En 2018, un premier sondage réalisé en Angleterre sur le harcèlement sexuel lors des festivals musicaux livrait des résultats accablants. Sur un échantillon de 1188 femmes, 43% des festivalières âgées de moins de 40 ans témoignaient avoir subi un comportement sexuel non consenti.

Il n’est ainsi pas étonnant que, pour leur retour après la parenthèse pandémique, de nombreuses manifestations romandes ont pris des mesures pour mieux accompagner les victimes de ces agissements.

La plus répandue de ces procédures se prénomme «Angela» et a déjà été mise en place au Montreux Jazz, à Festi’Neuch ou encore à Caribana. Elle fera ses premiers pas sur la plaine de l’Asse, dans une petite semaine, avec le lancement du 45e Paléo.

Angela, l’ange gardien

Concrètement, une personne à la recherche de soutien pourra se rendre à n’importe quel bar ou auprès d’un membre du staff «Accueil et Sécurité» de la manifestation et simplement prononcer le prénom «Angela» pour enclencher une chaîne de prise en charge. «On lui proposera de passer derrière le bar et on lui demandera son accord pour appeler la sécurité, détaille Mario Fossati, secrétaire général de Paléo. Le principe cardinal, c’est l’écoute. Si elle l’accepte, on l’accompagne alors dans un lieu d’accueil. A l’infirmerie, par exemple. »

Les équipes ont été sensibilisées aux enjeux ou encore à l’usage des bons mots. On peut vite faire preuve de maladresse.

Mario Fossati, secrétaire général de Paléo

Pour la suite, tout dépend de la gravité du cas et des besoins exprimés par la victime. Pour les plus extrêmes, la police, également sur place, prend le relais, mais la majorité des situations relève davantage d’un sentiment de malaise ou d’insécurité que d’une agression caractérisée.

«Nous avons, par exemple, eu ce cas en 2019 d’une jeune femme qui était venue seule au festival, relate Mario Fossati. Elle s’est retrouvée à discuter avec un groupe de garçons, quelque chose lui a déplu. Elle a eu le bon réflexe de venir à l’infirmerie. Elle souhaitait qu’on la raccompagne jusqu’au bus pour qu’elle puisse rentrer chez elle et elle ne se voyait pas traverser le terrain toute seule.»

De la formation par des spécialistes

Afin de sensibiliser son staff et proposer une prise en charge adéquate, le festival a fait appel à l’expertise de l’association genevoise We can dance it, spécialisée, notamment, dans le harcèlement en milieu festif et culturel. «Il y a eu plusieurs formations durant lesquelles les équipes ont été sensibilisées aux enjeux ou encore à l’usage des bons mots. On peut vite faire preuve de maladresse dans ce genre de situation», note le secrétaire général du festival nyonnais.

A Caribana, le protocole Angela a été utilisé avec succès durant les cinq jours de la manifestation. «La problématique du harcèlement dans le contexte des festivals n’est pas nouvelle, mais c’est une très bonne chose de la mettre en avant et d’y apporter des réponses plus efficientes qu’auparavant», constate Alexandre Bochez, responsable de la sécurité pour la manifestation de Crans.

Pour Mario Fossati, les festivals doivent pouvoir répondre aux défis du harcèlement. Photo: Cédric Sandoz

Mario Fossati abonde: «Il s’agit de préoccupations sociétales grandissantes, la lutte contre le harcèlement et les discriminations est un enjeu central, notamment la reconnaissance et la prise en charge des victimes. Les festivals sont des extensions de la société, il est normal qu’ils répondent à ces défis.»

Que le début?

Reste que si Paléo a bien décidé de s’emparer de cette problématique, il ne va pas en faire une thématique pour autant. Sur le terrain, il n’y aura pas de campagne de communication massive sur la question, pas de spot vidéo sur les écrans géants, comme on a pu le voir dans certaines grandes manifestations ailleurs en Europe, par exemple. «Nous allons disposer des affichettes dans les différentes toilettes du terrain, c’est le lieu idéal pour communiquer, on y passe du temps et souvent plusieurs fois par soir», expose Mario Fossati.

On est quand même dans un environnement festif et cool. Créer une atmosphère empreinte de bienveillance permet de désamorcer pas mal de problèmes en amont, c’est aussi une forme de prévention.

Mario Fossati, secrétaire général de Paléo

Paléo n’a pas opté non plus pour une des applications pour smartphones disponible sur le marché censée venir en aide aux victimes d’agression en alertant les autres utilisateurs à proximité. «Nous avons assisté à des démonstrations, techniquement c’est au point, mais nous n’avons pas eu de données sur l’efficacité de ces applications sur le terrain», explique Mario Fossati.

Atmosphère positive

Paléo n’exclut toutefois pas d’étoffer, à l’avenir, sa boîte à outils. «Nous aviserons quand nous aurons plus de recul, Nous verrons quelle application s’imposera naturellement auprès du grand public. C’est, à mon sens, une condition incontournable pour obtenir de bons résultats», analyse Mario Fossati.

Le festival compte aussi sur les 1600 bénévoles du département Accueil et sécurité – le plus étoffé de Paléo – pour favoriser un climat positif, peu compatible avec des comportements répréhensibles. «On est quand même dans un environnement festif et cool. Créer une atmosphère empreinte de bienveillance permet de désamorcer pas mal de problèmes en amont, c’est aussi une forme de prévention», expose le secrétaire général.

Et les mystérieuses piqûres?
Elles ont fait les gros titres de la presse durant plusieurs semaines: ces fameuses piqûres administrées en soirée par des personnes malintentionnées préoccupent naturellement les organisateurs de festivals. A Caribana, on a comptabilisé une «petite poignée» de cas suspects. Du côté de Paléo, le staff et la police cantonale seront également sur le qui-vive. «Il y aura une prise en charge médicale, comme il y a atteinte à l’intégrité physique», détaille Mario Fossati secrétaire général du festival nyonnais. Et les informations seront systématiquement transmises aux forces de l’ordre.
Si aucune injection de substance n’a, pour l’heure, été avérée, comme le rappelait la police cantonale dans un récent communiqué, piquer une personne, même avec une simple aiguille, est un délit pouvant entraîner de la prison.

Comment Paléo s’arme contre le harcèlement

Comme d’autres festivals, Paléo empoigne à bras-le-corps la problématique du harcèlement lors des manifestations publiques. La sensibilisation des équipes et une certaine Angela sont au cœur de la prise en charge des victimes.