Franc fort: frontaliers certes gagnants, mais inquiets malgré tout

Nombreux sont les Français venant travailler dans la région à avoir souscrit un emprunt en francs suisses. Effet inverse.

20 janv. 2015, 12:12
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Combien des 2500 frontaliers venant quotidiennement à Nyon n'ont-ils pas été interpellés par leurs collègues résidant en Suisse: "Avec la parité du franc et de l'euro, ça te fait une jolie augmentation de salaire, tu pourrais nous payer l'apéro!" Oui, les frontaliers bénéficient assurément, avec la fin du taux plancher, d'un pouvoir d'achat gonflé de 15 à 20% lorsqu'ils rentrent chez eux en fin de journée, cependant, la joie n'est pas aussi expressive qu'escomptée. La faute, souvent, à un crédit hypothécaire contracté en France, mais en devises: en francs suisses plus précisément.

"Je paie actuellement 1300 francs par mois de remboursement de mon crédit, explique Maryline*, qui travaille à Nyon depuis près de dix ans. Seulement, si je venais à devoir retourner travailler en France, et être payée en euro, il me faudrait dès lors payer 1300 euros, contre environ 1100 la semaine dernière." De quoi inquiéter la jeune femme, qui a donc vu sa dette hypothécaire totale augmenter de 20%. Du moins virtuellement. Car pour qu'elle subisse réellement cette augmentation, il lui faudrait perdre son emploi en Suisse. Et n'en retrouver que de l'autre côté du lac. "Oui, la peur de perdre son emploi se fait plus grande car, avec ce nouveau cours, il nous serait impossible de rembourser la dette en francs suisses avec un salaire français." Un cas d'autant plus vrai pour ceux qui ont contracté un emprunt en devises alors qu'ils travaillaient en Suisse et qui, tombés au chômage, touchent des allocations en euro en France. Reste que si ces crédits ont été négociés jadis en francs suisses, c'est bien parce que l'affaire était rentable.

Les impôts aussi

"Ce sont effectivement des cas fréquents: beaucoup de frontaliers ont souscrit à un emprunt en francs suisses, même s'il reste difficile de donner un chiffre précis" , commente Laurence Coudière, chargée de communication auprès du Groupement transfrontalier européen.

Autre inquiétude pour Maryline*: les impôts. Comme une partie de son salaire en francs suisse sert à rembourser la dette, également en francs suisses, il n'y a pas de conversion en euro. Donc aucune plus-value. Seule l'autre partie du salaire se voit "gonflée" par le cours de change. "Cependant, l'Etat français va nous taxer sur l'ensemble de notre salaire touché en Suisse. Or, nous n'aurons "profité" du bon cours de change que sur une seule partie du salaire. Dès lors, nous craignons d'être imposés sur une fortune dont nous n'allons jamais réellement disposer" , poursuit la frontalière. Laurence Coudière confirme: " L'ensemble du revenu est imposé quel que soit l'origine des emprunts."

Des frontaliers au pouvoir d'achat soudainement améliorés, mais qui se retrouvent, pour certains, virtuellement plus endettés.

*Nom connu de la rédaction