Genève, le 19 avril 2020
Lettre à nos aînés,
C’est l’histoire d’un virus SDF et hirsute qui s’est tout rouge fâché.
Il a fait le tour du monde et voyant les humains
Asphyxiés, prisonniers de leurs succédanés, de leurs damnés succès,
Derrière des portes closes, il les a enfermés et coronavissés.
Et s’il est agressif avec les plus âgés, c’est parce qu’il a pigé
A quel point les boomers, loin d’être des poules mouillées
Sont des survivors et des Indiana Jones de la société.
Rescapés de mille crises, nos aînés sont passés du télex-téléfax
Au Smartphone WhatsAppé. C’est un peu compliqué
Mais ils ne sont pas du genre à tout laisser tomber.
Tour à tour magiciens ou bons samaritains, ils savent évoluer.
Pionniers des droits des femmes, ils ont voté l’égalité sans vraiment l’appliquer
Ce qui ne les pas empêchés de cohabiter et même de procréer.
Economes raisonnables, ils ont su épargner.
Pourtant à la retraite leurs revenus ont chuté.
Malgré les petites disettes, dès qu’on le leur demande
Ils aident un fils, une nièce ou un gosse du quartier.
Il a la frousse, Covid, quand il voit que les AVS, EMS -- et plus si affinités
Se sentent totalement libres d’arborer plis et rides, et cheveux argentés
Cessant d’être victimes d’egos surdimensionnés.
Et c’est ça qui l’énerve, le virus excité : la fabuleuse capacité à rire et profiter
De celles et ceux à qui l’on a donné le petit nom « d’aînés ».
Alors c’est assez clair, amis, sexa/sexy-septa-octo-nona-génaires,
Continuez à bien le narguer, ce minus qui prétend vouloir vous mettre à terre
Vous obligeant à tousser, cracher et, tout fébriles, à vous coucher.
Vous qui êtes nés tandis que l’Europe vivait encore des guerres.
Pas question de vous laisser impressionner par cet ennemi planqué
Qui n’ose même pas en terrain découvert venir vous affronter.
Renforcez vos défenses avec du jass, du jazz, des apéros spritz frappés.
Confiez les préoccupations aux autorités sanitaires, vous avez bien gagné
Le droit à l’insouciance et puis celui aussi de vous laisser choyer !
Face à vos résistances, vous avez de bonnes chances que le minus tire sa révérence
Et que tous ensemble nous puissions à nouveau nous retrouver
Pour d’interminables soirées à jaser.
Marie-José Astre-Démoulin
Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11h à 11h30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «Vigousse» et le mensuel «Générations».
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