Depuis le début du mois de juin, la troupe de théâtre de Serreaux-Dessus a installé le décor de son nouveau spectacle sur la terrasse du domaine du même nom. Dans ce lieu enchanteur avec vue imprenable sur le Léman et les Alpes, Antoine Nicolas reprend pour la troisième fois le rôle d’Argan, personnage central de la dernière pièce écrite par Molière.

Antoine Nicolas avec Noémi Telfser sur la scène du domaine de Serreaux-Dessus. Crédit photo: Géraldine Chytil

«La première fois que j’ai joué Argan, je n’avais que treize ans. Alors que nous étions en vacances en famille, la fille de nos amis m’a proposé de jouer le rôle de ce vieil antipathique, dans la fameuse scène du 'poumon'», se rappelle l’œnologue, aujourd’hui à la retraite. Ces vacances «intelligentes» lui donnent le goût du théâtre, mais ses parents, méfiants et rabat-joie, ne l’encouragent gère.

1984: une farce moyenâgeuse pour les vendanges

Des années plus tard, installé au domaine avec sa famille, ils ont le déclic lorsque le frère Christophe présente une revue des vendanges improvisée au pressoir. N’ayant rien perdu de son attrait pour la comédie, il monte, avec son épouse Henriette et trois amis, une farce de Moyen Age pour les vendanges de 1984. Dès lors, des spectacles seront montés au pressoir chaque année avec un groupe de proches puis avec les amis des amis.

La première fois que j’ai joué Argan, je n’avais que treize ans.

Antoine Nicolas, fondateur de la troupe du théâtre de Serreaux-Dessus

A côté des farces qu’elle présente lors des vendanges, la jeune troupe organise des petites mises en scène autour du retour du printemps en brûlant le bonhomme hiver au domaine. «Avec nos deux créations annuelles, nous répétions trois fois par semaine. On était fou!», se souvient le sexagénaire.

1987: la troupe devient nomade

Séduite par l’idée de présenter des spectacles plus ambitieux dans des endroits originaux, la troupe s’installe en 1987, le temps d’un spectacle, dans les combles du Château du Martheray. Ahmed Belbachir, comédien, propose de les diriger dans «Le Malade Imaginaire» avec la complicité de Monica Budde. Antoine qui a 33 ans joue alors Argan pour la seconde fois.

Le lieu est magique mais le galetas du château ne se prête gère à un spectacle en public. Qu’à cela ne tienne! Le sol en poutres apparentes sera recouvert de panneaux de coffrage, prêtés par un entrepreneur, et le décor sera fabriqué de bric et de broc avec l’aide de Pascal Petitpierre. «Alors que le travail était bien avancé, tout a bien failli tomber à l’eau. Selon l’inspecteur cantonal de l’ECA, les risques de départ d’incendie étaient bien trop grands», explique Antoine Nicolas.

Finalement, le spectacle sera présenté avec deux lances à incendie à proximité. «Dès nos toutes premières représentations, nous avons eu envie d’être dirigés par des professionnels, pour présenter des spectacles de qualité», explique celui qui est aussi municipal à Begnins.

Dès nos toutes premières représentations, nous avons eu envie d’être dirigés par des professionnels, pour présenter des spectacles de qualité.

Antoine Nicolas, fondateur de la troupe du théâtre de Serreaux-Dessus

Deux ans plus tard, l’aventure continue, cette fois-ci dans la cour du Château de Cottens avec «Le Bal des Voleurs», une pièce de Jean Anouilh. Autre moment fort, en collaboration avec la Claque, troupe de théâtre active à Begnins: l’interprétation de «L’Oiseau bleu» de Maurice Maeterlinck, à l’occasion du 700e anniversaire de la Confédération avec des musiciens et une soixantaine d’enfants sur la place de l’Esplanade, avant la construction du collège.

1998: retour au domaine de Serreaux-Dessus

A partir de 1998, la troupe prend ses quartiers au domaine de Serreaux-Dessus, tous les deux ans. Au fil des années, certains acteurs sont devenus familiers, d’autres n’ont joué qu’occasionnellement et de nouveaux visages se sont joints au groupe. «Initiés très tôt au théâtre, nous espérions que nos enfants reprendraient un jour le flambeau. Mais il en a été autrement. Mes fils ont préféré la musique au théâtre en créant de leur côté le JVAL (ndlr: festival de musique qui aura lieu au domaine du 26 au 28 août)», reconnaît le père de quatre enfants, aujourd’hui parents à leur tour.

Mes fils ont préféré la musique au théâtre en créant de leur côté le JVAL.

Antoine Nicolas, fondateur de la troupe du théâtre de Serreaux-Dessus

Aujourd’hui pour sa troisième interprétation d’Argan, Antoine Nicolas a l’âge du rôle. «Les années passant, je suis évidemment plus concerné par la maladie et la mort. J’ai un peu perdu mon insouciance mais le plaisir de jouer est toujours là», conclut cet inlassable homme de théâtre.

Infos pratiques

«Le Malade imaginaire», mise en scène par Séverine Bujard, Domaine de Serreaux-Dessus, Begnins. Jusqu’au 2 juillet: je, ve, sa, 21h. Petite restauration dès 19h. Réservation au 022 366 29 48 ou www.theatre-begnins.ch

«Le Malade imaginaire», une satire contre la médecine
Dernière œuvre écrite par Molière, «Le Malade imaginaire» est une comédie-ballet en trois actes et en prose, créée le 10 février 1673. Molière, dont nous fêtons cette année les 400 ans de sa naissance, était alors très malade. Le dramaturge joue le rôle d’Argan et s’efforce de cacher sa douleur, mais à la quatrième représentation il s’évanouit. Les médecins l’emmènent chez lui où sa femme reste à son chevet jusqu’à son décès.
L’intrigue: Argan est un homme parfaitement bien portant, ce qui ne l’empêche pas de se croire très malade. Pour assurer les soins dont il croit avoir besoin, il veut marier, contre son gré, sa fille Angélique à Thomas Diafoirus, fils de médecin frais émoulu des écoles. Heureusement celle-ci trouve une complice sous les traits de l’impertinente servante Toinette qui ne craint pas d’affronter le courroux d’Argan pour s’opposer à ce ridicule mariage.

Antoine Nicolas au sommet de son art dans «Le Malade imaginaire»

Le fondateur de la troupe de théâtre de Serreaux-Dessus enfile le costume d’Argan après l’avoir déjà incarné plusieurs fois durant sa vie de comédien amateur.