L’énorme tête de sanglier accrochée dans son salon donne un indice sur la personnalité d’Elisabeth Holm: ce foyer abrite une chasseuse et sa famille. Sako, un jeune basset des Alpes aux yeux doux, aide à compléter le tableau.

Cette habitante d’un village de la région est aussi depuis peu écrivaine. Son livre, intitulé «Nature et Aventures», présente des activités à faire en forêt en famille, et aborde la délicate et controversée thématique de la chasse.

Face aux menaces auxquelles ont dû faire face certains de ses confrères, la Vaudoise de 39 ans tient à rester évasive sur son lieu d’habitation, qu’elle partage avec son mari, rencontré en passant son permis de chasse, et leur bébé. Mais elle l’affirme avec assurance: la chasse tient une place prédominante dans sa vie.

Elisabeth Holm, d’où vient votre intérêt pour la chasse?

Même si j’ai passé ma jeunesse dans un milieu montagnard, je ne viens pas d’une famille de chasseurs. Dans le Pays-d’Enhaut, où j’ai grandi, un voisin m’avait fait goûter la bourguignonne de chamois. Ça m’avait marqué, c’était tellement bon! C’était un milieu mythique, qui m’intéressait.

En 2014, j’ai eu la chance d’accompagner un ami en Valais qui faisait l’ouverture de la chasse. J’avais un peu d’appréhension, mais j’étais très intéressée. Il y avait de la brume, des conditions difficiles, il pleuvait, ça glissait… j’ai adoré! J’ai hésité à me lancer, car il n’y a pas tellement de femmes, je n’avais jamais tiré, j’étais un peu trouillarde… mais celui que j’appelle mon mentor, Claude, m’a encouragée.

C’est comment, d’être une femme dans le monde encore majoritairement masculin de la chasse?

On est très peu, peut-être 10%. J’ai été très bien accueillie, mais il faut s’adapter aussi. Tu ne peux pas avoir les ongles vernis et dire «je ne fais rien». Il faut être une homologue, faire le même travail. Il y a de toute façon un esprit d’entraide, un homme ne peut pas non plus transporter seul un cerf. De la part de détracteurs de la chasse, j’ai par contre déjà entendu des phrases du genre «une femme est censée donner la vie, pas la prendre».

Qu’est-ce que la chasse a changé dans votre vie?

J’aimais être en forêt, faire de la photographie, mais il me manquait toujours quelque chose. La chasse m’a permis de me sentir complètement humaine. C’est peut-être ridicule de dire ça comme ça, mais je me suis sentie inscrite dans le cycle de la vie, j’ai trouvé ma place dans le processus. J’en accepte le bon comme le mauvais. Je fais partie du tout, je suis beaucoup plus sereine. Depuis que je chasse, tout a du sens.

La chasse m’a aussi émancipée. Celle qui est capable d’aller en forêt et de ramener du gibier pour nourrir sa famille sans l’aide de personne, je ne vois pas d’acte plus libérateur.

«J’ai trouvé ma place dans le processus. J’en accepte le bon comme le mauvais. Je fais partie du tout.»

Vous avez décidé de réaliser un livre sur la nature mais aussi sur la chasse. Pourquoi?

Il manque des outils aux gens pour en apprendre davantage sur la nature, et j’espère que mon livre en sera un. Lorsque je fais des sorties didactiques en forêt avec les apprentis auxquels j’enseigne la culture générale, je sens beaucoup d’intérêt de leur part, mais aussi des lacunes. Enormément de jeunes n’ont pas la chance d’avoir des parents qui s’intéressent à la nature, ou qui s’intéressent mais ne savent pas comment faire.

Je tenais aussi à parler de la chasse, un monde que beaucoup de gens ne connaissent pas véritablement. En 2020, autour de la votation pour la révision de la loi sur la chasse, je me suis rendu compte qu’il y avait un énorme gouffre entre nous et le public.

Les gens se focalisent souvent sur le moment du tir. Mais le monde de la chasse, c’est bien plus que cela. C’est toute une vie qui gravite autour. La nature, on s’en occupe toute l’année. Il y a des plantations, des protections de biotopes, la fabrication de la viande… Les chasseurs ne sont pas des gens qui abattent des animaux par envie de tuer. C’est plutôt un acte nécessaire, qui s’inscrit dans une façon de vivre.

Le Vaud, lundi 13 février 2023
Portrait d’Elisabeth Holm, chasseuse avec son chien Sako qui publie le livre Nature & Aventures sur la chasse

© Sigfredo Haro © Sigfredo Haro

Elisabeth Holm, ici en tenue de chasse avec son chien Sako dans une forêt de la région. Photo Sigfredo Haro

L’idée du livre n’est pas de mettre un fusil entre les mains des enfants, non?

Non, le livre détaille des activités à faire toute l’année dans la nature avec les parents: observer la faune, avec des astuces de chasseur, voir et reconnaître les traces d’animaux, s’orienter grâce à une carte, par exemple.

J’aborde aussi la fabrication d’arcs et de flèches, le tannage des peaux, comment la viande est préparée pour être mangée.

A qui le livre est-il destiné?

Aux enfants autant qu’aux parents. Je voulais réaliser un livre pour rassembler les familles. On connaît beaucoup de couples qui éclatent, c’est dommage. Dans le livre, c’est la famille Mutz qui présente les activités, pour montrer que c’est intergénérationnel, qu’il n’y a pas seulement les parents, mais aussi les grands-parents.

Pourquoi ne pas mentionner la chasse dans le titre du livre?

Au début, notre comité de rédaction le souhaitait. Mais notre activité est tellement décriée, et nous voulions ouvrir un dialogue avec ceux qui nous repoussent. Je trouverais dommage que les gens ne nous lisent pas à cause des a priori sur la chasse.

Récemment, l’ex-coprésident de la Fédération des sections vaudoises de la Diana a démissionné après avoir subi des menaces et du harcèlement. Et vous, comment vivez-vous avec votre image de chasseuse?

Je l’ai beaucoup caché, mais lorsque j’en parle, les gens sont généralement impressionnés, positivement. Mais ce qu’il s’est passé avec Philippe Duperrex est dramatique. Crever des pneus, menacer la famille, ça va trop loin. C’est pour cela que je préfère ne pas être trop précise sur le village dans lequel je vis. En plus, les gens qui commettent ces actes restent anonymes. Alors qu’on pourrait en discuter!

C’est votre objectif, d’essayer d’en parler le plus possible?

Pour moi, un livre ou des rencontres permettraient de créer ce dialogue. D’ailleurs, je suis très fière que l’Office fédéral de l’environnement et Pro Natura Suisse aient accepté de préfacer mon livre. Cela montre à ceux qui pensent que nous sommes des adversaires que nous sommes plutôt des partenaires.

Informations pratiques

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Porté par la société Diana Romande et la faîtière nationale ChasseSuisse, le livre Nature et Aventures, écrit en français, est traduit en allemand et en italien pour être distribué dans tout le pays. Son vernissage aura lieu à Monatura, Bernexpo, le jeudi 23 mars de 10h à 16h.

Disponible sur www.natureetaventures.ch et dans les librairies courantes à partir du 23 mars 2023. Prix: 39 francs, 276 pages, aux Editions Slatkine (français et italien) et Rex Verlag (allemand).

Elisabeth Holm: «La chasse m’a permis de me sentir complètement humaine»

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