La chasse a-t-elle encore un avenir en France? C’est en ces termes que Michel Gauthier-Clerc, ancien directeur du parc zoologique de La Garenne, à Le Vaud, pose le cadre de son dernier ouvrage intitulé «Les chasseurs ont-ils tué la chasse?», paru récemment aux éditions Delachaux et Niestlé.

Alors que la saison battra son plein, dans notre canton, dès le 3 octobre, celui qui dirige désormais Scienscope, le centre de médiation scientifique de la Faculté des sciences de l’Université de Genève, a accepté de livrer son regard sur la situation en Suisse. Docteur en écologie et en médecine vétérinaire, le scientifique est, en France, membre du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage. Interview.

Vous signez un ouvrage au titre un brin provocateur sur l’histoire de la chasse en France, peut-on tirer un parallèle avec la Suisse?

La situation y est quelque peu différente. D’une part, les chasseurs y sont moins nombreux – environ 0,1% de la population – alors qu’en France, ils représentent entre 2 et 3%. D’autre part, en Suisse, il y a moins d’espèces qui peuvent être chassées. Et la pratique est encadrée par les Cantons qui édictent des directives sur la chasse, dont, notamment, des plans de tir. Enfin, la formation, qui s’étale sur deux ans, y joue un rôle important. En France, cette activité est, en gros, gérée par les chasseurs eux-mêmes.

Pour autant, en Suisse comme en France, les chasseurs souffrent d’un sérieux dégât d’image…

La chasse reste un loisir et ses adeptes ont de plus en plus de mal à expliquer leur passion. Comment justifier l’acte de tuer un animal sauvage par loisir à l’heure où de plus en plus de personnes se préoccupent du bien-être animal et veulent abolir toute souffrance inutile? C’est une pratique de moins en moins acceptable aux yeux d’une grande partie de la société.

Michel Gauthier-Clerc, docteur en écologie, fin connaisseur de la chasse en France, pose un regard critique sur cette pratique qui a de moins en moins le soutien de la société, en France comme en Suisse. Archives photos: Cédric Sandoz

Les chasseurs suisses mettent souvent en avant l’argument de la régulation de la faune sauvage à laquelle ils participent. Vous n’y souscrivez pas?

Seulement en partie. Et je pense que cet argument de leur utilité se retourne plutôt contre eux. Lorsqu’ils tuent un animal sauvage, les chasseurs le font dans le cadre d’une activité de loisir et n’effectuent pas un service public. Quand vous tirez une bécasse, un lagopède alpin ou un tétras-lyre, ce n’est pas de la régulation. Je ne conteste pas que prélever un cerf ou un sanglier puisse être utile pour la forêt ou l’agriculture... Mais prenez l’exemple du canton de Genève. La chasse y est interdite, ce sont les surveillants permanents de la faune qui se chargent de réguler la faune sauvage. La régulation n’est pas la définition de la chasse, historiquement, cette notion n’a été utilisée que depuis quelques décennies.

La chasse reste un loisir et ses adeptes ont de plus en plus de mal à expliquer leur passion.

Michel Gauthier-Clerc

La plupart des chasseurs en Suisse ne cachent pas leur opposition au retour du loup qui, selon eux, n’y a pas sa place. Quel est votre regard sur cette nouvelle réalité dans nos massifs jurassiens?

Le loup était présent, depuis des millénaires, en Suisse avant de disparaître récemment, au XIXe siècle. Il fait partie de la faune suisse et y a donc sa place. Les chasseurs sont en concurrence avec les loups. Les forestiers sont, eux, favorables à son retour. La Société forestière suisse l’avait demandé afin de permettre le renouvellement de la forêt. Enfin, il y a un réel problème pour les éleveurs qui subissent des attaques sur leur bétail.

Selon vous, quel est le défi que les chasseurs suisses doivent relever?

Le plus facile: le monde de la chasse doit, avec courage, abandonner certaines pratiques, comme la chasse d’espèces très menacées, le tétras-lyre ou le lièvre variable. Le plus difficile: convaincre la société, en pleine évolution sur la question du bien-être animal, que de tuer un animal sauvage par loisir reste acceptable.

Informations pratiques

«Les chasseurs ont-ils tué la chasse?» de Michel Gauthier-Clerc, aux Editions Delachaux et Niestlé.

«La chasse est une pratique de moins en moins acceptable aux yeux de la société»

A l’occasion de la parution d’un ouvrage sur la chasse en France, Michel Gauthier-Clerc, ancien directeur du Zoo de La Garenne, à Le Vaud, livre son regard (im)pertinent sur la situation helvète.