Un beau jour de Noël, juste avant de prendre la route pour aller réveillonner avec la famille, Stéphane Richard avait dû s’empiffrer en vitesse, et en cachette. Il fallait absolument qu’il fasse disparaître le lait et les cookies que son fils Damien avait préparés à l’intention du Père Noël, afin de s’assurer de son existence. Si bien des parents pourraient partager la même anecdote, elle n’en est pas moins révélatrice de la personnalité de Damien Richard: cette volonté d’apprendre en menant des expériences empiriques, toujours frappées de bon sens.

Enfant, le jeune homme était fan de l’émission de vulgarisation scientifique «E=M6». «A l’école, j’allais dans tous les sens, raconte le municipal de Longirod âgé de 28 ans. J’étais intéressé par tout, mais j’ai toujours eu de la peine avec les langues.»

A l’époque, il se rêve médecin urgentiste pour la Rega. Et il a même une idée très précise du rôle qu’il veut tenir: «Je voulais être celui qui est suspendu au bout du treuil.» Pas particulièrement par goût du risque mais pour «être utile à la société».

Un job en entreprise avant même d’avoir fini l’école

«Par la suite, je me suis rendu compte que les personnes à qui la Rega porte secours se sont parfois mises elles-mêmes dans une position compliquée, par exemple en faisant du ski hors piste.» Et si son envie de «défendre la population et de combattre les inégalités», s’incarnait dans l’armée plutôt que dans la Garde aérienne suisse de sauvetage? Cet objectif ne le quittera plus.

En attendant de rejoindre les rangs de la grande muette, Damien Richard poursuit sa scolarité en voie secondaire à options. Le jeudi après-midi, lorsque sa classe a congé, il en profite pour faire ses premiers pas dans le monde du travail. «Pour m’occuper et me faire des sous, j’ai décidé d’aller bosser dans une entreprise à Gimel.» Mais rassurez-vous: «Je jouais aussi aux jeux vidéo à côté!»

Pour déplacer une montagne, il faut bien commencer par donner un premier coup de pelle.

Damien Richard

Délégué de classe dans son collège de Gimel, il enrage de voir qu’à midi, les élèves de Longirod doivent se taper un trajet en bus de 30 minutes, alors qu’un autre véhicule qui circule à vide pourrait les ramener à la maison en quelques minutes. Un jour, avec d’autres, il lance une petite révolution dans le car en le forçant à s’arrêter en chemin. L’histoire leur vaudra une semaine de suspension de transports publics. Mais également une victoire puisque les autorités accéderont finalement à leur requête.

«Pour déplacer une montagne, il faut bien commencer par donner un premier coup de pelle», résume-t-il. En 2011, lors de la création de la Commission des jeunes du canton de Vaud, il en est. «On a pu travailler sur le règlement de la Loi sur l’enseignement obligatoire et faire ajouter un article sur les droits des élèves», se félicite-t-il. L’année d’après, alors qu’il vient de fêter ses 18 ans, il rejoint les rangs du Conseil général de Longirod.

Ecrire, malgré les difficultés

Son CFC de maçon en poche, il part à l’étranger pour apprendre l’allemand et l’anglais. De Berlin, il dépose sa candidature pour le Parlement francophone des jeunes en rédigeant un texte sur la responsabilité de protéger les populations civiles face à la souveraineté des Etats. Lui qui se dit peu à l’aise à l’écrit – «j’ai la chance d’avoir des proches qui peuvent me relire rapidement» – décroche son ticket pour aller représenter la Confédération en Côte d'Ivoire.

Longirod, mercredi 30 novembre 2022, portrait de Damien Richard, municipal des eaux à Longirod, dans le cadre de la série "Villages", photos Cédric Sandoz

Depuis 2021, Damien Richard porte ses combats au sein de la Municipalité de Longirod. Photo: Cédric Sandoz

La suite semble couler de source. En 2014, il rejoint le comité de la Fédération suisse des parlements des jeunes et cofonde, trois ans plus tard, le Conseil des jeunes du district de Nyon. En 2020, le voilà nommé à la Commission fédérale enfance et jeunesse et, pas plus tard qu’en octobre, à la Chambre consultative de la jeunesse du canton de Vaud. Entre les deux, il décroche sa place à la Municipalité de Longirod.

La réalité en face

Prendre la plume pour dire tout le mal ou le bien qu’il pense d’un sujet, débattre «sans s’énerver, car les gens ne nous écoutent plus» et «mettre les mains dans le cambouis avant de se permettre de critiquer», voilà comment il tente de «faire changer les choses». Mais Damien Richard sait aussi qu’«on peut difficilement combattre une arme par la parole». Premier-lieutenant à l’armée, il travaille également comme agent de sécurité en parallèle à son Bachelor en économie d’entreprise.

Un job qui l’a conduit à jouer les videurs dans une célèbre discothèque de Bulle, ou à surveiller des ultras hors de contrôle lors de matches de foot. Une expérience tout empirique, là aussi: «On n’est plus dans le débat intellectuel mais sur l’aspect animal.» Un univers à des années-lumière des espaces d’échange auxquels il est habitué: «Ce sont deux mondes qui composent notre société. L’un ne doit pas cacher l’autre.»

Quand je n’ai rien à faire, je réfléchis trop à ce qu’on pourrait faire pour améliorer les choses.

Damien Richard

Et son avenir, à quoi ressemblera-t-il? «Cela m’intéresserait de créer une entreprise engagée pour l’environnement», répond le municipal des eaux de Longirod. Ça n’étonnera personne d’apprendre que la perspective de poursuivre une carrière politique le titille également. Mais on peine encore à lui coller une étiquette, et lui aussi. «Je suis en train de lire tous les statuts des partis. Je me laisse encore un ou deux ans de réflexion.»

En constante ébullition – «quand je n’ai rien à faire, je réfléchis trop à ce qu’on pourrait faire pour améliorer les choses» – Damien Richard tente toutefois de se ménager au moins six heures de sommeil par nuit. Et de garder du temps pour sa pratique de l’ACDS, un art martial qui mise sur la défense de soi et des autres. Mais aussi pour sa compagne, «une personne exceptionnelle qui m’appuie et m’aide beaucoup».

Longirod: avec Damien Richard, la jeunesse a trouvé son porte-voix

A 28 ans, le jeune municipal a déjà plus d’une décennie d’engagement derrière lui. Animé par une insatiable soif de découverte, il est loin d’avoir épuisé tous les sujets.