Cowboy Dan n’a guère de scrupule à déverser dans son jardin un baril de pesticides pour contrer les effets de la canicule; il n’hésite pas à dégommer les castors au fusil malgré les avertissements de ses petits-enfants: «Une terre contaminée est abîmée», lui répètent-ils.

Il faudra du temps à ce vieil égocentré pour comprendre que le renard et l’abeille peuvent être les alliés du cultivateur. Le temps d’un livre jeunesse conçu par Fabian Pfitzmann (textes) et illustré par Leslie Umezaki. Le quatrième réalisé par le duo et le second paru à l’enseigne des éditions fribourgeoises Fleurs Bleues après «Le Funicaca» en 2019: fable ferroviaire potache sur une délicate question à l’heure d’abandonner les couches.

Réconcilier l’humain et la nature

Destiné également aux petits, «Cowboy Dan, l’écolo du Far West» tient du conte décalé autant que du livre dessiné, avec en ligne de mire une réconciliation possible entre l’homme et la nature. «Pour cette histoire, j’avais noté des idées dans un coin du carnet, confie Fabian Pfitzmann, avant de les reprendre des années plus tard.»

Mes sujets se tricotent au fur et à mesure, il n’y a rien de prémédité là-dedans. D’ailleurs, devenir auteur n’a jamais été un projet.

Fabian Pfitzmann

Depuis son premier livre, «Poussière de lune», paru à l’Age d’Homme en 2018, l’historien des religions a pris goût à ces petites narrations destinées à un jeune public: «Mes sujets se tricotent au fur et à mesure, il n’y a rien de prémédité là-dedans, assure-t-il. D’ailleurs, devenir auteur n’a jamais été un projet.»

CowBoy Dan se laissera-t-il convaincre de prendre plus soin de l’environnement? Ed. Fleurs Bleues

Ecart générationnel entre anciens et jeunes

C’est en observant son monde, en imbriquant les faits et l’imagination, en mettant de côté l’esprit de démonstration qui prévaut dans la recherche universitaire, que l’habitant de Genolier s’est fait une place dans l’univers du livre jeunesse.

Ses élèves au gymnase de Nyon n’y sont peut-être pas étrangers non plus. Dans cet album à la veine graphique déjantée, Fabian Pfitzmann a glissé une préoccupation sérieuse: l’écart intergénérationnel entre les anciens, «dont certains de ses étudiants disent qu’ils ont cassé le monde» et l’impératif de la préservation de la nature qui préoccupe beaucoup de jeunes. D’un côté, un Cowboy Dan peu regardant; de l’autre une descendance soucieuse d’écologie.

«Le Golem est un peu comme Frankenstein»

Les récits naissent ainsi, au gré des événements, à force de forger et de faire des liens. «Une déformation post-doctorat», nuance celui qui est l’auteur d’une thèse sur l’origine du monothéisme et du Proche-Orient ancien. Ces objets de recherche, on en retrouve la trace dans un autre opus, paru il y a quelques mois chez Plumes d’aujourd’hui.

Plus élaboré d’un point de vue narratif, «Cœurs à Prague» raconte l’histoire de trois enfants en quête d’un remède pour soigner l’étrange maladie dont souffre l’un d’eux. Nous sommes au XVIIIe siècle, dans la ville de Rabbi Loew, l’inventeur du Golem, cette créature mythique faite d’argile issue de la culture juive que Ruben, Aaron et Yaël vont tenter de recréer pour guérir leur ami.

La vie est-elle un simple rouage mécanique ou contient-elle quelque chose de spirituel?

Fabian Pfitzmann

Cette quête thérapeutique les fera notamment rencontrer un vieil anatomiste, un boucher (auquel ils voleront un cœur de bœuf dans l’espoir d’animer le golem) et un rabbin détenteur d’un grimoire qui raconte la création de toute chose. «Le Golem est un peu comme Frankenstein, explique l’auteur. C’est une légende qui porte sur ce qu’est la vie. Est-elle un simple rouage mécanique ou contient-elle un principe spirituel? J’aime la tradition mystique juive, avec son lot de magie et d’alchimie, j’avais croisé ça, enfant, chez Hugo Pratt. Il y a là un fort potentiel narratif.»

Les trois enfants trouveront-ils un remède pour la maladie de l’un d’entre eux? Ed. Plumes d’aujourd’hui.

Transmettre ce qu’il trouve beau dans la vie

L’idée du script s’est imposée alors qu’il était en séjour dans la capitale tchèque: «C’est là que j’ai appris que mon frère, qui souffrait d’une insuffisance cardiaque, avait été opéré avec succès.»

Réalisés à la main par Ludovic Chappex, les dessins restituent l’ambiance obscure des sous-sols et des ruelles de la vieille ville praguoise, tandis que l’écriture, sans trop en dire, effleure en passant quelques grandes questions de l’existence: Où se cache la vérité? Qu’est-ce qui fait la saveur de la vie?

Les réponses courent en filigrane d’un ouvrage voulu comme un don, à l’image de sa charge d’enseignement et du dessin qu’il affectionne tout autant. «Je le pratique tout le temps, je mets mes idées en forme grâce à lui, je dessine ma vie familiale pour la transmettre aux grands-parents et à mes enfants».

Infos pratiques

«Cowboy Dan. L’écolo du Far West», Ed. Fleurs Bleues, 32 pp.

«Cœurs à Prague», Ed. Plumes d’aujourd’hui, 86 pp.

Fabian Pfitzmann tricote des petits contes pour la jeunesse

Docteur en théologie et enseignant au gymnase de Nyon, l’habitant de Genolier publie deux livres illustrés: une fable écologique décalée et un conte praguois nourri de culture juive.