La baisse de la qualité du sperme est confirmée d’étude en étude dans les pays qui se donnent les moyens de les mener, comme la Suisse. «L’infertilité touche 15% des couples et lorsqu’ils consultent, dans 30% des cas, elle est liée à des problèmes de qualité du sperme», précise Laurent Vaucher, médecin responsable de la Consultation d’andrologie et infertilité masculine du CHUV, qui exerce également au service d’urologie de la Clinique de Genolier.

Parmi les diverses causes connues, des mesures préventives peuvent diminuer les facteurs de risque et des solutions curatives existent. Néanmoins, il faut aussi se préparer à faire le deuil d’un enfant conçu naturellement, voire d’une paternité biologique.

De la cellule germinale au spermatozoïde mature

La spermatogenèse ou formation des spermatozoïdes est un processus continu. «D’une cellule germinale à un spermatozoïde mature, 2500 transformations sont nécessaires au cours d’un cycle d’une durée de 72 jours», explique Laurent Vaucher.

Concentration, mobilité et morphologie sont les trois paramètres d’une bonne qualité de sperme. Un spermogramme suffit pour en avoir le cœur net. L’infertilité peut être passagère en fonction des causes.

Quand une azoospermie est constatée, c’est-à-dire l’absence totale de spermatozoïdes dans l’éjaculât, il faut définir si celle-ci est due à une absence de fabrication ou d’émission. Dans ce dernier cas, les spermatozoïdes restent retenus dans les testicules. Une biopsie testiculaire pour les prélever permettra d’utiliser ceux qui sont fonctionnels et pratiquer une ICSI (injection intracytoplasmique de spermatozoïde). «Un homme fertile produit seulement 6-8% de spermatozoïdes morphologiquement normaux», relève le spécialiste.

Maladies

L’orchite est une infection du testicule qui se manifeste par un gonflement douloureux. «C’est l’une des complications des oreillons, à la puberté et après, susceptible de provoquer une destruction définitive, partielle ou complète des cellules germinales», observe Laurent Vaucher. La vaccination ROR (rougeole, oreillons, rubéole) est la seule prévention possible. Par ailleurs, le médecin insiste, «ni le Covid, ni le vaccin anti Covid ne provoquent des cas de stérilité masculine».

Les infections sexuellement transmissibles (IST) sont aussi responsables d’infertilité masculine passagère ou définitive. Alexandre Thomas, médecin chef du Service urologie de l’hôpital de Morges, vise particulièrement les bactéries Chlamydia trachomatis et Neisseria gonorrhoeae populairement appelée chaude-pisse. Ces IST figurent parmi les plus répandues au monde et peuvent être à l’origine d’une épididymite, inflammation douloureuse d’un ou des deux canaux épydimes jouant un rôle dans la maturation des spermatozoïdes. Si mieux vaut prévenir que guérir, dans tous les cas, il est recommandé de se faire soigner au plus vite.

Un homme fertile produit seulement 6-8% de spermatozoïdes morphologiquement normaux.

Dr Laurent Vaucher consultation d’andrologie et infertilité masculine du CHUV

L’environnement

Tabac, alcool, drogues, obésité, mauvaise alimentation, stress, médicaments, diabète, exposition à des polluants chimiques, l’âge, sont autant de causes possibles d’une infertilité.

L’augmentation de la température des testicules est également néfaste pour la spermatogenèse. «La température idéale est de 34°, dès qu’elle augmente de 2° sur une longue durée, cela entraîne une baisse de la fertilité. A tel point que des culottes chauffantes pour hommes pourraient servir de contraception», affirme Laurent Vaucher. Il cite l’exemple de professions qui augmentent ce risque, «la spermatogenèse des cuisiniers ou chauffeurs routiers s’améliore dès qu’on les éloigne de la source de chaleur».

Laurent Vaucher et Alexandre Thomas écartent les risques d’infertilité liée aux ondes de la 5G, du téléphone mobile dans la poche à proximité des gonades, de la pratique du vélo qui chauffe les parties génitales, répandues ici et là sur la Toile.

Le cas des perturbateurs endocriniens

«Le syndrome de dysgénésie testiculaire (TDS) est lié à un mauvais déclenchement in utero de la masculinisation de l’embryon engendrant un trouble de développement des organes génitaux externes masculins», définit Alexandre Thomas.

Il pourrait conduire à des malformations congénitales telles que micropénis, cryptorchidie (testicules non descendus), hypospadias (fermeture incomplète de l’urètre). La chirurgie permet de corriger certaines de ces anomalies. Le TDS se manifeste aussi par un risque accru de cancer du testicule et une mauvaise qualité du sperme à l’âge adulte.

Une exposition précoce de la future maman aux perturbateurs endocriniens tels que phtalates, métaux lourds, pesticides, est fortement soupçonnée de le favoriser, en l’absence de preuves scientifiquement démontrées. Les deux spécialistes reconnaissent qu’à l’heure actuelle la problématique de l’identification des perturbateurs endocriniens et de leurs récepteurs biologiques dans le corps qui les métabolisent, reste mal identifiée ou trop tard, comme dans le cas du téflon.

«La recherche dans ce domaine a toujours du retard sur les générations masculines concernées et ne peut servir qu’à celles qui suivent», remarque Laurent Vaucher.

Accompagnement psychologique

Quelle que soit la cause d’une infertilité ou d’une stérilité, il faut digérer la nouvelle, notamment en prévention d’un risque de dépression.

Au CHUV, Fabienne Coquillat accompagne les couples à l’Unité de médecine de la reproduction: «Dans le couple, la personne responsable de l’infertilité se sent souvent coupable, notamment si c’est l’homme, de devoir imposer des traitements lourds à sa femme en cas PMA.» La culpabilité et la tristesse doivent pouvoir être exprimées avant de prendre des décisions lourdes de conséquences et avancer. «Tout le questionnement autour de la génétique est très important, qu’est-ce que l’on souhaite transmettre?» ajoute Fabienne Coquillat.

A Commugny, Jacqueline Comte fait du coaching en PMA et reçoit parfois des hommes seuls qui souhaitent se confier. Elle entend à quel point, «la difficulté ou l’impossibilité de concevoir est souvent vécue comme une dévalorisation de l’ego quasi existentielle quand il y a confusion entre infertilité et virilité». Comme Fabienne Coquillat, elle souligne que faire le deuil du bébé génétique dépend du parcours de vie de chacun. Certains sont totalement déstabilisés et d’autres envisagent une paternité autrement.

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