Que se passe-t-il pour un humain souffrant de déficit mental si la science le dote du jour au lendemain d’extraordinaires capacités? La question a occupé l’écrivain Daniel Keyes dans «Des fleurs pour Algernon», roman d’anticipation paru en 1966 et que se souvient avoir lu adolescent le metteur en scène lausannois Christian Denisart.

Il en a tiré une adaptation scénique, «Charlie», du nom de ce jeune homme attardé qu’une opération du cerveau transforme en super-apprenant. Acquérir une langue étrangère ou la maîtrise d’un instrument: plus rien ne lui résiste. «Il progresse très vite, mais de manière quasi autistique», précise le créateur de cette fable humaniste à voir au Théâtre de Grand-Champ.

De la solitude du simple esprit à celle du génie

Hier futuriste, l’histoire résonne aujourd’hui avec le rêve de l’Homme augmenté. Selon Christian Denisart, «l’intelligence reste une question importante. Le test d’aptitudes prime toujours sur l'’évaluation de la sensibilité. Il y a beaucoup de complexes là autour sur les réseaux sociaux, comme si l’intelligence était une chose flatteuse, séduisante.»

Au détriment, par exemple, de l’empathie dont Charlie est dépourvu. «Son QI reste celui d’un enfant de six ans, il est colérique. Il est passé de la solitude du simple d’esprit à celle du génie.» D’où cette autre interrogation en filigrane du spectacle: accumuler des compétences nous rend-il plus heureux?

L’intelligence: une affaire collective

Sur scène, costumes et coiffures vintage ravivent l’Amérique fantasmée d’après-guerre. L’isolement du personnage (joué par Pascal Schopfer) est contrebalancé par l’énergie chorégraphique des neuf comédiens et musiciens qui l’entourent.

Autre point fort de cette adaptation: les progrès de Charlie dans l’apprentissage de la langue se traduisent par une accélération du rythme de l’action: «La pièce devient plus rapide, la fluidité corporelle augmente et ça finit sur une note de comédie musicale. Signe que l’intelligence est aussi une affaire collective.

Informations pratiques

«Charlie», Théâtre de Grand-Champ, ch. de la Serine, Gland. 11 février 20h. www.grand-champ.ch

Gland: la pièce «Charlie» met l’intelligence au défi du bonheur

Mis en scène par Christian Denisart, «Charlie» questionne le culte de l’intelligence et les conditions du bonheur au Théâtre de Grand-Champ.