette demeure de 240 m 2 de surface habitable, à l'architecture unique, était entrée dans une morne torpeur au fil des ans étouffant sous le lierre rampant, avant que son actuelle propriétaire haut en couleur, à l'image des pièces de la villa, ne lui insuffle une nouvelle âme digne de son cachet atypique et n'en fasse une oeuvre d'art en soi.

Si Estelle Schmidheiny s'est résolue à vendre il y a deux ans son petit coin de paradis pour réduire la voilure de son école de peinture et se consacrer à l'écriture, il n'est pas question pour autant de céder sa maison au plus offrant et surtout pas à un promoteur: "Cela m'énerverait de la vendre à quelqu'un qui ne l'aime pas. C'est dommage de la saccager!" Un souhait qu'a bien compris Natacha Bouisset, courtière en immobilier auprès de l'agence Bernard Nicod, chargée de trouver un nouvel acquéreur à cette résidence.

Quels seraient les acheteurs potentiels d'un bien comme celui-ci? "Plutôt un couple avec des enfants en bas âge qui désirerait un objet qui a du caractère", explique Natacha Bouisset. En vente depuis six mois à l'enseigne de l'agence, la demeure aux multiples couleurs ne trouve pourtant pas preneur. Si le nombre de visites, une dizaine, se situe dans la moyenne, et que le prix de vente estimé à 1,75 million de francs correspond au marché, le style particulier de cette maison et surtout la charge des éventuels travaux à réaliser pour la transformer rebuteraient les acheteurs, aux dires de la courtière. Il faudrait donc un coup de coeur, à l'image de celui qu'a eu Estelle Schmidheiny il y a presque trente ans pour cette villa.

 

Les acquéreurs veulent une solution clé en mains

 

Et c'est là tout le défi. Conclure la vente d'un objet qui a du caractère nécessite forcément une stratégie sortant de l'ordinaire. "Il faut que je puisse emmener les futurs acquéreurs avec moi, les amener à se projeter dans cette villa pour susciter leur intérêt. Vendre une maison comme celle-ci implique de la vivre; le problème c'est que les gens veulent aujourd'hui une solution clé en mains", explique la courtière qui précise par ailleurs qu'avoir une résidence aussi singulière dans son catalogue est un rare privilège dans une carrière d'agente immobilière. Il est vrai qu'actuellement vidée de son confort intérieur la maison a perdu un peu de son âme. Mais, l'échéance du mandat de l'agence il y a quelques jours va permettre à sa propriétaire de réinvestir les lieux et relancer pleinement son école de peinture, ce qui en un sens réjouit Estelle Schmidheiny: "Qui sait, peut-être qu'elle ne s'est pas vendue parce qu'elle voulait que je revienne?"

Néanmoins, si elle est désormais officiellement retirée du marché, elle n'en reste pas moins en vente. Et de l'aveu même de Natacha Bouisset, cette "lady", comme elle aime à l'appeler, sera plus facile à vendre une fois habitée, car elle révélera alors toute sa personnalité.