Hier, Paris, aujourd'hui, Berlin. Telle une note à la fois légère et lyrique, Mélodie Zhao danse sur la portée du monde grâce à son génie pianistique. Cette existence nomade propre aux artistes d'exception, la Saint-Preyarde y est habituée depuis son plus jeune âge. Née d'une mère malaisienne et d'un père chinois, elle passera son enfance ballottée entre la Suisse et la Chine. C'est dans l'Empire du Milieu, auprès de sa grand-mère, que Mélodie laissera danser pour la première fois ses doigts sur un clavier. La virtuosité de la jeune fille éclate alors rapidement au grand jour. A 3 ans, elle intègre donc le Conservatoire de Pékin. Puis, en inlassable Sisyphe, elle conquiert quelques-unes des plus hautes cimes du répertoire classique, parmi lesquelles Chopin, Tchaïkovski, Beethoven ou Liszt. "Sa précocité tient surtout à son incroyable force de concentration. A 13 ans, elle pouvait déjà jouer un concert entier. C'est rarissime!" , raconte André Piguet, qui a lancé la carrière de Mélodie Zhao en Suisse.
Insuffler de l'âme au travail
La fulgurante trajectoire de l'enfant prodige est à la mesure des formidables panégyriques louant son talent artistique. Un qualificatif que la principale intéressée s'empresse de nuancer: "Avec beaucoup de travail et un peu de chance, le talent suit naturellement." Cependant, on aurait tort de réduire la jeune femme à une Stakhanov de la musique, comme ont pu l'être certains de ses camarades du conservatoire. La pianiste possède indéniablement un supplément d'âme. "Ce n'est pas juste une exécutante. Elle connaît la biographie des compositeurs qu'elle interprète par coeur. Elle a une vision complète de chaque oeuvre" , indique sa mère, Howe Yin Zhao. De ce point de vue, Mélodie Zhao incarne une subtile harmonie entre travail et connaissance.
Eminemment fiers, ses parents l'imaginent embrasser la plus grande carrière. "Elle sera une pianiste d'influence mondiale tant dans la composition que la direction d'orchestre" , prédit son père, Yuan Zhao. Ce violoniste de formation incarne à la fois la figure patriarcale et professorale de la jeune femme, "à la manière de Léopold Mozart avec son illustre fils, Wolfgang Amadeus" , ose André Piguet, devenu proche confident de la famille avec le temps. Pourtant, sa mère se défend d'avoir contraint sa fille à suivre cette voie. "Nous n'avons fait que notre devoir en soutenant son choix et sa passion."
L'indéfectible amour de ses parents ne l'empêchera pas de ressentir parfois un vide entre les notes. La jeune musicienne confie une enfance assez solitaire. "J'avais très peu d'amis. Lors de mes études à la Haute école de musique de Genève, mes camarades avaient tous 10 ans de plus que moi (ndlr: elle obtient son master de soliste à 16 ans) ." A l'adolescence, le piano est devenu quelque peu fardeau et les portées de ses partitions barreaux d'une cage trop dorée. Mélodie Zhao avait besoin de prendre du recul avec son instrument, donc avec ses parents. Elle s'en va étudier à l'Université des arts de Berlin en septembre dernier pour y écrire les nouvelles gammes de son existence.
L'énergie guide ses passions
Il y a assurément du Novecento en Mélodie Zhao. Mais, à la différence du génial pianiste de Baricco, esseulé sur son paquebot, la Saint-Preyarde aspire aujourd'hui à sortir de son univers. "Je n'ai pas de plan de carrière, mais un projet: rajeunir la musique classique." Amener les gens de sa génération à poser le pied sur son continent, pour rompre avec son isolement. Si le piano irradie plus que jamais sa vie, il n'est plus le soleil au contact duquel pourrait se consumer son zèle. A côté de ses récitals, elle étudie le design et l'architecture d'intérieur - "Il fallait que je fasse quelque chose de sérieux" , dit-elle - ou lit des ouvrages. De préférence des classiques, tels que Balzac ou Nabokov. Musique ou pas, Mélodie Zhao s'investit toujours avec la même énergie hors norme qui la caractérise.