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"Le Quatorze" ou l'art de la récupération alimentaire

Le squat de la Combe s'alimente grâce à une organisation bien rodée.

15 janv. 2013, 00:01
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Demain, retrouvez la suite de notre série: une interview du sociologue genevois Jean Rossiaud, familier du phénomène "squat".

aguenot@lacote.ch

C'était le 20 mars dernier. Le collectif "Le Quatorze" jetait son dévolu sur une coquette villa inhabitée du numéro 14 de la rue de la Combe. Une occupation délicate puisqu'elle plongeait les quatre squatteurs concernés dans l'illégalité. Puis, le vent a tourné. Pour un temps, du moins. A la fin du mois de mai, le collectif parvenait à passer un contrat de confiance (voir encadré) avec le propriétaire de la maison. Un accord qui lui permet encore aujourd'hui d'occuper les lieux jusqu'à démolition de la bâtisse, une démolition dont la date n'a toujours pas été arrêtée.

Aujourd'hui, dix mois après avoir franchi le pas-de-porte de la Combe 14, le collectif s'est consolidé et organisé autour de son cheval de bataille: les repas populaires.

 

La "récup'", tout un art

 

" Des carottes à deux jambes, on en a plein! Les clients des supermarchés n'en veulent pas. C'est fou de voir tout ce que les gens balancent ". Se nourrir quand on est squatteur et sans le sou, mission délicate. Mais Jonathan* et les autres membres du Quatorze ont trouvé la parade: ils s'approvisionnent gratuitement et tous les jours en nourriture invendue dans les grandes surfaces, les boulangeries et auprès des petits commerçants de la région. Ils sont également "ravitaillés" deux fois par semaine par une association de redistribution de nourriture dont ils ne souhaitent pas divulguer le nom. " Nous devons tout de même payer de notre poche certains aliments comme le sel, par exemple, qu'on ne trouve pas à la récup' ", précise le pilier du Quatorze. Selon ses dires, entre 20 et 50 kilos seraient ainsi acheminés chaque semaine à la rue de la Combe.

S'il n'a rien inventé - bon nombre de squats s'alimentent ainsi - le collectif semble toutefois être particulièrement bien organisé, au point de pouvoir organiser régulièrement des repas populaires. " Chaque mardi, nous accueillons entre 15 et 25 personnes et nous leur faisons à manger. Ce sont des personnes dans la misère. Des bénéficiaires de l'AI ou du revenu d'insertion mais aussi des roms ou des requérants ", détaille -t-il. Dans sa démarche, Le Quatorze est allé même plus loin puisqu'il a mis en place une carte de bénéficiaire pour ces fameux repas. " Une cinquantaine de personnes en bénéficie. C'est une manière d'officialiser un peu la chose pour montrer à nos donateurs que nous fournissons bien des personnes dans le besoin et que nous ne gardons pas tout pour nous" , poursuit Jonathan.

 

Servez-vous!

 

Dans le prolongement de ces repas populaires, le collectif a également mis sur pied un "free-shop" ou "magasin gratuit" destiné à des bénéficiaires externes. Le concept est simple: à l'extérieur de la villa, dans une cabane de jardin, Le Quatorze entrepose les aliments qui n'ont pas été consommés lors des repas communautaires. " Une centaine de personnes sont déjà venues s'approvisionner ici ", indique-t-il encore.

Derrière les initiatives du collectif, pas d'idéologie politique ou de volonté particulière de se mettre en marge du système. Il se dit mû par une " forte envie de vivre en communauté et de créer une dynamique familliale pour les gens qui sont dans la marge ". Venu du Sénégal il y a une quinzaine d'années, celui que l'on surnomme "Tonton" dans la maison illustre parfaitement le projet du squat. " Je suis ébéniste mais je ne peux plus travailler pour le moment. Alors je passe ici faire de la cuisine africaine pour tromper la solitude. Il y a quelque chose de familial ici. "

*Prénom d'emprunt

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