Difficile de dire si les projets éoliens d'Essertines-sur-Rolle et de Bière seront directement concernés par la proposition faite par le Conseil fédéral en février dernier. Mais la marge de manoeuvre pour ceux qui s'y opposent risque bien de se réduire considérablement. Encore en consultation jusqu'au 23 mai, celle-ci impliquerait la fusion des plans d’affectations et les permis de construire, ainsi que d’autres permis annexes tels que celui de défrichement en une seule étape à l’échelon cantonal. Exit donc la possibilité de lancer un référendum communal.

But assumé: réduire le nombre de recours possibles devant les tribunaux, principale cause des retards rencontrés par les projets éoliens mis en route en Suisse. Cette proposition, si elle était appliquée, amènerait alors à un transfert de compétences généralement attribuées aux communes vers les cantons. Un transfert qui est déjà en cours dans le canton de Vaud.

Pierre Imhof, à la tête de la direction générale du territoire et du logement, souligne en effet qu'une procédure très proche de ce qu'envisage le Conseil fédéral est d'ailleurs déjà en vigueur dans le canton et devrait se généraliser. «Jusqu’à présent, les plans d’affectation communaux ont été la norme pour les parcs éoliens. On se rend compte cependant qu’il faut de plus en plus de coordination à l’échelle cantonale voire fédérale. A l’avenir les plans d’affectation au niveau cantonal devraient donc devenir la norme.»

Les possibilités de référendum communal cessent également à cet égard.

Communication du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication

Le droit de référendum, victime collatérale

La procédure cantonale qui se généralise et la proposition fédérale ont cependant un autre point commun, que nous confirme Pierre Imhof. Le passage au niveau cantonal implique la disparition des possibilités de référendum pour les habitants des communes concernées. En effet, cette concentration des compétences décisionnelles auprès d'une autorité cantonale a pour conséquence la cessation des compétences communales correspondantes, nous précise-t-on au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). «Par conséquent, explique le DETEC, les possibilités de référendum communal cessent également à cet égard.»

Et Pierre Imhof de conclure: «Les parcs éoliens font partie de ces projets qui sont pour l’intérêt de tous mais que personne ne veut chez soi. C’est le même procédé, par exemple, pour les décharges.»

Quid des projets à Bière et Essertines?
Les projets éoliens d'Essertines-sur-Rolle et Bière seront-ils directement concernés par la proposition du Conseil fédéral? Celui-ci a précisé, lors de l'annonce du lancement de la consultation, que cela ne s’appliquerait qu’aux sites entrant dans le concept fédéral pour les énergies renouvelables. Une liste qui sera rédigée par le Conseil fédéral mais sans que les critères ne soient encore précisés.
Il faut néanmoins s'attendre à ce que la production énergétique moyenne fassent partie des points pris en compte pour faire entrer ou non un projet dans cette liste. Il s'agit en effet du seul critère permettant actuellement de définir si un parc éolien est d'intérêt national ou non. La production annuelle minimale est fixée à 20 Gigawattheures (GWh) dans l’article 9 de l’ordonnance sur l’énergie. Une limite que devraient dépasser amplement les deux projets présents sur La Côte.
En attendant, les deux sites sont d'ores et déjà inscrits au plan directeur cantonal et à la planification éolienne cantonale. Ils ont donc peu de chance de devoir passer pas la case référendum. Quant aux communes, contactées, elles ont préféré ne pas s'exprimer.

La consultation, énergie alternative

La possibilité de lancer un référendum a donc du plomb dans l'aile. Les habitants des communes concernées auront néanmoins toujours la possibilité de s’exprimer dans les urnes sur le sujet, à la condition que leur Municipalité décide d’elle-même de lancer une votation consultative, afin de prendre le pouls de l’opinion populaire.

Moins contraignantes, ces votations sont néanmoins généralement prises en compte. Le Canton avait ainsi retiré de sa planification le projet de parc éolien sur les communes de Daillens et Oulens en 2013 à la suite du non massif de la population. Une telle votation devrait avoir lieu à Essertines-sur-Rolle, comme l'avait promis la commune au printemps 2021.

Changement de paradigme

Du point de vue des promoteurs, c'est une épine dans le pied en moins. Du côté des Services industriels de Genève (SIG), principaux actionnaires du projet éolien d’Essertines-sur-Rolle, on pointe que des projets nécessitant des investissements d’étude de plusieurs millions de francs et développés pendant plusieurs années en concertation avec les communes et le canton, se retrouvent actuellement à la merci d’une votation populaire négative. «Le système est mal adapté», développe Marc Spitzli pour les SIG. «Un changement de paradigme à ce niveau nous paraît normal. Cela permettra également aux municipalités de réduire leur charge de travail sur ces dossiers.»

Le peuple n’aura plus le dernier mot.

Patrick Badan, président de l’association Pieduvent

Autre son de cloche du côté des opposants qui ne voient pas d'un bon œil la proposition du Conseil fédéral et ses conséquences. Les référendums font partie de l’arsenal à disposition pour mettre fin à certains projets, comme cela a été le cas par exemple à Saxon (VS) ou Sonvilier (BE). De plus, à une échelle plus large, ils permettent autant aux détracteurs qu'aux défenseurs des éoliennes de communiquer sur l'acceptation, ou non, de cette source d'énergie par la population.

«Sur le sujet de l’éolien, on nous a toujours tenu le discours qu’à la fin, le peuple aurait le dernier mot», rappelle Patrick Badan, président de l’association Pieduvent, opposé aux projets éoliens au pied du Jura et membre du bureau de la section vaudoise de Paysage-Libre. «Avec un tel changement, ce ne sera plus le cas», se désole-t-il.

L’opposant va d’ailleurs plus loin en doutant de la légalité d’un tel procédé, surtout si c’est la Confédération qui liste les projets. «A mon sens, cette perte de pouvoir pour le peuple, les Cantons et les Communes en faveur de la Confédération et simplement anticonstitutionnelle.»

Pierre Imhof préfère relativiser cette perte de compétence par les communes. Les municipalités sont formellement consultées, rappelle-t-il, avant que le projet ne soit mis à l’enquête publique. Elles peuvent encore intervenir lors de cette dernière en déposant une observation ou une opposition, ouvrant ainsi la possibilité à un recours en cas d’acceptation du plan d’affectation.

A Essertines, seul le Conseil général tranchera sur le parc éolien

Le projet éolien n’a pas manqué d’alimenter les discussions de l’organe délibérant, mardi soir. Le syndic a fait le point sur le mode de votation envisagé.